Validité de la clause d'exclusion de la solidarité et de l'in solidum dans les contrats de maitrise d'oeuvre
Publié le :
07/02/2022
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Le modèle de contrat qui est diffusé par l’Ordre national des architectes stipule, en son article G 6.3.1, que : « l’architecte assume sa responsabilité professionnelle, telle qu’elle est définie notamment aux articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4-1 du Code civil, dans les limites de la mission qui lui a été confiée et ne pourra être tenu responsable ni solidairement ni in solidum, des fautes commises par les autres intervenants. »
A ce titre, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation avait récemment, dans un arrêt en date du 19 mars 2020 (Cass, 3ème civ, 19 mars 2020, n° 18-25.585), confirmé sa position consistant à valider une clause d’exclusion de responsabilité du maître d’œuvre, même, lorsqu’elle tend à exclure la solidarité ou la condamnation in solidum entre constructeurs (Cass, 3ème civ, 14 février 2019, n° 17-26.403 ; Cass, 3ème civ 7 mars 2019, n° 18-11.995 ; Cass, 3ème civ, 17 octobre 2019, n° 18-17.058).
Dans son arrêt en date du 7 mars 2019, la Cour de cassation avait confirmé la validité de cette clause et indiqué que la Cour d’appel avait retenu à bon droit qu’elle n’était pas abusive, en ce qu’elle ne vidait pas la responsabilité de l’architecte de son contenu, dès lors qu’il doit assumer les conséquences de ses fautes et sa part de responsabilité dans les dommages.
Bien entendu, cette clause d’exclusion de solidarité ne peut trouver à s’appliquer en matière d’assurance obligatoire, c’est-à-dire en cas de condamnation sur le fondement de la garantie décennale, s’agissant d’une garantie d’ordre public (Cass, 3ème civ, 18 Juin 1980, n° 78-16096).
Elle trouve par contre son plein effet en matière de responsabilité civile de droit commun.
En application de cette clause, l’architecte ne peut être condamné que dans la mesure de sa quote-part de responsabilité, et tous les autres intervenants à l’acte de construire, également considérés comme fautifs, sont quant à eux condamnés in solidum pour le solde restant dû.
Ainsi donc, la responsabilité de l’architecte ne peut qu’être limitée aux seuls dommages qui étaient la conséquence directe de ses fautes personnelles, en proportion de sa part de responsabilité, de sorte qu’il ne peut être tenu notamment de supporter la défaillance éventuelle d’un co-obligé.
C’est alors que, contre tout attente, la Cour de cassation a indiqué dans son arrêt en date du 19 janvier 2022, que : « Une telle clause ne limite pas la responsabilité de l'architecte, tenu de réparer les conséquences de sa propre faute, le cas échéant in solidum avec d'autres constructeurs. »
Et elle ajoute que cette clause « ne saurait avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître d'ouvrage contre l'architecte, quand sa faute a concouru à la réalisation de l'entier dommage. »
Sur ce, par ce qui constitue bien un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation s’inscrit à nouveau dans la position qui était la sienne en 1980 (Cass, 3ème civ, 18 juin 1980, n° 78-16.096), alors qu’elle considérait que la clause stipulant que la responsabilité de l’architecte à l’égard du maître de l’ouvrage ne sera engagée au titre des dispositions en vigueur, et notamment des dispositions des articles 1792 et 2270 du Code civil, que dans la mesure de ses seules fautes professionnelles sans aucune solidarité ne saurait avoir pour effet d’empêcher une condamnation in solidum entre l’architecte et les entrepreneurs.
Cass, 3ème civ., 19 janvier 2022, n° 20-15.376
Auteur
Karen VIEIRA
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