Les conventions de forfait sont-elles présumées dangereuses pour la santé ?
Publié le :
29/11/2017
29
novembre
nov.
11
2017
En d’autres termes, l’employeur doit-il se sentir en danger permanent ou, à tout le moins, vivre la relation contractuelle en assumant une insécurité juridique permanente, bien qu’ayant légalement conclu une convention de forfait en s’adossant à un accord collectif ?
C’est ce que semble à nouveau rappeler la Cour de Cassation, par son arrêt en date du 5 octobre 2017 (n°16-23106 et suivants, FS-PB), qui poursuit son œuvre jurisprudentielle débutée en 2011, en s’emparant « directement » du contrôle desdits accords collectifs afin de s’assurer que ces derniers protègent par leur fonctionnement la santé des salariés.
Personne ne remettra en cause le caractère primordial de la santé et a fortiori le caractère primordial de la santé au travail.
Ceci étant, est-il audible, du point de vue du justiciable employeur, qu’un ou plusieurs cadres (6 au cas d’espèce) peut-être par opportunité, sans jamais avoir dépassé les amplitudes raisonnables ou maximales de travail, sans jamais avoir été malades, puissent considérer que les salaires versés contractuellement, quelquefois bien supérieurs aux minima conventionnels, l’aient été en contrepartie d’un horaire de travail à 35 heures hebdomadaires, leur permettant ainsi, pour des questions donc formelles, de solliciter :
- des rappels d’heures supplémentaires en brut ;
- une indemnité pour non-respect des repos compensateurs ;
- une indemnité pour travail dissimulé,
- le tout dans la limite des prescriptions.
L’employeur est ainsi condamné à des montants difficilement prévisibles, pour ne pas avoir remédié « en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable », comme le souligne la Haute Cour, peut-être de manière plus sévère, que dans l’hypothèse où il aurait commis une faute contractuelle, en dégradant effectivement la santé de son salarié.
A nouveau, chacun comprendra aisément que la Cour de Cassation n’a d’autre choix que de rappeler, comme elle l’a fait au titre de l’arrêt commenté, que l’employeur doit assurer le suivi effectif et régulier de la charge de travail de ses cadres, mais la sévérité des sanctions (nullité rétroactive) doit pouvoir également être tempérée au cas par cas.
Au demeurant, c’est le législateur lui-même qui semble être intervenu en la matière, d’abord au titre de la loi du 8 août 2016 (article L. 3121-65 du Code du travail), laquelle autorise l’employeur à maintenir des accords formellement critiquables, mais en lui laissant, enfin, la possibilité, in concreto, de se « justifier » et d’expliquer en quoi il a suivi la charge de travail de ses cadres, et selon les outils qu’il a pu retenir au cas particulier.
C’est donc moins la forme que le fond qui est à présent regardé.
Enfin et alors que tous s’accordaient, s’agissant des sanctions, à affirmer que la nullité ne pouvait que, par définition, être rétroactive, avec les conséquences lourdes évoquées plus haut, l’ordonnance « MACRON » du
22 septembre 2017 (articles 2262-13, et 2262-15 du Code du Travail) pose comme principe :
- que la charge de la preuve du caractère illégal d’un accord pèse sur celui qui l’allègue, de sorte qu’il n’y a pas de présomption en la matière ;
- que le Juge est « invité », s’il retient l’annulation, à n’en réserver, le cas échéant, ses effets, que pour l’avenir, mettant ainsi fin au caractère rétroactif, mécanique, de cette dernière.
En somme, si les principes ne sont ni discutables ni discutés, qu’il soit permis d’espérer que leur traduction judiciaire se fasse, peut-être, pour l’avenir, de manière plus équilibrée.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © fotodo - Fotolia.com
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © fotodo - Fotolia.com
Auteur
GELLER Olivier
Historique
-
Fonctionnaires : prolongation de l'indemnité de garantie individuelle du pouvoir d'achat
Publié le : 04/12/2017 04 décembre déc. 12 2017Collectivités / Services publics / Fonction publique / Personnel administratifUn décret du 17 novembre 2017 proroge la garantie individuelle du pouvoir d'achat en 2017 et étend ce dispositif aux personnels des cultes exerçant dans le...
-
50 ans de Barreau, ça se fête !
Publié le : 01/12/2017 01 décembre déc. 12 2017Actualités EUROJURISA l'occasion de la formation en droit du travail animée par le Professeur Paul-Henri ANTONMATTEI ce vendredi 1er décembre, Me Thierry BRISSART, avocat à RE...
-
L’interdiction de vente sur une place de marché en droit de la concurrence
Publié le : 01/12/2017 01 décembre déc. 12 2017Entreprises / Marketing et ventes / ConcurrenceAu terme d’un arrêt rendu par sa Chambre commerciale le 13 septembre dernier, la Cour de Cassation est venue considérer qu’au sein d’un accord de distribut...
-
Bail commercial : résiliation du bail après un congé sans offre de renouvellement
Publié le : 01/12/2017 01 décembre déc. 12 2017Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierLa Cour de Cassation a eu à se prononcer sur la possibilité juridique pour un bailleur de pouvoir obtenir la résiliation d’un bail commercial après l’échéa...
-
Les conventions de forfait sont-elles présumées dangereuses pour la santé ?
Publié le : 29/11/2017 29 novembre nov. 11 2017Entreprises / Ressources humaines / Contrat de travailEn d’autres termes, l’employeur doit-il se sentir en danger permanent ou, à tout le moins, vivre la relation contractuelle en assumant une insécurité jurid...
-
La prise d’acte de rupture requalifiée en démission contraint-elle le salarié au respect du préavis contractuel ?
Publié le : 29/11/2017 29 novembre nov. 11 2017Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionDu côté du salarié, il convient, préalablement à la prise d’acte de rupture du contrat, de prendre en compte le risque de requalification en simple démissi...
-
L’émolument de vente est-il vraiment du par l’adjudicataire dès lors que les frais publiquement annoncés avant l’ouverture des enchères ne les incluent pas et qu’il ne peut rien être exigé au-delà du montant de la taxe ?
Publié le : 29/11/2017 29 novembre nov. 11 2017Entreprises / Contentieux / Voies d'exécutionLa charge des frais de poursuite résulte d’un dispositif dérogatoire au droit commun, prévu aux articles L. 322-9, R.322-58 et R. 322-42 du code des procéd...