La demande indemnitaire du saisi est-elle de la compétence du juge de l’exécution ?
Publié le :
11/06/2021
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La demande indemnitaire du saisi n’étant pas une contestation de la mesure d’exécution n’est pas de la compétence du juge de l’exécution.
Cass. Civ. 2, 15 avril 2021 (19-20281)
A l’issue d’une longue procédure, ayant commencé par une action paulienne déclarée fondée en réintégration d’un immeuble apporté par une caution personne physique à une SCI, et émaillée du sort divers de demandes indemnitaires fondées sur le contrat de cautionnement écartées, le créancier pratique une saisie immobilière jugée au final non prescrite et, dans ce cadre, la caution fait une nouvelle demande indemnitaire rejetée par la Cour d’appel comme n’étant pas du pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution.
Cette demande ayant pour objet de faire reconnaitre des manquements de la banque aux devoirs d’information et de mise en garde, un dol de celle-ci et une disproportion des revenus et patrimoine de la caution avec son engagement est rejetée par les juridictions de fond soit pour prescription soit pour irrecevabilité (arrêts partiellement cassés).
Sur pourvoi la Cour de cassation déclare le juge de l’exécution dépourvu de pouvoir juridictionnel pour accueillir une demande de condamnation contre la banque et rejette le pourvoi.
Au plan procédural elle juge que cette demande reconventionnelle est une fin de non-recevoir recevable en tout état de cause.
Au plan du pouvoir du juge elle rappelle que la contestation ne se rapportait pas à la procédure de saisie immobilière ou à une demande s’y rapportant puisque la demanderesse ne contestait pas la saisie elle-même.
Sont en cause les pouvoirs du juge de l’exécution que le Code de l’Organisation Judiciaire (COJ) lui attribue depuis la réforme de 2006 pour supprimer les flottements antérieurs et l’interprétation minutieuse que la jurisprudence en fait depuis lors.
I – Les textes :
L’article L. 213-6 du COJ est ainsi rédigé : alinéa 1 :« Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. » Alinéa 3 : « Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit, ainsi que de la procédure de distribution qui en découle. » et alinéa 4 : « Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires. »L’article L. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) renvoie seulement à l’article précité : « Le juge de l'exécution connaît de l'application des dispositions du présent code dans les conditions prévues par l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. »
L’article R.121-1 du CPCE premier alinéa insiste : « En matière de compétence d'attribution, tout juge autre que le juge de l'exécution doit relever d'office son incompétence. »
Donc deux principes : le juge est exclusivement compétent pour toutes les contestations relatives au titre exécutoire et à la mesure d’exécution ou pour toute demande en réparation pour exécution ou inexécution dommageable d’une mesure d’exécution ou conservatoire d’une part, et même si elles portent sur le fond du droit d’autre part, sauf si elles ne relèvent pas d’une juridiction de l’ordre judiciaire.
II – L’interprétation jurisprudentielle :
La compétence du JEX dévoyée en pouvoir juridictionnel pour en faire une fin de non-recevoir (expression employée par Jean-Denis Pellier commentant le même arrêt au Dalloz Actu du 7 mai 2021) pouvant être soulevée à tout moment a dû être peaufinée en jurisprudence.D’abord quant à la notion de fond puis quant au rattachement à l’exécution et au titre lui servant de fondement sans omettre les demandes reconventionnelles en restitution ou indemnitaires.
Pour ce qui est du titre le JEX peut statuer sur la nullité de l’acte notarié fondant une saisie (Civ. 1°, 9 avril 2015, n° 145-13261) mais pas sur l’annulation d’une décision de justice (C. 2°, 28 septembre 2017, n° 15-26640). Mais il peut proroger la validité d’une ordonnance du juge-commissaire ayant ordonné la vente d’un immeuble dépendant d’une liquidation judiciaire ou en constater la péremption (Cass. com. Avis, 18 avril 2018, n° 70-17005).
La nécessité que les difficultés soient relatives au titre exécutoire est affirmée (Civ. 2°, 25 mars 2021, n° 19-25156, Dalloz Actu, 13 avril 2021, note F. Kieffer) ; ou qu’elles soient relatives à la mesure d’exécution ou à l’inexécution (Civ. 2°, 19 novembre 2020, n° 19-20700, voir commentaire Anne-Isabelle Gregori dans Revue Pratique du Recouvrement n° 2, févr. 2021, pages 11 et 12).
Les demandes du débiteur : le Juge de l’exécution peut ordonner la restitution des sommes versées au titre de l’exécution forcée alors qu’elles n’étaient pas dues (Civ. 2°, 27 février 2020, N° 18-25382, note F. Kieffer, Dalloz Actu, 23 avril 2020) ; la répétition de l’indu avait déjà été jugée de la compétence du juge de l’exécution (Civ. 2°, 19 décembre 2002, n° 00-20774).
La clause pénale peut être réduite par le juge de l’exécution (Civ. 2°, 5 juin 2014, n° 13-16053) ; il peut désormais statuer sur la demande de disproportion de la caution (Civ. 2°, 14 janvier 2020, n° 19-18884), ce qui lui avait été refusé (Civ. 2°, 3 décembre 2015, n° 13-28177) au profit du juge du fond.
Aucune demande en dommages-intérêts reconventionnelle du débiteur n’est recevable car le juge de l’exécution ne peut délivrer de titre exécutoire depuis l’arrêt de principe (Civ. 2°, 25 septembre 2014, n° 13-20561) sauf cas prévu par la loi (astreinte) ; arrêt confirmé depuis (Civ. 2°, 22 juin 2017, n° 15-24385 et 23 juin 2016, n° 15-12113 et enfin celui commenté - dans lequel la demande de disproportion diluée est aussi rejetée notons-le).
Enfin, pour ne rien évacuer, les instances parallèles au fond : le juge de l’exécution ne doit pas en tenir compte si elles sont du domaine des incidents de saisie. Et la juridiction de fond doit déclarer irrecevable la demande formée devant elle ressortant du pouvoir du Juge de l’exécution (Civ. 2°, 1er décembre 2016, n° 14-27169).
En conclusion la rédaction de l’article L. 213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire semblait nouvelle, intéressante et limpide mais se révèle en fait source de foultitude d’arrêts destinés à en préciser les termes, vu l’avalanche de demandes des débiteurs qui font du JUEX un fourre-tout.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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