Dépenses obligatoires et contestations sérieuses

Publié le : 15/03/2010 15 mars mars 03 2010

L’article L 1612-15 du CGCT précise que ne sont obligatoires pour les Collectivités Territoriales que les dépenses nécessaires à l’acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l’a expressément décidé.

Collectivités terrotoriales et notion de dépense obligatoireSur cet article, la jurisprudence est très nombreuse.

L’on sait que l’article précise que la Chambre Régionale des comptes saisie par toute personne y ayant intérêt peut constater qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante.

Ayant opéré cette constatation, elle peut adresser une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée.

Si, dans un délai d'un mois, cette mise en demeure n'a pas été suivie d'effet, la Chambre Régionale des comptes (CRC) demande au représentant de l'Etat d'inscrire cette dépense au budget.

Qu’en est-il alors de la notion de dépense obligatoire ?

Faut-il considérer que toutes les dépenses qualifiées d’obligatoire par la loi doivent être nécessairement inscrites au budget y compris d’office par la CRC ?

En réalité, l’appréciation portée par la CRC est très pragmatique.

La CRC s’autorise à constater qu’une dépense est obligatoire pour une Collectivité Territoriale donc de mettre en demeure la Collectivité Territoriale d’inscrire celle-ci à son budget qu’en ce qui concerne les dettes échues certaines liquides non sérieusement contestées dans leur principe et dans leur montant et découlant de la loi d’un contrat d’un délit d’un quasi-délit ou de toute autre source d’obligations (Conseil d'Etat 18.09.1998 cci de Dunkerque, requête n°171087).

Ainsi, et de manière tout aussi pragmatique, dès lors qu’une dépense est obligatoire en vertu d’une disposition légale mais qu’il existe une contestation sérieuse sur son principe et sur son montant, la CRC peut parfaitement constater son caractère obligatoire (Conseil d'Etat 7.01.2001 Syndicat Intercommunal du Val de Sambre, requête n°229042).

La Cour Administrative d’Appel de Nancy est venue illustrer ce principe de fort belle manière.

Dans un arrêt du 1er juin 2006 (n°04NC00652) elle est venue rappeler que, même un acte notarié ne pouvait contraindre une Collectivité à exécuter une dépense qu’elle contestait sérieusement.
Les faits de l’espèce étaient extrêmement clairs.

Une Collectivité avait passé un acte pour l’acquisition de diverses parcelles de terrains appartenant à des propriétaires particuliers dont la vente avait été conclue par acte authentique en date du 8 mars 2001.
La nouvelle municipalité a refusé d’ordonnancer la dépense correspondante.
Les particuliers ayant procédé à la vente de leurs terrains ont sollicité Monsieur le Préfet pour que la dépense soit mandatée d’office.

Le Préfet a mis en demeure la Commune de régler la somme litigieuse.
La commune par une délibération du 28 février 2002 a supprimé les crédits susceptibles de permettre le règlement de cette dépense.

Un contentieux a été élevé en annulation de cette délibération, rejeté par le Tribunal Administratif puis par la Cour.
Dès lors, les vendeurs malheureux ont saisi la CRC d’une demande tendant à reconnaître le caractère obligatoire de la dépense.
La CRC a refusé de reconnaître ce caractère obligatoire et, de manière encore plus précise, a déclaré non obligatoire la dépense en cause.

Le Tribunal Administratif a confirmé cet avis de même que la Cour Administrative d’Appel dans des considérants qui sont particulièrement clairs.
Elle énonce :
« Qu’il s’en suit que la seule circonstance qu’une dépense soit due aux termes d’un acte notarié ne saurait la faire regarder comme obligatoire au sens des dispositions précitées L 1612-15 du CGCT si celle-ci fait l’objet d’une contestation sérieuse ».

Ainsi, et de manière constante, il est jugé que la contestation sérieuse peut s’opposer au caractère obligatoire de la dépense.

Et, dans la présente espèce, la Cour Administrative d’Appel de Nancy vient caractériser le caractère sérieux de la contestation en estimant que l’écart entre d’une part le prix fixé par l’acte de vente et d’autre part l’estimation faite par le service des Domaines permettait par ce seul constat de dire sérieuse la contestation portée.

Ainsi, l’acte notarié et les mentions ont été combattus par les appréciations pragmatiques portées sur ce dossier.
L’on ne peut s’empêcher de faire un lien entre cet arrêt et celui qui a été très récemment rendu par le Conseil d'Etat en matière de vente des parcelles dépendantes du Domaine Privé par la commune.

Dans une décision n°310208 du 25 novembre 2009, Commune de Mer, le Conseil d'Etat a rappelé que seule la démonstration d’un intérêt communal ou propre à la collectivité venderesse permet de vendre à un prix sensiblement inférieur à l’évaluation du service des Domaines.

Ainsi, dans l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nancy n°04NC00652 du 1er juin 2006 relatif au caractère obligatoire d’une dépense, l’on peut faire un lien avec les modalités plus générales de gestion de leur domaine public par les collectivités et de gestion des deniers publics par les collectivités.

Dans tous ces cas, l’assistance d’un avocat intervenant en droit public et en droit des finances publiques ne peut qu’être conseillée.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
DROUINEAU 1927 - Poitiers
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