L’immeuble non encore vendu constitue-t-il un actif disponible ?
Publié le :
31/08/2020
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C’est l’ordonnance du 18 décembre 2008, dans son article 74 qui précise la notion d’état de cessation de paiements.
Ainsi, l’article L631-1 du code de commerce dispose :
« Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. »
Les arrêts publiés et commentés sur cette notion sont désormais plus rares.
La Cour de cassation ne laisse aucune place à un éventuel revirement de jurisprudence en rappelant régulièrement son interprétation stricte de la notion d'actif disponible : il doit être immédiatement réalisable (Cass. Com. 27 février 2007, n°06-10.170 ; Cass. Com. 15 février 2011, n°10-13.625).
Elle revient sur cette notion dans un arrêt récent du 17 juin 2020 (Cass. Com. 17 juin 2020, n°18-22.747).
En l’espèce, une avocate a été placée en liquidation judiciaire par décision du 20 avril 2017.Dans ce contexte, un liquidateur a été désigné. Peu de temps après l’ouverture de la procédure, soit le 12 octobre 2017, cette avocate a ensuite été mise sous tutelle pour une durée de soixante mois.
Le tuteur désigné a contesté l’état de cessation des paiements retenu dans le cadre de la liquidation judiciaire au motif que la débitrice était propriétaire d’un appartement dont la locataire avait présenté une offre de rachat correspondant aux estimations du passif.
Cette offre a été acceptée par le tuteur de l’avocate placée en liquidation judiciaire sous condition suspensive de l'approbation du mandataire judiciaire, qui avait, lui, pris attache avec le tuteur pour être autorisé à vendre le bien et le notaire.
De plus, la locataire disposait de la moitié du prix proposé, et rapporta qu’elle avait obtenu un emprunt pour le reste du prix, « à la condition que la vente se fasse rapidement », en réitérant à l'audience son intention d'acquérir le bien.
Dès lors, la débitrice ne serait pas en état de cessation des paiements.
La question était finalement de savoir si l’immeuble loué pouvait être pris en compte dans l’actif disponible, défini comme l’actif immédiatement réalisable.
On aurait pu le penser.La vente finale semblait imminente, certaine et l’acheteur, la locataire, jouissait d’un droit de préférence. De plus, le tuteur avait donné son accord à la vente.
La cour d’appel avait alors retenu que l’état de cessation des paiements n’était pas constitué puisqu’il fallait prendre en compte le prix de l’immeuble.
Un pourvoi à l’encontre de cet arrêt est formé par la Caisse nationale des barreaux français.
L’arrêt est ensuite cassé par un attendu lapidaire.
« Attendu qu’un immeuble non encore vendu ne constitue pas un actif disponible ».
Cette sévérité paraît justifiée dans la mesure où la réalisation immédiate de l’immeuble demeurait incertaine.
En effet, la locataire n’avait émis qu’une offre et sa rétractation, même fautive, demeure efficace et ne peut aboutir qu’au paiement de dommages et intérêts délictuels.
L’article 1116 du code civil précise que :
« Elle ne peut être rétractée avant l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l'issue d'un délai raisonnable.
La rétractation de l'offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du contrat.
Elle engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans l'obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat. »
Une telle condamnation prend du temps et la somme obtenue ne peut donc pas être comptabilisée dans l’actif disponible, composante de l’état de cessation des paiements.
De plus, l’acquéreur bénéficie d’un droit de rétractation qui lui permet in fine de ne plus acheter.
L’encaissement du prix de vente souffrait donc d’aléas ne permettant pas d’inclure l’immeuble à vendre à très court terme dans l’actif disponible.
C’est sur le fondement des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce, que la Cour de cassation rappelle avec force qu’un immeuble non encore vendu ne constitue pas un actif disponible tant qu’il n’est pas effectivement vendu même s’il fait l'objet d'une offre de rachat sur le point de se concrétiser.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Audrey NICOLAS
Avocate
Avocats Réunis
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