Port du voile en entreprise

Port du voile en entreprise : l’impérieuse nécessité d’un règlement intérieur

Publié le : 31/05/2021 31 mai mai 05 2021

La délicate question de la liberté religieuse a donné lieu à un nouvel arrêt de la Cour de cassation le 14 avril dernier (Cass. soc., 14 avr. 2021, n° 19-24.079).

On le sait, les libertés des salariés doivent être préservées au sein même de l’entreprise.
Des restrictions à ces libertés sont possibles, à la double condition qu’elles soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (article L 1121-1 du code du travail).

Ainsi en est-il de la liberté de religion, consacrée par les articles L 1321-3 et L 1132-1 du code du travail ; la Cour de cassation a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises sur ce point, notamment dans la célèbre et controversée affaire de la crèche Baby Loup.

Appliquant désormais le même raisonnement que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la Cour de cassation s’est à nouveau prononcée le 14 avril dernier.

Une vendeuse d’une enseigne internationale de vêtements féminins a repris son poste, après un congé parental, portant un foulard lui masquant les cheveux, le cou et les oreilles, ce qu’elle ne faisait pas auparavant. Refusant de retirer ce voile comme lui demandait l’employeur aux fins de répondre à l’image de marque du magasin et aux attentes des clientes, la salariée a été licenciée et a saisi la juridiction pour contester son licenciement qu’elle estimait discriminatoire.

La Cour de cassation lui a donné gain de cause.

Le mode d’emploi de la Cour de cassation tient en trois points :


- Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et être proportionnées au but recherché ; il convient ainsi que ces restrictions obéissent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

- L’employeur peut procéder à ces restrictions par l’insertion d’une clause de neutralité dans le règlement intérieur de l’entreprise (ou une note de service répondant aux mêmes exigences) interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée ne s’applique qu’aux salariés en contact direct avec la clientèle. En l’occurrence, une telle clause n’avait pas été prévue par l’employeur.

- Néanmoins, la restriction aux libertés et en l’occurrence l’interdiction du port du voile reste possible s’il existe une « exigence professionnelle et déterminante » à cette interdiction, « au sens de la directive européenne 2000/78/CE telle qu’interprétée par la CJUE ». Cette interprétation implique une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Elle ne saurait en revanche se référer à des considérations subjectives telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du clients (CJUE 14 mars 2017, aff.C-188/15).

On soulignera qu’en présence d’un objectif légitime de sécurité du personnel et/ou des clients de l’entreprise, l’employeur peut restreindre les libertés afin de prévenir un danger objectif.

Ainsi, l’interdiction du port d’une barbe à connotation religieuse ne saurait être considérée à elle seule comme une exigence professionnelle et déterminante ; elle serait cependant permise en cas de danger objectif (Cass. Soc. 8 juillet 2020, n°18-23.743).

En revanche, les arguments avancés par l’employeur, à savoir l’image de marque de l’enseigne et les attentes des clientes de l’enseigne, considérés comme subjectifs, ne sauraient permettre l’interdiction du port du voile et, par voie de conséquences, le licenciement de la salariée. Le licenciement a donc été déclaré nul puisque discriminatoire.

A la lecture de cet arrêt, il semble donc que seule l’intégration d’une clause de neutralité régulière dans le règlement intérieur de l’entreprise aurait pu permettre l’interdiction du voile.

Il est permis de s’interroger sur cette condition, à l’heure où les entreprises de moins de 50 salariés n’ont plus l’obligation de mettre en place un tel règlement (Loi dite Loi PACTE n° 2019-486 du 22 mai 2019, JO du 23). 
Il est donc conseillé aux entreprises de moins de 50 salariés qui souhaiteraient pouvoir imposer de telles restrictions politiques, philosophiques ou religieuses, de mettre en place un règlement intérieur.


Cet article n'engage que son auteur.

 

Auteur

HORNY Caroline
Avocate Associée
DESARNAUTS ET ASSOCIES, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
TOULOUSE (31)
Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur Site de l'auteur

Historique

<< < ... 58 59 60 61 62 63 64 ... > >>
Information sur les cookies
Nous avons recours à des cookies techniques pour assurer le bon fonctionnement du site, nous utilisons également des cookies soumis à votre consentement pour collecter des statistiques de visite.
Cliquez ci-dessous sur « ACCEPTER » pour accepter le dépôt de l'ensemble des cookies ou sur « CONFIGURER » pour choisir quels cookies nécessitant votre consentement seront déposés (cookies statistiques), avant de continuer votre visite du site. Plus d'informations
 
ACCEPTER CONFIGURER REFUSER
Gestion des cookies

Les cookies sont des fichiers textes stockés par votre navigateur et utilisés à des fins statistiques ou pour le fonctionnement de certains modules d'identification par exemple.
Ces fichiers ne sont pas dangereux pour votre périphérique et ne sont pas utilisés pour collecter des données personnelles.
Le présent site utilise des cookies d'identification, d'authentification ou de load-balancing ne nécessitant pas de consentement préalable, et des cookies d'analyse de mesure d'audience nécessitant votre consentement en application des textes régissant la protection des données personnelles.
Vous pouvez configurer la mise en place de ces cookies en utilisant les paramètres ci-dessous.
Nous vous informons qu'en cas de blocage de ces cookies certaines fonctionnalités du site peuvent devenir indisponibles.
Google Analytics est un outil de mesure d'audience.
Les cookies déposés par ce service sont utilisés pour recueillir des statistiques de visites anonymes à fin de mesurer, par exemple, le nombre de visistes et de pages vues.
Ces données permettent notamment de suivre la popularité du site, de détecter d'éventuels problèmes de navigation, d'améliorer son ergonomie et donc l'expérience des utilisateurs.
Navigateur non pris en charge

Le navigateur Internet Explorer que vous utilisez actuellement ne permet pas d'afficher ce site web correctement.

Nous vous conseillons de télécharger et d'utiliser un navigateur plus récent et sûr tel que Google Chrome, Microsoft Edge, Mozilla Firefox, ou Safari (pour Mac) par exemple.
OK