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Investissement immobilier en résidence de services et responsabilités du notaire et du conseiller en immobilier d’investissement
Publié le :
30/03/2017
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Certaines opérations immobilières donnent lieu à un important contentieux mêlant différents acteurs en la matière (promoteur-vendeur, constructeurs, notaire, conseil en immobilier d’investissement…) dont la détermination des responsabilités respectives ne s’avère pas toujours évidente et conduisant ainsi la Cour de cassation à en préciser les contours.
Tel est manifestement le cas en l’espèce d’une opération de promotion immobilière réalisée par un promoteur-vendeur ayant pour objet la réhabilitation d’un château avec dépendances du 16ème siècle, classé monument historique, en une résidence de services avec confort destiné au tourisme.
Le projet avait été proposé aux acquéreurs par un conseil en immobilier d’investissement aux fins de bénéficier du dispositif d’incitation fiscale de loueur en meublé professionnel. Aux termes de celui-ci, les acquéreurs consentaient, dans le même temps, une location commerciale à une société d’exploitation en vue de la location du bien.
Cependant, et alors que la fraction immédiatement exigible du prix avait été fixée à 90% du prix selon acte notarié du 28 septembre 2006 en raison d’un état d’avancement des travaux au 24 juin 2005 émanant du maître d’œuvre, les acquéreurs furent alertés par l’interruption des loyers perçus et firent dresser un état d’abandon du chantier.
Le promoteur-vendeur ayant été placé en liquidation judiciaire, les acquéreurs ont alors assigné en responsabilité les notaires instrumentaires ainsi que le conseil en immobilier d’investissement qui leur avait proposé le programme litigieux.
La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi de l’arrêt rendu le 7 mai 2015 par la Cour d’appel de Paris, se prononce donc sur l’étendue de la responsabilité de ces deux acteurs en matière d’opération d’investissement immobilier.
La responsabilité du notaire pour défaut de vérification documentaire:
Du fait de la particularité de la vente d’immeuble à construire, le paiement du prix est réglementé par les dispositions de l’article R. 261-14 du Code de la construction et de l’habitation, dans un souci de protection de l’acquéreur, qui prévoient un échelonnement des paiements en fonction de la situation d’achèvement de l’immeuble.L’état d’avancement du chantier et sa constatation constituent donc des éléments fondamentaux dès lors qu’ils permettent de libérer tout ou partie du règlement du prix.
A ce titre, le notaire, rédacteur de l’acte authentique de vente, est tenu d’un devoir de conseil en ce qu’il se doit de vérifier que le versement du prix de vente stipulé soit bien en adéquation avec l’état d’avancement du chantier.
Au cas d’espèce, il était reproché aux notaires d’avoir instrumenté la vente sur la foi d’une attestation d’état d’avancement des travaux inexacte.
Les juges d’appel avaient écarté la faute des notaires à ce titre au motif que ces derniers ne pouvaient se douter de l’insincérité de l’attestation litigieuse, annexée à l’acte de vente, ayant donné lieu à un déblocage important de fonds.
La Cour de cassation censure cependant cette appréciation de la manière suivante :
« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au vu des pièces annexées à l’acte authentique, et, en particulier, du contrat préliminaire de réservation du 5 septembre 2006 qui stipulait le prix payable à la signature de l’acte authentique serait de 65% « l’immeuble étant hors d’eau », les informations discordantes fournies par le promoteur-vendeur qui, alors que l’attestation de mise hors d’eau datait du 16 juin 2003, déclarait, dans l’acte notarié du 28 septembre 2006, une situation d’achèvement des plâtres attestée par l’architecte le 24 juin 2005, ce qu’une simple vérification documentaire pouvait mettre en évidence, n’était pas de nature à éveiller des soupçons quant à l’état réel d’avancement des travaux de rénovation en cours, qui déterminait la fraction du prix immédiatement exigible au cours de la vente, alors fixée à 90%, soupçons dont le notaire auraient, alors, dû alerter les parties ».
La Haute juridiction précise ici les contours de l’obligation d’information et du devoir de conseil incombant au notaire rédacteur de l’acte de vente en l’état futur d’achèvement.
Il n’est évidemment pas mis à la charge du notaire instrumentaire, garant de la validité et de l’efficacité juridique de son acte, une obligation de constater personnellement l’état d’avancement des travaux. Il ne peut décemment être tenu de se rendre sur les lieux et de procéder à des constatations personnelles in situ.
Pour autant, il ne saurait se dédouaner de tout contrôle au seul vu d’une attestation d’état d’avancement des travaux qu’il se contenterait d’annexer à l’acte de vente.
Le notaire se doit en effet d’être particulièrement vigilant sur ce document et d’étudier avec attention les pièces transmises aux fins de vérifier l’exactitude des informations données.
La Cour de cassation impose ainsi une véritable « vérification documentaire » qui ne saurait être que formelle.
En l’état, la discordance entre les différents documents annexés à l’acte vente quant à l’état réel d’avancement des travaux aurait dû conduire les notaires à alerter les acquéreurs de leurs doutes quant à l’exactitude des renseignements fournis aux fins de permettre à ces derniers de prendre, le cas échéant, toutes les précautions nécessaires quant au constat d’achèvement des travaux et au déblocage de fonds correspondant.
Il s’agit là d’une solution jurisprudentielle désormais bien ancrée et l’affirmation du devoir de conseil du notaire instrumentaire, de même que son étendue, a déjà été posée à plusieurs reprises à l’occasion de projets d’investissements immobiliers similaires concernant d’ailleurs le même promoteur-vendeur (Cass. 1ère civ., 17 juin 2015, n°13-19762, 13-19759, 13-19760, 13-9761 ; 10 déc. 2014, n°13-25848 ; 11 mars 2014, n°13-10593).
La responsabilité du conseil en immobilier d’investissement pour défaut de recherche d’informations:
Là encore, la Cour d’appel de Paris avait débouté les acquéreurs de leur action en indemnisation à l’encontre de la société de conseil en immobilier d’investissement au motif que celle-ci n’était pas un professionnel de la rénovation immobilière et qu’elle ne disposait pas plus d’éléments que ceux détenus par les notaires. Elle en déduisait qu’aucun manquement n’était caractérisé à son encontre.La Cour de cassation censure à nouveau l’arrêt déféré sur ce point en décidant que « le devoir d’information et de conseil de cet intermédiaire spécialisé comportait celui de s’informer des perspectives économiques et financières d’évolution de l’opération immobilière, support de l’investissement de défiscalisation qu’il proposait, dont les seules informations légales recueillies par les notaires, en vue d’assurer l’efficacité de l’acte de vente en l’état futur d’achèvement, ne suffisaient à rendre compte ».
Ce faisant, la Haute Juridiction met à la charge du conseiller en immobilier d’investissement une obligation de conseil renforcée qui ne se limite pas à la simple présentation d’un dispositif de défiscalisation ou à une étude financière du projet d’investissement.
Il se doit véritablement d’informer et de conseiller les investisseurs sur l’opération immobilière en question et de vérifier la fiabilité de celle-ci aux fins que les acquéreurs puissent s’engager en toute connaissance de cause.
Il convient de relever que la Cour de cassation va d’ailleurs plus loin s’agissant des diligences incombant au conseil en immobilier d’investissement qu’à celles imposées au notaire, ce qui peut s’expliquer au demeurant aisément par la différence des rôles assumés par ces deux intermédiaires.
Alors que l’un n’est chargé que de concrétiser le projet via la rédaction de l’acte de vente, l’autre est véritablement à l’initiative de celui-ci via la proposition d’investissement formulée et intervient bien en amont.
Ainsi, alors que la Haute Juridiction pouvait parfaitement se contenter d’identifier la faute de la société conseillère en stigmatisant la discordance des documents en sa possession, à l’instar de la motivation retenue au sujet de la responsabilité des notaires, elle va beaucoup plus loin s’agissant des vérifications devant être faites par le conseil en immobilier d’investissement.
L’intermédiaire se devait de « s’informer des perspectives économiques et financières d’évolution de l’opération immobilière » sans s’arrêter aux seules données communiquées aux notaires.
Il en résulte que l’obligation de conseil dont le conseil en immobilier d’investissement est débiteur ne s’arrête pas à une simple vérification documentaire nécessaire pour la rédaction d’un acte notarié.
Il se doit véritablement de « s’informer » pour informer, ce qui implique une démarche particulièrement active et exigeante en termes de suivi de l’opération immobilière qu’il propose à ses clients.
Cette solution apparaît également être le reflet d’une position constante de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 10 déc. 2014 précité) et s’inscrit parfaitement dans un mouvement de renforcement de l’obligation d’information et de conseil en matière d’investissements immobiliers pesant sur les professionnels (pour un agent immobilier intervenant en matière de placement financier : Cass. 1ère civ., 2 oct. 2013, n°12-20504 ; une banque prêteuse : Cass. 1ère civ. 11 sept. 2013, n°12-15897…) face aux investisseurs non avertis.
Cass. 1ère civ., 25 janvier 2017, n°15-21186.
Cet article a été rédigé par Marie LETOURMY. Il n'engage que son auteur.
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