La loi de modernisation de l'économie et les délais de paiement
Publié le :
17/02/2009
17
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2009
Partant du constat que les délais de paiement en France étaient en moyenne plus longs que dans d’autres états membres de l’UE, la LME du 4 août 2008 instaure la réduction des délais de paiement interentreprises à compter du 1er janvier 2009.
Délais de paiement: entrepreneurs êtes-vous à jour?Partant du constat que les délais de paiement en France étaient en moyenne plus longs que dans d’autres états membres de l’Union Européenne (66 jours contre 57), l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie, ou "LME", du 4 août 2008 instaure la réduction des délais de paiement interentreprises à compter du 1er janvier 2009.
Cette réduction des délais de paiement devrait induire, selon le Gouvernement, un transfert de trésorerie de 4 milliards d’euros des grandes entreprises vers les PME et les TPE.
Le dispositif et ses sanctions
La loi sanctionne le fait de soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas les délais prévus à l’article L.441-6 alinéa 9 du Code de commerce, à savoir :
- Lorsqu’il n’est rien prévu contractuellement entre les partenaires, les paiements doivent être effectués dans les 30 jours suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée.
Le non respect de cette disposition peut entraîner des sanctions pénales (amende maximale de 15.000 euros).
- Lorsqu’un délai est convenu entre les partenaires, il ne peut dépasser 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d'émission de la facture.
Certains secteurs demeurent cependant soumis à des délais spécifiques (30 jours en matière de transport de marchandises, 20 ou 30 jours pour les produits périssables etc.)
Le non respect de cette disposition n’entraîne que des sanctions civiles (à savoir des dommages et intérêts à la victime et une amende civile pouvant aller jusqu’à 2 millions d’euros, l’ordre de cesser les pratiques, et l’annulation des clauses illicites lorsque le Ministre de l’Economie est partie à la procédure judiciaire) (Article L.442-6-I-7° du Code de commerce).
S’agissant de la computation du délai de 45 jours, le Ministre est venu préciser que : « Une pratique consiste à comptabiliser les 45 jours à compter de la date d’émission de la facture, la limite de paiement intervenant à la fin du mois civil au cours duquel expirent ces 45 jours. Toutefois il est également envisageable de comptabiliser les délais d’une autre façon, consistant à ajouter 45 jours à la fin du mois d’émission de la facture. »
Pour ceux qui aurait dans l’idée de reporter l’émission de la facture et donc le point de départ des délais précités, il convient de rappeler qu’à peine d’une sanction pénale, « Tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation. Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. » (Article L.441-3 du Code de commerce), en sorte qu’il y a obligation d’émettre la facture dès que le produit est vendu, c'est-à-dire, selon l’Administration, livré.
Le différé de facturation admis n’est que de quelques jours après la vente ou la réalisation de la prestation.
La loi prévoit que les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes -soit généralement les sociétés de plus de 50 salariés ou de plus de 3,1 millions d’euros de chiffre d’affaires- devront publier des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients et adresser un rapport au Ministre de l’Economie s’il y a des manquements répétés aux règles précitées.
C’est notamment par ce moyen que l’information remontera aux services de la DGCCRF qui pourra sanctionner.
Date d’entrée en vigueur
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009, c'est-à-dire qu’elles s’appliquent :
- à tous les contrats conclus postérieurement au 1er janvier 2009 ;
- aux appels de commande postérieurs à cette date dans le cas des commandes ouvertes, c'est-à-dire les commandes « où le donneur d’ordre ne prend aucun engagement ferme sur la quantité des produits ou l’échéancier des prestations ou des livraisons ». En langage plus clair, la loi s’applique par exemple à un contrat cadre conclu avant le 1er janvier 2009 dans lequel les parties n’ont fixé que le prix et les caractéristiques du produit ;
- aux contrats tacitement renouvelés, selon une communication récente du Ministre.
Elles ne s’appliquent donc pas aux contrats conclus avant le 1er janvier 2009, ni aux contrats en cours à cette date dès lors qu’ils comportent « un engagement ferme sur la quantité des produits ou l’échéancier des prestations ou des livraisons ».
Accords interprofessionnels dérogatoires
La loi prévoit qu’il peut y avoir des accords interprofessionnels afin de déroger jusqu’au 1er janvier 2012 aux nouveaux délais de paiement.
Cet accord doit être visé par l’Administration (DGCCRF), qui ensuite transmet pour avis au Conseil de la concurrence, avant enfin qu’il ne soit transmis au Secrétaire d’Etat aux PME et au commerce (actuellement Monsieur Hervé Novelli) qui pourra étendre cet accord par décret à tous les professionnels de la filière, la rendant alors obligatoire.
Le Ministère de l’Economie est venu préciser que « Les accords conclus avant le 1er janvier 2009 ne donneront pas lieu à contrôle avant la décision d’homologuer ou pas » et que « pour les filières ayant signé des accords […] il y aurait une tolérance de l'Administration jusqu'à la décision du Conseil de la Concurrence et […] il y aura une "zone grise" équivalent à "un différé de l'application de la loi pour les secteurs signataires" »
Huit accords de branche dérogatoire ont déjà été signés dans le secteur du jouet, du bricolage et du BTP notamment.
La publication des premiers décrets rendant les accords dérogatoires à la loi sur les délais de paiement opposables à tous les professionnels du secteur concerné est annoncée pour le courant du mois de février 2009.
Application de la loi dans les relations transfrontières
Ces nouvelles dispositions suscitent beaucoup d’interrogations quant à leur applicabilité sur les délais de paiement entre entreprises lorsque, soit le fournisseur, soit l’acheteur, se situe à l’étranger.
En d’autres termes, le fournisseur français peut-il imposer les délais de paiement de la loi française à son acheteur étranger ? Inversement, le fournisseur étranger peut-il revendiquer l’application de la LME à l’égard de son acheteur français ?
La réponse est importante car elle a un impact sur la compétitivité des fournisseurs français par rapport à leurs concurrents étrangers, la nouvelle réglementation risquant de créer des distorsions de concurrence évidentes entre entreprises françaises et étrangères.
En effet, les opérateurs français soumis à la réglementation française ne peuvent offrir des conditions de règlement équivalentes à celles de certains pays voisins, comme l’Espagne ou l’Italie, qui ne sont pas soumises à des délais maximaux et dont les délais usuels sont bien supérieurs à la moyenne européenne.
Il semble que les dispositions sur les délais de paiement relèveraient du régime des "lois de police", c'est-à-dire des lois qui s’imposent au juge et donc dans les relations impliquant une société française.
Dans la Circulaire dite Dutreil du 8 décembre 2005, le Ministre avait pris position en ce sens en considérant que tout contrat ayant des effets en France était soumis aux dispositions du Titre IV Livre IV du Code de commerce, dont l'article L.441-6 du Code de commerce qui nous intéresse fait partie.
A la question « Les nouvelles dispositions relatives aux délais de paiement s’imposent-elles aux contrats internationaux ? », le Ministre a d’ailleurs répondu que « La jurisprudence a reconnu le caractère d’ordre public à l’article L 442-6 du code de commerce qui prévoit la sanction civile du dépassement des délais légaux de paiement. La DGCCRF, qui intervient au nom de l’ordre public économique, veillera à ce que des créanciers français ne se voient pas imposer des délais de paiement anormalement longs par leurs débiteurs, en particulier ceux qui utiliseraient des centrales de paiement à l’étranger dans le seul but d’échapper aux dispositions nationales. »
Il semble donc que l’objectif imparti par le Ministre à la DGCCRF est davantage de protéger les créanciers français contre des délais de paiement excessifs de la part de débiteurs étrangers, mais surtout français installés, pour les besoins de la cause, à l’étranger, que de sanctionner des débiteurs français bénéficiant, souvent d’un commun accord avec leur créancier étranger, de longs délais de paiement.
Cependant, les premiers commentateurs de ce texte sont assez partagés et il conviendra d’agir avec prudence.
Cette question ne se posera peut-être pas longtemps car il n’est pas impossible qu’intervienne en 2009 une harmonisation des délais de paiement au niveau européen; la France fait, en tout cas, campagne en ce sens.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
CUNIN Anne-line
Avocate Associée
DU PARC - MONNET - DIJON
DIJON (21)
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