
Médiation et respect des délais de procédure : il y a des médiations qui se perdent ... !
Publié le :
06/03/2023
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Pareilles à des poignards. Allons-y pour un nouveau piège de la procédure civile. On pourrait penser que la tendance actuelle de la justice serait de valoriser à tout prix les modes de règlement amiables des conflits, dans un objectif louable de désengorger les tribunaux. Mais ce serait oublier qu’il y a encore mieux pour ce faire, les décisions en irrecevabilité ou en caducité.La récente décision de la deuxième chambre civile du 12 janvier 2023 (n°20-20.941) est singulièrement édifiante :
« 6. Selon l'article 910-2 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la décision d'ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code. L'interruption de ces délais produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur.
7. Ayant constaté que la mission du médiateur avait pris fin le 20 février 2017, c'est à bon droit que l'arrêt retient, en substance, que ce terme marque la reprise de l'instance, que doit être décompté à partir de cette date le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure et que l'appelante ajoute au texte de l'article 910-2 du code précité lorsqu'elle soutient que l'instance n'a pas repris au motif que le médiateur n'a pas remis de note de fin de médiation au juge et que l'affaire n'a pas été fixée à une audience de mise en état.
8. L'arrêt ajoute enfin que les pourparlers poursuivis de façon informelle ne sont pas de nature à interrompre les délais pour conclure.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. »
Qu’on saisisse bien :
- une médiation est ordonnée en appel,
- ni le médiateur, ni le conseiller de la mise en état, ne sont vigilants au délai qui lui a été accordé,
- les pourparlers se poursuivent,
- et sanction en caducité pour non-respect des délais de procédure en appel.
Mettons, celui qui a ordonné la médiation et celui qui l’a conduit n’ont pas à être attentifs quant à son déroulé, l’inattention se payant sur le dos des parties. Soit, à elles d’être vigilantes, principe du dispositif, c’est leur affaire.
Mais il y a plus croustillant encore. Qui a formé la demande en caducité ?
L’intimé. Le conseiller de la mise en état ne s’est pas saisi d’office de cet incident.
Que l’on se comprenne plus encore : la fin de la mission de la médiation était fixée au 20 février 2017, les conclusions de l’appelant en reprise de l’instance ont été formulées le 26 décembe 2017. Presque un an après.
Les pourparlers n’ont certainement pas pu être unilatéraux. Ainsi, l’intimé a dû logiquement y participer, au point de convaincre le médiateur qu’il n’y avait pas lieu de signaler la fin de sa propre mission.
Donc celui qui a soulevé l’incident est celui qui a sciemment contribué la partie adverse à fauter.
Tout de même fort. On me répondra qu’après tout, l’appelant aurait dû être vigilant au sacro-saint délai des trois mois de conclusions en appel.
Alors, oui et non, car rappelons qu’une fois formulées, ces conclusions ne sont pas censées connaître, sauf exception, de dévolution dans leurs demandes (910-4, on te voit).
Or, dans le cadre d’une médiation, l’étendue du litige peut varier. Reste qu’à la rigueur, la partie appelante aurait pu formuler l’entièreté de ses prétentions, quitte à s’en désister par la suite.
M’enfin, est-ce l’esprit de la médiation ? Là où le décret Magendie se heurte à des limites de bon sens.
Dommage quand même que l’arrêt ne mentionne pas qui était à l’origine de la demande de la médiation !
Ce n’est pas là justement qu’il aurait fallu sortir le principe de l’estoppel ? « Nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », maintenant bien consacré en jurisprudence.
Ainsi, dans la longue liste des « try and die » de la procédure civile, est validée pour manque de vigilance dans le respect des délais impartis à la médiation, malgré le fait qu’elle n’ait pas encore connue de fin effective et malgré la participation active de celui qui soulève l’incident.
Elles vont être détendues maintenant les prochaines médiations, certainement prospères à calmer les tensions et à trouver des solutions.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Etienne MOUNIELOU
Avocat Collaborateur
MOUNIELOU
SAINT GAUDENS (31)
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