Murs mitoyens : propriétaires ... mais pas trop
Publié le :
24/08/2016
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Aux termes des dispositions de l’article 655 du Code Civil, la réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit proportionnellement aux droits de chacun.Ainsi énoncée, cette obligation de participer au coût de réfection d’un mur mitoyen apparaît comme une charge liée au droit réel, c'est-à-dire au droit de propriété de tous ceux qui y ont droit.
Cependant, tout copropriétaire d’un mur mitoyen peut se dispenser de contribuer aux réparations et reconstructions en abandonnant le droit de mitoyenneté pourvu que le mur mitoyen ne soutienne pas un bâtiment qui lui appartienne.
La mitoyenneté peut, en effet, être définie comme un régime d’indivision forcée qui concerne les clôtures séparatives que ce soit, comme dans la majorité des cas, les murs mais également les haies et fossés.
Il s’agit donc d’un véritable droit de propriété dont plusieurs personnes peuvent jouir en commun.
S’agissant des droits, il sera simplement rappelé que tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen et placer dans son épaisseur des poutres ou solives, c’est-à-dire des éléments qui par nature peuvent servir au soutien d’une construction (article 657 du Code Civil).
Tout propriétaire peut également pratiquer dans le corps du mur mitoyen des enfoncements ou y appliquer ou appuyer des ouvrages à condition, bien évidemment, d’obtenir le consentement de l’autre propriétaire.
A défaut d’accord, l’ouvrage réalisé sur le mur mitoyen est irrégulier et son constructeur peut être judiciairement sanctionné.
Il appartiendra au Juge d’apprécier la réalité du préjudice, ainsi que les modalités de la réparation.
Si la démolition de l’ouvrage n’est pas systématiquement prononcée lorsqu’aucune atteinte à la jouissance du mur mitoyen ou à sa solidité n’est alléguée, elle peut, par contre, être prononcée en cas de fragilisation du mur, ainsi que la condamnation à des dommages et intérêts. Le propriétaire peut également louer à des fins publicitaires la face du mur qui se trouve du côté de son terrain sans en référer à son voisin et sans avoir à partager la redevance perçue.
Tout copropriétaire peut également surélever le mur mitoyen.
Ce droit d’exhaussement prévu par l’article 658 du Code Civil ne peut pas être exercé si le mur mitoyen n’est pas en état de supporter l’exhaussement. Le mur devra alors être reconstruit en entier. De la même façon, si l’exhaussement est réalisé dans l’intention de nuire au voisin, comme dans le cas où il est destiné à boucher la vue dont jouit le voisin, il sera refusé.
Lorsqu’un propriétaire exerce son droit d’exhausser le mur mitoyen, il devra assumer seul la dépense de l’exhaussement, les réparations d’entretien au-dessus de la hauteur de la clôture commune, les frais d’entretien de la partie commune du mur dus à l’exhaussement.
Si la mitoyenneté confère des droits, elle assujettit le propriétaire du mur mitoyen, à des obligations et notamment le fait de participer aux travaux nécessaires à l’entretien du mur mitoyen et profitant aux deux parties, la réparation s’effectuant à frais communs.
La règle légale de répartition des coûts ne dispense pas le propriétaire de consulter préalablement son voisin sur les travaux à effectuer, sauf les cas d’urgence démontrée. Lorsqu’il s’agit par contre de travaux d’embellissement motivés par des considérations esthétiques, le voisin n’est pas tenu de participer à leur financement.
Il en va de même lorsque les travaux sont effectués dans l’intérêt exclusif de l’un des propriétaires du mur mitoyen. A titre d’exemple, sont restés à la charge exclusive de celui qui les a effectués les travaux de drainage assurant l’étanchéité du mur entrepris pour l’aménagement de la pharmacie appartenant à l’un des copropriétaires ou les travaux de fermeture d’un accès que l’un des copropriétaires avait pratiqué dans le mur mitoyen afin d’exercer à son unique profit un droit de passage.
Par contre, le propriétaire doit supporter seul les frais de réparation du mur mitoyen lorsque les travaux sont devenus nécessaires par son propre fait ou par celui des choses qu’il avait sous sa garde : à titre d'exemple, lorsque le mur mitoyen a été détruit ou fragilisé par la poussée d’un arbre planté à proximité ou par des travaux de démolition entrepris sur l’un des terrains sans protection suffisante.
Si l’un des propriétaires voisins refuse de participer aux frais indispensables ou utiles, le propriétaire pourra se faire autoriser à entreprendre les travaux et obtenir la condamnation de son voisin au remboursement de sa quote-part.
La possibilité pour le propriétaire mitoyen de s’exonérer de tous frais d’entretien est d’abandonner son droit de mitoyenneté en application des articles 656 et 667 du Code Civil, tout propriétaire pouvant renoncer à exercer son droit. Cette faculté d’abandon ne pourra être exercée pour se soustraire à la participation aux frais de réparation déjà mis en œuvre mais uniquement pour l’avenir.
Bien évidemment, si celui qui veut exercer sa faculté d’abandon retire une utilité particulière du mur, notamment s’il soutient un bâtiment qui lui appartient ou retient les terres de sa propriété, il ne pourra exercer sa faculté d’abandon. Il en va de même lorsque le propriétaire veut se soustraire aux dépenses de réparation et de reconstruction qui ont été rendues nécessaires par son fait, la faculté d’abandon ne pouvant faire échec à l’obligation d’entretien prévue par le Code Civil.
L’obligation d’entretien qui est celle de contribuer aux principales dépenses de réparation ou de reconstruction de la clôture est une obligation réelle, dite obligation propter rem. Cette charge cesse donc lorsque la copropriété prend fin.
Le voisin perd alors tout droit de propriété et donc d’usage.
Par contre, rien n’est jamais irrémédiablement perdu en matière de mitoyenneté.
Il conserve, en effet, la faculté d’acquérir de nouveau la mitoyenneté en usant de la faculté de cession forcée conférée par l’article 661 du Code Civil :
« Tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu'il a coûté, ou la moitié de la dépense qu'a coûtée la portion du mur qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. La dépense que le mur a coûtée est estimée à la date de l'acquisition de sa mitoyenneté, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve ».
La faculté d’acquérir la mitoyenneté d’un mur par un propriétaire qui le joint est donc absolue, la seule condition imposée étant de payer le prix de la mitoyenneté à acquérir.
Il avait été soutenu qu'une telle faculté d'acquérir de force la propriété portait atteinte au droit de propriété. En effet, il apparaît que le droit de propriété d’un mur séparatif n'est pas absolu puisque le Code Civil précise que tout propriétaire joignant un mur à la faculté de le rendre mitoyen aux termes de l’article 661 du Code Civil. Cette disposition a été considérée comme conforme à la constitution dans une décision du Conseil Constitutionnel n° 2010-60 du 12 novembre 2010.
En effet, les sages ont considéré que cette disposition n’a pour effet que de rendre indivis le droit exclusif du maître du mur qui, dans la limite de l’usage en commun fixée par les articles 653 et suivants du Code Civil, continue à exercer sur son bien tous les attributs du droit de propriété. Dès lors, en l’absence de privation de ce droit, l’accès à la mitoyenneté autorisée par le texte en cause n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Par ailleurs, le régime de la mitoyenneté des murs servant de séparation détermine un mode économique de clôture et de construction des immeubles, ainsi que d’utilisation rationnelle de l’espace tout en répartissant les droits de voisins sur les limites de leurs fonds. L’accès forcé à la mitoyenneté prévu par la loi constitue un élément nécessaire de ce régime et répond ainsi à un motif d’intérêt général. Les sages ont donc considéré qu’il était proportionné à l’objectif visé par le législateur.
L’article 667 du Code Civil rappelle en effet le principe d’entretien à frais communs, lequel est applicable à toutes les autres formes de clôture mitoyenne.
En matière de mitoyenneté, les murs ne sont pas seuls en cause. Les autres clôtures sont également concernées, c’est-à-dire les haies ou les fossés. Le copropriétaire d’une haie mitoyenne peut la détruire jusqu’à la limite de sa propriété à charge de construire un mur sur cette limite. Tant que dure la mitoyenneté de la haie, les produits en appartiennent aux propriétaires par moitié.
Un propriétaire a le droit d’exiger que les arbres mitoyens soient arrachés mais il s’agit alors des arbres isolés dans la haie ou plantés sur la ligne séparative et non les arbustes constituant la haie de clôture.
S’agissant des fossés mitoyens, le copropriétaire peut le combler jusqu’à la limite de sa propriété à charge de construire un mur sur cette limite hormis le cas où le fossé serre également à l’écoulement.
Ainsi, si le droit de propriété d’une clôture mitoyenne confère des droits, il confère également des obligations et le droit de propriété en matière de mitoyenneté n'apparaît pas absolu.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © ucius - Fotolia.com
Auteur
FIAT Sandrine
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