Procédure civile

Le retour en grâce du « Dire et Juger » ?

Publié le : 27/04/2023 27 avril avr. 04 2023

On pensait avoir tout dit sur cette formulation. Maintenant, on le sait, on ne peut plus demander à une juridiction de « Dire et juger », et ce quand bien même nombreux sont les jugements à « juger » et à « dire », ce ne sont pas des prétentions en justice. 
L’article 768 du Code de procédure civile dispose que les conclusions doivent obligatoirement comprendre :

-  un exposé des faits,
-  un exposé de la procédure,
- une partie argumentaire comprenant les moyens juridiques,
- une partie récapitulant prétentions.

Les cours d'appel considèrent systématiquement que l'expression « Dire et juger » ne désigne que des moyens, non pas des prétentions.

Le débat a notamment été tranché par la Cour de Cassation dans une décision du 9 janvier 2020 / n° 18-18.778 :

« Vu l'article 954, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile, issu du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 ;
Attendu selon ce texte, que, dans les procédures d'appel avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Attendu que pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient qu'il résulte de l'examen du dispositif des conclusions de Mme A... qu'il comporte des demandes de « constater », « dire et juger », voire « supprimer », qui ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'elle n'était saisie par l'appelante d'aucune prétention, la cour d'appel, qui ne pouvait que confirmer le jugement, a violé le texte susvisé ; »

Et bien, ce n’est pas terminé.

Dans un arrêt, certes non publié, du 12 avril dernier / n° 21-21.463, la deuxième chambre civile a indiqué :

« Vu l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
7. Pour dire qu’elle ne statuera que sur les demandes présentées sur le fond du dossier, la cour d’appel énonce que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi, que l’appelant sollicite l’infirmation de la décision en ce qu’elle rejette les moyens de nullité de l’assignation et d’irrecevabilité mais ne demande pas le prononcé de la nullité de l’assignation ou le prononcé de l’irrecevabilité des demandes.

8. En statuant ainsi, alors que l’appelant demandait, dans le dispositif de ses conclusions, de dire et juger que les irrégularités affectant l’exploit introductif d’instance constituent un élément substantiel et de fond susceptible d’entraîner la nullité de l’assignation, et de dire et juger que les modes de convocation et de représentation en justice en vue d’une sanction patrimoniale professionnelle, constituent des fins de non-recevoir en application de l’article 122 du code de procédure civile, la cour d’appel, qui était tenue d’examiner ces prétentions, a violé le textes et le principe susvisés. »

Non. Mais. 
Ce n’est donc pas fini ?

Attention néanmoins. Comme dit, cet arrêt n’est pas publié. De surcroît, constitue-t-il un revirement ?

Dans l’affaire, l’appelant faisait valoir une nullité et une fin de non-recevoir, même s’il ne demandait pas expressément de les prononcer toutes deux, il y avait une requête qui elle était explicite. 

Est-ce à dire que formuler une demande par « Dire et juger » ne serait pas en soi un frein à la qualification de prétention ? 

On en est là… 

En somme, ce qui compterait davantage, c’est la question de l’équivoque ? 

Difficile de se prononcer, dans la mesure où une nouvelle fois, l’arrêt n’est pas publié au bulletin, et que son cas d’espèce est véritablement sujet à interprétation.

Mieux vaut être prudent, et continuer à bannir ces expressions qui peuvent être si sévèrement sanctionnées. 


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Etienne MOUNIELOU
Avocat Collaborateur
MOUNIELOU
SAINT GAUDENS (31)
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