
La suspension des agents contractuels de droit public dans le cadre de l'engagement d'une procédure disciplinaire
Le cadre juridique de la mesure de suspension d’un agent contractuel :
L’article L. 531-1 du code général de la fonction publique applicable depuis le 1er mars 2022, reprenant pour partie l’ancien article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dispose que :« Le fonctionnaire, auteur d'une faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline.
Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois ».
Il résulte de ces dispositions que l’autorité hiérarchique peut écarter temporairement un agent du service et ce, dans l’attente du prononcé d’une sanction définitive à son encontre.
Toutefois ces dispositions ne sont pas rendues applicables aux agents contractuels.
En effet, les dispositions des articles L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique, ne s’appliquent qu’aux fonctionnaires. Il en était de même sous l’empire de la loi du 13 juillet 1983 et notamment de la combinaison de ses articles 30 et 32.
Toutefois, il ressort de l’arrêt du Conseil d’État n° 105401 du 29 avril 1994, que cette mesure de suspension est parfaitement applicable aux agents contractuels de droit public.
Une mesure destinée à écarter temporairement l’agent, dans l’intérêt du service :
La mesure de suspension va également donner une certaine coloration de gravité aux manquements constatés. Autrement dit, l’administration prend déjà la mesure de la gravité des faits reprochés, en prononçant la suspension.Cette mesure n’est envisageable que si l’autorité hiérarchique dispose de suffisamment d’éléments permettant de démontrer un caractère de vraisemblance suffisant d’une faute grave.
Ainsi, la Cour administrative d’appel de Lyon précise dans son arrêt n° 19LY03434, du 3 novembre 2021, que :
« il appartient à l’autorité compétente, lorsqu’elle estime que l’intérêt du service l’exige, d’écarter provisoirement de son emploi un agent contractuel qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l’objet d’une procédure disciplinaire. Cette mesure conservatoire peut être légalement prise dès lors que l’administration est en mesure d’articuler à l’encontre de l’intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave ».
L’intérêt du service justifie alors que l’agent soit temporairement écarté de son emploi.
N’étant pas une sanction, la suspension n’a pas à être précédée du respect de la procédure disciplinaire, ni même motivée.
En effet, la jurisprudence est claire en la matière, comme l’illustre notamment l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 2 décembre 2008, n° 07BX00531 :
« Considérant que la suspension prévues par les dispositions susvisées constitue une mesure conservatoire ne présentant pas par elle-même un caractère disciplinaire ; que, par suite, elle n’a pas à être obligatoirement précédée de la communication à l’intéressé de son dossier ou des faits justifiant ladite mesure ; qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose de motiver une telle mesure ; que M. X n’est en conséquence pas fondé à soutenir qu’il aurait du être informé avant le 24 juin 2004 des motifs de faits précis justifiant la décision de suspension ou que cette décision aurait dû comporter l’énoncé ».
La mesure de suspension s’inscrit dans le cadre d’une procédure disciplinaire :
Il convient en effet d’engager la procédure disciplinaire sans délai, par la convocation à l’entretien préalable et le cas échéant, par la saisine de la commission consultative paritaire, siégeant en formation disciplinaire.L’arrêt précité du Conseil d’État n° 105401 du 29 avril 1994, précise que :
« il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige, d'écarter provisoirement de son emploi un agent contractuel qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l'objet d'une procédure disciplinaire ».
En s’en tenant à la lettre de ce considérant de principe, l’agent ne peut faire l’objet d’une suspension que si la procédure disciplinaire est déjà engagée.
Toutefois, l’esprit de cette décision réside dans le fait de justifier par l’urgence, d’écarter l’agent du service avant d’engager dans un délai raisonnable, une procédure disciplinaire.
De plus le délai de quatre mois, posé à l’article L. 531-1 du code général de la fonction publique n’est pas applicable aux agents contractuels. La situation administrative de l’agent contractuel n’a donc pas à être réglée dans le délai de quatre mois suivant la prise d’effet de la mesure de suspension.
En tout état de cause, une saisine même tardive de la commission consultative paritaire n’entacherait pas la procédure d’illégalité, comme l’a jugé pour les agents fonctionnaires, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans l’arrêt n° 06BX00316, du 8 juillet 2008 :
« Considérant que M. X ne conteste pas avoir fait l'objet à la date de l'arrêté attaqué de poursuites pénales ; que dès lors ledit arrêté n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ; que les circonstances invoquées selon lesquelles la saisine du conseil de discipline aurait été tardive que, ce conseil n'aurait pas statué dans les délais et que la plainte avec constitution de partie civile aurait eu pour seul objet de permettre la prolongation de la suspension, à les supposer établies, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ».
Aucun délai n’est ainsi prescrit à peine de nullité. Toutefois, en l’absence de poursuites pénales, la mesure de suspension ne pourra indéfiniment perdurer.
Le sort du traitement de l’agent :
L’article L. 531-1 du code général de la fonction publique précise expressément que les fonctionnaires conservent leur traitement, pendant la durée de la suspension.
Il en va différemment des agents contractuels, bien qu’ils soient réputés toujours être en activité.
Le Conseil d’État a jugé dans l’arrêt n° 105401 du 29 avril 1994, que :
« Considérant que M. X..., nommé médecin-chef de service des prisons par arrêté du Garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 3 août 1979, exerçait les fonctions de médecin-chef à temps partiel de l'unité de soins de la prison des Baumettes à Marseille conformément aux stipulations d'un contrat signé le 19 juin 1981 ; qu'il a été suspendu de ses fonctions sans rémunération à compter du 10 février 1983, date de son inculpation, par arrêté du 17 février 1983 (…) ; qu'au terme de la période de suspension, cet agent a droit, dès lors qu'aucune sanction pénale ou disciplinaire n'a été prononcée à son encontre, au paiement de sa rémunération pour la période correspondant à la durée de la suspension ; que, M. X... ayant bénéficié, comme il a été dit ci-dessus, d'un arrêt de relaxe et n'ayant fait l'objet d'aucune sanction, a droit au versement de la rémunération afférente à son emploi pour la période du 10 février 1983 au 20 mars 1985 ».
Il résulte de cette jurisprudence, que l’agent contractuel qui s’est vu notifier un arrêté de suspension ne peut prétendre, pendant cette période, au versement d’aucun traitement. La situation sera régularisée en fonction de l’existence ou non de suites disciplinaires ou pénales.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Thomas PORCHET
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