
Bail commercial: commandement visant la clause résolutoire par suite d'une infraction et charge de la preuve
Publié le :
24/02/2017
24
février
févr.
02
2017
La Cour de Cassation a dû revenir dans son arrêt en date du 15 décembre 2016 sur la problématique de la charge de la preuve après délivrance par le bailleur d’un commandement de mettre fin à une infraction dans le délai d’un mois et visant la clause résolutoire.
A l’issue du délai d’un mois, qui doit rapporter la preuve que l’infraction a cessé ou a perduré ?
Dans l’espèce traitée par la Cour de Cassation, les parties étaient liées par un bail en date du 20 mars 2000.La destination du bail prévoyait comme activité celle de glacier, salon de thé et vente de boissons chaudes ou froides et de pâtisserie à emporter ou consommer sur place, à l’exclusion de toute fabrication.
Il était reproché au preneur d’avoir exercé la fabrication de crêpes et de gaufres sur le trottoir en dehors du local loué.
Le bailleur a estimé que cette activité constituait une infraction à la clause de destination du bail.
Le bailleur a délivré un commandement d’avoir à cesser l’infraction dans le délai d’un mois et visant la clause résolutoire, le 18 octobre 2012.
La fabrication de crêpes sur place était établie par la production d’un procès-verbal dressé par un huissier de justice, en date du 24 juin 2012.
Pour contester la réalité de l’activité exercée en infraction du bail, le locataire a fait constater par huissier, le 15 novembre 2012, c’est-à-dire dans le délai d’un mois, qu’aucune crêpe n’était fabriquée sur place.
Ce constat d’huissier était contesté par le bailleur, lequel prétendait que son locataire ne rapportait la preuve que de l’absence de fabrication sur place de crêpes le jour où l’huissier s’est déplacé, mais qu’aucune autre pièce aux débats ne démontrait qu’à l’exception du jour de passage de son huissier, elle ait cessé la fabrication de crêpes.
La Cour d’Appel de Paris, dans son arrêt du 17 juin 2015, réformant la décision de première instance, avait estimé que la vente de crêpes et de gaufres sur place et à emporter n’était pas une activité conforme à la clause de destination du bail, avait suspendu les effets de la clause résolutoire contenue dans le commandement du 18 octobre 2012 et a accordé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt pour régulariser l’infraction de fabrication de crêpes sur place.
À défaut de respecter la clause de destination de bail dans le délai préconisé par l’arrêt de la Cour d’Appel, la clause résolutoire produirait ses effets.
La Cour de Cassation n’a pas suivi le raisonnement de la Cour d’Appel de Paris.
Elle a estimé qu’il appartenait au bailleur d’établir la persistance de l’infraction après l’expiration du délai de mise en demeure de sorte que la Cour d’Appel avait inversé la charge de la preuve et violé les dispositions de l’article 1315 du Code Civil.
Il appartient en effet à celui qui invoque une infraction de la démontrer.
La résiliation de plein droit d’un bail commercial ne peut intervenir qu’un mois au moins après le commandement de payer ou d’exécuter demeuré infructueux aux termes de l’article L145-41, alinéa 1, du Code de Commerce.
C’est en effet à la date à laquelle le commandement devait produire effet qu’il faut se placer pour savoir si ses causes ont été satisfaites.
Il appartient donc sur le plan pratique au bailleur qui poursuit la résiliation du plein droit du bail de faire effectuer deux constats :
- Un premier constat qui démontre l’existence de l’infraction aux clauses du bail et support du commandement qui est délivré au preneur visant la clause résolutoire et faisant sommation au preneur de respecter les clauses du bail.
- Un second constat d’huissier effectué à l’issu de la période d’un mois, pour vérifier si le preneur s’est conformé à la mise en demeure qui lui a été adressée.
À défaut de produire les deux constats d’huissier, il est impossible à une juridiction de conclure, quels que soient les indices du dossier, à la persistance de l’infraction.
La Cour de Cassation ne fait que confirmer sa jurisprudence traditionnelle en rappelant que la preuve de la persistance de l’infraction aux clauses du bail après l’expiration du délai de mise en demeure incombe bien au bailleur.
(Cass. Civ. 3ème Chambre. 13 novembre 1997)
Il ne s’agit que du respect des dispositions de l’article 1315 devenu 1353 du Code Civil.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo: © kotoyamagam - Fotolia.com
Auteur

MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats
GRENOBLE (38)
Historique
-
Agence immobilière et commission de l'agent immobilier en cas de non réalisation de la vente ...
Publié le : 20/03/2017 20 mars mars 03 2017Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction Immobilier... ou contestation de la validité du mandat La question de la rémunération de l'agent immobilier est source de très nombreux litiges entre agents immobil...
-
Bail commercial: commandement visant la clause résolutoire par suite d'une infraction et charge de la preuve
Publié le : 24/02/2017 24 février févr. 02 2017Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierLa Cour de Cassation a dû revenir dans son arrêt en date du 15 décembre 2016 sur la problématique de la charge de la preuve après délivrance par le bailleur...
-
Bail commercial: prescription de l’action de fixation du loyer à la baisse du bail renouvelé
Publié le : 05/01/2017 05 janvier janv. 01 2017Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierAlors que son bail commercial expirait le 1er avril 2006 et se poursuivait par tacite prolongation, le locataire a décidé le 2 octobre 2009 d’adresser à son...
-
Autorisations d'exploitations commerciales: allongement de la durée pour les grandes surfaces de vente
Publié le : 21/12/2016 21 décembre déc. 12 2016Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierUn décret du 15 décembre 2016 allonge la durée de validité des autorisations d'exploitation commerciale pour les projets, soumis à autorisation d'exploitatio...
-
Bail commercial : Conditions de recevabilité de la demande de révision triennale
Publié le : 28/10/2016 28 octobre oct. 10 2016Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierLes articles L. 145-37 et L. 145-38 du Code de commerce traitent de la révision triennale, mécanisme légal d’ordre public fixant les conditions dans lesquels...
-
La résiliation du bail commercial en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire du preneur
Publié le : 07/07/2016 07 juillet juil. 07 2016Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierAu visa de l’article L622-21 I du Code de commerce, la Cour de Cassation confirme, dans un arrêt rendu le 26 mai 2016 par la 3e Chambre Civile, sa position q...
-
Bail commercial et défaut d'immatriculation : des conséquences graves!
Publié le : 04/07/2016 04 juillet juil. 07 2016Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierL’immatriculation au RCS et au répertoire des métiers est l’une des conditions requises pour que le preneur soit éligible au renouvellement de son bail.Cour...