Le secret absolu des délibérations
Publié le :
31/08/2016
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Le secret des délibérations de la Cour d’assises s’impose aux juges qui y ont participé comme un principe absolu ne souffrant aucune dérogation.Pour le juge d’instruction cherchant à établir la preuve d’une infraction commise à l’occasion de ces délibérations l’atteinte à ce secret impose la démonstration du caractère nécessaire et proportionné de la mesure d’instruction envisagée.
Devant la Cour d’assises, l’article 304 du code de procédure pénale conduit les jurés à prêter le serment « de conserver le secret de leurs délibérations, même après la cessation de leurs fonctions ». Au-delà de ces dispositions particulières, l’obligation faite aux jurés d’assises se déduit de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que des principes généraux du droit. Car le secret des délibérés est indissociable des fonctions juridictionnelles et constitue pour le justiciable une garantie d’indépendance des juges.
Jusqu’en 2012, les décisions de la Cour d’assise n’étaient pas motivées. Car la loi ne demande aucun compte aux juges et aux jurés la composant des moyens par lesquels ils se sont convaincus. Elle ne leur prescrit aucune règle desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve. A cet égard, l’article 353 du code de procédure pénale leur prescrit simplement « de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense ». Dans cette recherche emprunte de recueillement , la loi ne leur fait que cette seule question renfermant toute la mesure de leur devoir : « avez-vous une intime conviction ? ». Un lien se dessine ainsi entre l’intimité nécessaire à la conviction des jurés et l’obligation qui leur est faite de conserver le secret de leurs délibérations. Ce lien, sur lequel se fonde l’autorité des décisions prononcées par la Cour d’assises, n’a pas été fondamentalement modifié par la réforme de 2012, la loi énonçant que ces principes déterminant de la conviction des juges demeurent inchangés « sous réserve de l’exigence de motivation de la décision ».
La Cour de cassation rappelle dans un arrêt récent (Cass. crim, 25 mai 2016, n° 15-84.099) que l’obligation au secret qui est faite aux juges, professionnels ou non, composant la Cour d’assises revêt un caractère absolu et qu’aucune dérogation à cette obligation ne saurait être admise sans qu’il soit porté atteinte à son indépendance et à l’autorité des arrêts qu’elle prononce.
En l’espèce, un quotidien national avait publié un entretien accordé par un membre du jury d’une Cour d’assises dans l’objet de dénoncer, sous l’intitulé « La Présidente essayait d’orienter nos votes », des anomalies survenues au cours des délibérations. A l’occasion des poursuites engagées contre lui pour violation du secret des délibérations, ce juré sollicitait que puisse être entendues toutes les personnes ayant participé aux délibérations afin que puisse être confirmée l’exactitude de ses révélations. Confirmant que le secret des délibérations relève des principes généraux du droit, c’est sans surprise que la Cour de cassation approuve la décision de rejet d’une telle demande d’instruction. Déjà, dans une décision antérieure de deux mois, la Cour de cassation avait eue l’occasion de rappeler la portée du secret des délibérations au regard d’une mesure d’instruction nécessaire (Cass. crim. 22 mars 2016, n° 15-83.207). La Cour de cassation avait ainsi censuré la saisie de l’avis du rapporteur d’un arrêt de la chambre criminelle et du projet d’arrêt que ce rapporteur avait rédigé par un juge d’instruction qui recherchait les preuves d’un trafic d’influence. La Cour de cassation avait relevé que cette appréhension n’était pas nécessaire à la recherche de la preuve du trafic d’influence dont seul était suspecté un magistrat étranger à la chambre criminelle, qu’il n’existait aucun indice de participation d’un membre de la formation ayant participé au délibéré à une quelconque infraction et qu’en procédant à cette saisie, le juge d’instruction avait porté une atteinte injustifiée au secret des délibérations. Précédemment, le conseil constitutionnel avait jugé que s’il est loisible au législateur de permettre la saisie d’élément couverts par le secret du délibéré se rattachant au principe d’indépendance des juridictions qui figure au nombre des libertés constitutionnellement garanties, il appartient toutefois au législateur de prévoir dans ce cas les conditions et modalités précises selon lesquelles une telle atteinte pourrait être mise en œuvre afin que celle-ci demeure strictement proportionnée (Cons. const. 4 décembre 2015, n° 2015-506 QPC).
Dans une société de l’information où l’exigence de transparence va croissante, le secret des délibérations demeure un principe fort. Alors qu’un parlementaire membre de la Cour de justice la République ayant jugé la responsabilité de trois ministres du Gouvernement dans l’affaire dite du « sang contaminé » avait estimé pouvoir commenter par voie de presse les délibérations de la Cour, le tribunal de grande instance de Paris était venu rappeler que le secret qui s’impose au juge n’est pas institué dans le seul intérêt de loi. Il protège également l’intérêt des justiciables, fondés, dès lors, à poursuivre la violation de ce secret lorsque celle-ci porte atteinte à l’autorité des décisions qui les concernent.
Cet article a été rédigé par François HONNORAT, avocat (Paris).
Cet article n'engage que son auteur.
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