
La notification en référé précontractuel : la réception et non pas la connaissance effective
Publié le :
09/07/2018
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Le conseil d’État a jugé dans l’arrêt n° 417686 du 20 juin 2018, que :
« lorsque l’auteur d’un référé précontractuel établit l’avoir notifié au pouvoir adjudicateur dans les conditions prévues par cet article, le pouvoir adjudicateur qui signe le contrat postérieurement à la réception du recours doit être regardé comme ayant méconnu les dispositions de l’article L. 551-4 du même code ; que s’agissant d’un recours envoyé au service compétent du pouvoir adjudicateur par des moyens de communication permettant d’assurer la transmission d’un document en temps réel, le délai de suspension court à compter non de la prise de connaissance effective du recours par le pouvoir adjudicateur, mais de la réception de la notification qui lui a été faite ».
Dans cette affaire, la ville de Paris avait engagé une procédure d’appel d’offres ouvert, pour la passation d’un accord-cadre à bons de commandes, relatif à des prestations de nettoiement, d’entretien et d’aménagement des espaces verts du boulevard périphérique.
L’avis de marché avait été publié le 21 août 2017 et la société Cercis s’était portée candidate à l’attribution des deux lots constituant ce marché. Cette société a été informée, par la Ville de Paris, par courrier électronique du 8 décembre 2017, du rejet de son offre ainsi que du nom de la société attributaire.
La Ville de Paris avait quant à elle attendu 11 jours, soit le 19 décembre 2017, avant de signer le contrat. La société Cercis avait saisi le tribunal administratif de Paris d’une requête présentée à titre principal, en référé précontractuel et à titre subsidiaire, en référé contractuel.
Afin de garantir la recevabilité de sa requête, la société Cercis avait été suffisamment diligente pour notifier elle-même, son recours auprès du pouvoir adjudicateur, dans des conditions permettant d’une part, d’assurer la transmission du document en temps réel et d’autre part, permettant l’horodatage de la réception et de la lecture du message.
Le tribunal administratif de Paris s’était fondé sur l’heure de la prise de connaissance effective du recours par la ville de Paris, en estimant que cette prise de connaissance était intervenue après la signature du marché. C’est dans ces conditions, que le tribunal administratif a rejeté la requête présentée par la société Cercis.
C’est ce point particulier que le conseil d’État a invalidé, par la rédaction du considérant n° 3 de l’arrêt commenté. Le conseil d’État a considéré que le délai de suspension courait à compter, non pas de la prise de connaissance effective du recours par le pouvoir adjudicateur, mais à compter de la réception de la notification.
Cette solution est teintée de pragmatisme, puisque dans les faits, il est impossible de définir l’heure à laquelle un contrat est signé, seule la date étant mentionnée. Dans ces conditions, à considérer la notification et la signature du contrat le même jour, il est impossible de savoir laquelle des deux diligences a été réalisée la première.
Cette solution, est également adaptée au fonctionnement des services administratifs conséquents, comme ceux de la Ville de Paris.
En effet, il est impossible de considérer dans ce genre de structure, que le signataire effectif du marché ait bien eu connaissance effective du recours présenté par le requérant. C’est la réception du message dans la structure administrative du pouvoir adjudicateur, qui permet d’établir que cette formalité procédurale a bien été réalisée. La prise en compte de l’heure de la réception et non pas de l’heure de la prise de connaissance effective du message, permet d’objectiver la notification auprès de la structure personne morale et non pas de la personnaliser au niveau de l’interlocuteur personne physique.
Il n’appartient pas au requérant de s’assurer que la notification a bien été réalisée auprès de l’agent, personne physique en charge de ce dossier. Il lui appartient simplement de notifier le recours à la personne morale et à son représentant personne physique, ce qui se traduit par la réception électronique ou physique du message, dans la structure du pouvoir adjudicateur.
En réalité, le juge administratif a calqué le droit applicable au pli recommandé avec avis de réception, au régime juridique des communications électroniques. Ainsi, ce n’est pas la date et l’heure de la lecture du message ou d’ouverture de la lettre par la personne physique responsable de ce dossier qui est pris en compte, mais la date et l’heure de sa réception dans les murs de l’institution du pouvoir adjudicateur. Cette solution pourrait être transposable à toute situation et non pas uniquement réservée à la notification des référés précontractuels.
Dans les faits, il appartient au pouvoir adjudicateur de vérifier s’il n’a pas été destinataire d’un pli ou d’un message électronique lui notifiant le référé précontractuel. Si le contrat est signé, il appartiendrait alors au pouvoir adjudicateur d’établir une signature à une heure antérieure à la réception du message électronique ou à la signature de l’avis de réception du pli recommandé, ce qui ne semble pouvoir être établi que par l’horodatage du contrat.
Cette jurisprudence invite donc les pouvoirs adjudicateurs à faire preuve de prudence dans la signature des contrats en général et des marchés publics en particulier, en vérifiant l’existence, plus particulièrement au 11e jour suivant les rejets des offres, d’une notification d’un référé précontractuel.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Olivier Le Moal
Auteur

Thomas PORCHET
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
Saint-Benoît (86)
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