
Contrefaçon de chèques et absence de responsabilité du banquier
Publié le :
10/01/2012
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2012
Les faits de contrefaçon de chèques ne faiblissant pas, leurs illustrations jurisprudentielles demeurent donc encore d'actualité.
Une illustration avec Cass. com., 15 février 2011 (pourvoi n° 10-15268)
A ce titre, il faut conserver à l'esprit la distincte appréhension en droit, de la falsification et de la contrefaçon de chèque (sur cette distinction, v. Dalloz Action, "Obligations et responsabilités du banquier", éd 2011/2012, n° 444.40 et s.) qui présente dans cette dernière occurrence un cas de responsabilité quasi automatique du banquier.
En effet, dans les circonstances de contrefaçon de chèque, celui-ci étant signé par une personne autre que le titulaire du compte, le banquier procédant au paiement dudit chèque est reconnu fautif par la négligence ainsi commise d'un contrôle insuffisant.
Sur le fondement de l'article 1937 (et 1147 parfois) du Code civil, la sanction qui lui est infligée consistera en général à rembourser au titulaire du compte, une somme équivalente au montant détourné.
Cette automaticité de responsabilité du banquier connaît cependant un correctif en la faute commise par la titulaire du compte (cf. notamment, Cass. com 9 juillet 1996, pourvoi n° 94-17.119) mais seulement par lui (cf. notamment, Cass. com., 28 janvier 1992, pourvoi n° 90-17.339).
Il paraît donc intéressant de connaître les circonstances susceptibles d'être reconnues comme fautives pour le titulaire du compte et exonératoires totalement ou partiellement de responsabilité pour le banquier.
Tel est l'objet du présent arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 février 2011.
En l'espèce, un mari qui avait falsifié ou contrefait 236 chèques appartenant à son épouse avait été condamné à indemniser cette dernière à hauteur de 63.439,08 €.
L'épouse victime des délits de son mari devait toutefois poursuivre sa banque en réparation pour la somme de 49.178,68 € au titre des faits commis par ce dernier entre octobre 2002 et octobre 2005.
Les Juges du fond ont fait droit à sa demande de réparation, reprenant les principes susvisés fondés sur les articles 1147 et 1937 du Code Civil et jugeant que si "les détournements ont pu se poursuivre pendant trois ans, cette circonstance n'est pas due au défaut de vigilance de Madame Y… mais aux stratagèmes multiples déployés par l'époux pour faire échec à ses différents contrôles, que Madame Y… était rassurée par la lecture des relevés bancaires falsifiés par son époux et qu'enfin, la circonstance que celui-ci ait pu prélever dans des conditions indéterminées deux formules d'un carnet de chèques utilisé par l'épouse ne suffit pas à caractériser une faute de celle-ci à l'origine de son préjudice".
On pouvait s'attendre à un rejet du pourvoi formé par la banque, l'appréciation contestée pouvant relever de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Au contraire et pour violation de la loi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel en jugeant "qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que Mme Y… n'avait pas consulté les relevés bancaires de son compte personnel depuis cinq ou six mois lors de la découverte des détournements, la cour d'appel a violé…".
C'est donc avec une grande brièveté que la Cour de cassation juge fautive l'absence de consultation de ses relevés de compte par son titulaire, victime des contrefaçons ; faute en conséquence exonératoire de responsabilité pour la banque pour les contrefaçons postérieures à la date de la faute de la victime.
A l'analyse toutefois, force est de reconnaître un caractère assez audacieux à cet arrêt tant d'un point de vue procédural qu'en substance.
Jusqu'alors, on comprenait que la faute de la victime supposait que cette dernière ait eu le temps matériel de procéder à la vérification de ses relevés et que ces derniers ne soient pas eux-mêmes falsifiés (cf. Th. Bonneau in Banque et Droit n° 137 mai-juin, 2011, p. 25).
Ceci est parfaitement cohérent puisque des relevés falsifiés ne permettent pas aisément au titulaire du compte, de déceler la fausseté de chèques.
En l'espèce précisément, le mari avait falsifié les relevés de compte, circonstances retenues par les juges du fond au profit de l'épouse victime mais tenues pour indifférentes par la Cour de cassation.
Pour la Haute juridiction, ce n'est pas le fait de ne pas avoir décelé la falsification des relevés qui est reproché à la victime mais celui de ne pas avoir procédé à leur vérification pendant cinq ou six mois avant la découverte des détournements (v. Th . Bonneau dans art. préc.).
La Chambre commerciale a manifestement voulu sanctionner la trop grande légèreté dans l'attitude de la victime.
De là à considérer que l'objectif de la Cour de cassation est d'infléchir l'automaticité de la responsabilité du banquier en cas de contrefaçon de chèque, il n'y a qu'un pas.
Effectivement, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, paraît ces derniers temps, vouloir instaurer un équilibre moins défavorable au banquier dans les contentieux le concernant.
L'avenir nous le confirmera… ou pas.
L'auteur de cet article:Stéphane ASENCIO, avocat à Bordeaux
Cet article n'engage que son auteur.
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