Le mandat ad hoc
Publié le :
13/10/2010
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Création prétorienne des tribunaux de commerce il y a plus de vingt cinq ans sur la base de la Loi du 01/03/1984, le mandat ad hoc a connu une consécration lors de la crise immobilière des années 90 sous l’égide du tribunal de commerce de Paris.
Le capitaine et le drapeau blanc……
Il a acquis depuis, à défaut de lettres de noblesse, une véritable reconnaissance législative (article L 611-3 et L 611-13 à L 611-15 du Code du commerce) et réglementaire (R 600 2ème alinéa, R 611-18 à R 611-20, R 611-20 R 611-21, R 611-47 ç R 611-50 et 662-7 et 622-8).
Souplesse, discrétion, diplomatie, efficacité sont des qualificatifs qui peuvent s’appliquer au mandat ad hoc et qui contribuent à le présenter comme un modèle de médiation d’un conflit économique souvent complexe.
Souplesse car le mandat est original par la liberté qui est laissée à son utilisation et au contenu même de la mission confiée au conciliateur.
Discrétion car les discussions d’affaire ne peuvent s’en passer même si ce secret n’est pas toujours aussi bien gardé.
Diplomatie car c’est la qualité essentielle que l’on attend de toute personne qui se veut habile à négocier.
Efficacité car son objectif est d’obtenir un accord rapidement afin d’éviter que les difficultés de l’entreprise menacent la continuité de l’exploitation.
La démarche procédurale est minimaliste puisqu’il s’agit de présenter une simple requête.
Le magistrat compétent est soit le président du tribunal de commerce (commerçant et artisan) soit le président du tribunal de grande instance (personne morale de droit privé, professionnel indépendant, agriculteur) du siège dans lequel le débiteur possède le centre de ses intérêts.
Cette procédure est donc éligible à toutes les personnes qui peuvent être soumises à une procédure collective.
La requête doit énoncer les difficultés qui sont rencontrées par l’entreprise quelle qu’en soit la nature (financière, économique, juridique) et expliquer les raisons qui justifient le recours à un conciliateur.
On joindra également toute pièce notamment comptable destinée à mieux caractériser les difficultés économiques rencontrées.
Le président statue après avoir convoqué le dirigeant de l’entreprise ou le débiteur si l’exploitation est personnelle.
Son ordonnance arrête généralement la mission du conciliateur dans les termes mêmes que ceux proposés, d’où la nécessité d’en cerner préalablement au mieux le contenu.
Il peut désormais désigner la personne qui lui est proposé par le débiteur.
Le dirigeant ou le débiteur aura donc le plus grand intérêt à prendre contact préalablement à sa demande avec une personne qualifiée, la plupart du temps un administrateur judiciaire, qui est rompu à ce genre de mission plutôt que de se voir imposer une personne qu’il n’a pas choisie.
Il est nécessaire en effet qu’une confiance s’installe avec le mandataire, c’est un facteur déterminant de la réussite du mandat.
L’administrateur doit donc être informé le plus complètement possible de la situation de l’entreprise pour évaluer au mieux sa mission et la mener avec toute la diligence nécessaire.
A cette occasion on fixera les conditions de rémunération du mandataire afin d’éviter de mauvaises surprises ultérieures et de pouvoir tenir compte de cette charge dans les prévisions comptables de l’entreprise.
Il faut également préciser que le mandataire désigné n’est pas celui du dirigeant mais celui du magistrat qui l’a nommé.
Il conserve donc une liberté de décision et d’appréciation sur les propositions du dirigeant.
Dès lors le dirigeant devra également se faire assister de ses conseils naturels, son expert comptable, son conseiller financier, son avocat afin de défendre au mieux ses intérêts.
Toutefois la désignation du mandataire ne l’autorise à aucun moment à s’ingérer dans la gestion de l’entreprise contrairement à une procédure collective, le dirigeant reste libre de diriger son entreprise.
Il faut nécessairement distinguer le mandat ad hoc d’une institution voisine la conciliation.
Il n’y a pas véritablement de différence de nature car ces démarches reposent sur la capacité à parvenir à un accord, le mandataire désigné se nomme d’ailleurs dans les deux cas un conciliateur.
Elles se nourrissent toutes les deux du pouvoir de négociation et ignorent la contrainte.
Les différences les plus importantes se résument à la durée de la mission, la conciliation étant enfermée dans un délai (trois mois + un mois de prolongation éventuelle) alors que le mandat ad hoc ne l’est pas.
La vocation du mandat ad hoc est en général de s’attaquer à un passif bancaire ou financier trop lourd pour l’entreprise, quand le service de la dette n’est plus adaptée au cycle d’exploitation.
La conciliation a vocation à englober un passif plus large notamment un passif public ou un passif fournisseur.
La procédure de conciliation permet également d’authentifier un accord soit par sa constatation par le président du tribunal, soit par l’homologation par jugement de ce même tribunal.
L’homologation de l’accord de conciliation fait bénéficier toute personne qui apporte des fonds nouveaux à l’entreprise d’un privilège dit de conciliation qui permet de sécuriser son remboursement éventuel en cas de procédure collective.
En revanche, l’accord conclu dans le cadre d’un mandat ad hoc demeure occulte car cette procédure se veut par essence secrète.
Toutefois dans la pratique ces procédures ne s’opposent pas nécessairement et se complètent même souvent.
Le mandat ad hoc peut préparer une conciliation, il peut également maintenir les discussions entre deux conciliations dans la mesure où la première peut être interrompue par l’expiration de son délai alors que la seconde ne peut être ouverte avant un délai de carence (trois mois).
Le mandat ad hoc peut aussi préparer une procédure collective.
Toutefois, si les négociations s’enlisent et perdurent les chances de l’entreprise de se redresser vont s’amenuiser et la procédure collective débouchera la plupart du temps sur une liquidation judiciaire.
En tout état de cause, le dirigeant ou le débiteur est libre d’y mettre fin à tout moment.
L’objet du mandat ad hoc est évidemment d’obtenir généralement des délais, mais également parfois des abandons de créance et en tout cas un répit pendant lequel le crédit sera maintenu à l’entreprise.
Mais, il ne s’agit pas de demander uniquement un effort aux créanciers.
Il faut aussi traiter les difficultés de l’entreprise en profondeur et proposer toutes mesures de restructuration financière et sociale et même ne pas hésiter à céder une branche d’activité qui constitue un foyer de pertes.
Les discussions ne sont jamais faciles avec les banques car elles sont déjà alertées depuis de nombreux mois sur les difficultés de l’entreprise et elles ont souvent une vision pessimiste de son avenir même si parfois hélas cette vision est réaliste.
Il y a donc une réelle difficulté à rétablir la confiance entre l’entreprise et ses banquiers.
Les banquiers sont toujours réticents à accorder des délais supplémentaires alors que la situation se dégrade et que le recouvrement de leur créance s’en trouve menacé.
La gestion du dirigeant est souvent mise en cause car elle est rarement absente des difficultés de l’entreprise.
Ainsi, les négociations débutent-elles généralement dans un climat tendu et tout l’art du conciliateur est de parvenir à convaincre les banquiers de ne pas provoquer la rupture du crédit qui est souvent irrémédiable pour l’entreprise.
Le dirigeant doit non seulement faire preuve de bonne volonté mais également faire des efforts tangibles ; il peut apporter des fonds propres ou proposer de nouvelles garanties ;
Les banquiers sont toujours sensibles à cette attitude car ils estiment non sans raison que l’effort doit être toujours partagé et qu’un dirigeant qui ne s’engage pas ne croit pas dans le redressement de son entreprise.
Il faut veiller cependant à un équilibre et le dirigeant ne doit pas accepter n’importe quelle concession pour arracher un accord car il risque de le regretter amèrement plus tard.
L’apport d’une garantie extérieure (type OESO) est souvent un facteur déterminant précédant l’accord, le dirigeant doit donc sans attendre les solliciter et présenter des dossiers valables.
Les négociations peuvent être longues, aussi faut-il obtenir de la part des partenaires financiers leur accord pour suspendre toute saisie ou voie d’exécution pendant les discussions car à défaut l’ouverture d’une procédure collective sera requise.
Le mandat ad hoc peut déboucher ou non sur un accord.
Si l’accord est trouvé, il demeure secret ce qui n’est pas un désavantage car les difficultés restent ignorées de la concurrence.
Mais l’accord peut aussi ne pas être trouvé.
Si l’échec dépend de la position d’un créancier réfractaire, le mandat ad hoc peut préparer un plan de sauvegarde dans le cadre duquel la règle de la majorité au sein des comités de créanciers se substituera à celle de l’unanimité.
Cette procédure devrait permettre l’adoption rapide d’un plan ayant un large soutien des créanciers financiers sans intervention des fournisseurs.
A cet effet, un projet de Loi de sauvegarde financière accélérée vient d’ailleurs d’être entériné par le Sénat le 01/10/2010.
Si l’échec provient de l’absence de toute possibilité de reprise des paiements ce constat signifiera au dirigeant qu’il est grand temps d’ouvrir une procédure collective car les possibilités d’une négociation sont épuisées.
Il ne faudrait pas en effet que le mandat ad hoc conduise le dirigeant à engager sa responsabilité personnelle en déclarant tardivement un état de cessation des paiements.
Gageons que le mandataire ad hoc sera le mieux placé pour lui rappeler que le capitaine doit aussi savoir hisser le drapeau blanc.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © mostafa fawzy - Fotolia.com
Auteur
NEVEU Pascal
Avocat Honoraire
NEVEU, CHARLES & ASSOCIES
NICE (06)
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