Définition d’une zone humide : les critères ne sont pas alternatifs mais cumulatifs !
Publié le :
23/03/2017
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Il s’agit d’un arrêt du Conseil d’Etat qui devrait entraîner un certain nombre de conséquences à la fois sur le terrain du droit de l’environnement et sur le terrain du droit de l’urbanisme…
Dans une décision du 22 février 2017 mentionnée dans les tables du recueil Lebon (CE, 22 février 2017, n° 386325), et qui de ce fait revêt une certaine portée, la Haute juridiction a en effet considéré « qu’une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau et, pendant au moins une partie de l’année, de plantes hygrophiles ».
Les faits de cette affaire sont relativement simples. Un propriétaire de parcelles boisées avait conduit, au cours des années 2005 à 2010, des travaux de création d’un plan d’eau d’une superficie de 2,5 hectares, sans déposer ni demande d’autorisation, ni déclaration préalable au titre de la loi sur l’eau. Il a déposé une déclaration préalable pour régulariser la création de ce plan d’eau.
Au cours de l’année 2012, le préfet s’est opposé à cette déclaration au motif notamment que ces travaux avaient eu pour conséquence la destruction d’une zone humide en méconnaissance tant des dispositions de l’article R. 214-1 du code de l’environnement que des orientations du schéma d’aménagement et de gestion des eaux.
Le tribunal administratif a rejeté la demande d’annulation formée par l’intéressé contre cette décision et la cour administrative d’appel a rejeté cet appel en retenant que le terrain d’assiette du plan d’eau litigieux était constitutif d’une zone humide et devait, en conséquence, nécessairement faire l’objet d’une procédure d’autorisation.
Dans sa décision du 22 février dernier, le Conseil d’Etat rappelle que « pour juger que le terrain d’assiette du plan d’eau litigieux était constitutif, dans sa totalité, d’une zone humide, la cour a retenu que les études pédologiques menées par un bureau d’études avaient mis en évidence la présence de sols fortement hydromorphes de type » réductisol » et » rédoxisol » ainsi que de traces redoxiques caractérisant des sols moyennement hydromorphes de type » pélosol-rédoxisol » et » luvisol rédoxique » ».
Elle rappelle également que la Cour « a regardé comme dépourvue d’incidence la présence, sur le terrain d’assiette du plan d’eau, de pins sylvestres, espèce dont il n’est pas contesté qu’elle ne présente pas un caractère hygrophile, et s’est abstenue de rechercher si d’autres types de végétaux hygrophiles étaient présents sur ce terrain ».
Le Conseil d’Etat considère que la Cour « a, ainsi, regardé comme alternatifs les deux critères d’une zone humide, au sens de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, alors que ces deux critères sont cumulatifs (…), contrairement d’ailleurs à ce que retient l’arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l’environnement ».
L’article L. 211-1 du code de l’environnement, auquel fait référence l’arrêt du 22 février dernier et qui est toujours en vigueur, prévoit en effet que la législation sur l’eau « vise à assurer : 1° (…) la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».
C’est l’arrêté du 24 juin 2008, modifié par l’arrêté du 1er octobre 2009, qui précise les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l’environnement. Selon cet arrêté et en ce qui concerne la mise en œuvre du régime d’autorisation et de déclaration au titre de la loi sur l’eau, une zone doit être considérée comme humide si elle présente l’un seulement des critères se rapportant soit aux sols soit à sa végétation caractéristique des zones humides.
Cette approche est confirmée par la circulaire du 18 janvier 2010 relative à la délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l’environnement. Il y est précisé notamment que « Le choix d’utiliser initialement l’un ou l’autre de ces critères dépendra des données et des capacités disponibles, ainsi que du contexte de terrain ».
L’arrêt du 22 février 2017, se référant expressément aux travaux préparatoires de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, conduit donc à considérer que cet arrêté du 24 juin 2008 et cette circulaire du 18 janvier 2010 sont, sur ce point, contraires aux dispositions légales.
La caractérisation des zones humides opérée depuis la fin des années 2000 sur le fondement des critères prévus par l’arrêt du 24 juin 2008 pourrait donc s’en trouver fragilisée juridiquement. Par ailleurs, les futures démarches d’identification des zones humides ne pourront faire autrement que de prendre en compte cette solution.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo: © Martin - Fotolia.com
Auteur
ROUHAUD Jean-François
Avocat Associé
LEXCAP RENNES
RENNES (35)
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