Fonction publique : nouveau principe général du droit
Publié le :
30/10/2013
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L’administration a l'obligation, lorsqu’elle entend affecter un fonctionnaire sur l’emploi occupé par un agent non titulaire recruté sur le fondement d’un CDI, de chercher à reclasser l’intéressé avant de procéder à son licenciement.
Affectation d'un fonctionnaire sur un emploi de contractuel et obligation de reclassementDans un avis rendu le 25 septembre 2013 (CE 25 septembre 2013 avis n° 365139), le Conseil d’Etat a dégagé un nouveau principe général du droit en consacrant l’obligation pour l’administration, lorsqu’elle entend affecter un fonctionnaire sur l’emploi occupé par un agent non titulaire recruté sur le fondement d’un contrat à durée indéterminée, de chercher à reclasser l’intéressé avant de procéder à son licenciement.
Saisi par la Cour administrative d’appel de Paris d’une demande d’avis sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat avait à se prononcer sur deux questions :
- l’administration peut-elle mettre fin aux fonctions d’un agent public contractuel bénéficiant d’un CDI pour le remplacer par un fonctionnaire ?
- dans une telle hypothèse, l’administration est-elle tenue de procéder au reclassement de l’agent dans un autre emploi avant de procéder à son licenciement ?
En effet, si le Conseil d’Etat a, de longue date, refusé de reconnaître une obligation de reclassement en faveur des agents contractuels dont l’emploi est supprimé (CE 17 juin 1992, req. n° 112771 ; CE 8 avril 1998, Izzo, req. n° 161959), la Cour administrative d’appel de Marseille s’est la première engagée dans une voie dissidente, en jugeant :
« qu'il résulte d'un principe général du droit que lorsqu'elle supprime l'emploi d'un agent bénéficiaire d'un contrat à durée indéterminée, l'autorité administrative doit le reclasser et ne peut le licencier que si le reclassement s'avère impossible ou si l'agent refuse le reclassement qui lui est proposé » (CAA Marseille 30 mars 2010, Luzy , req. n° 08MA01641 ; voir également dans le même sens CAA Nantes 30 novembre 2012, req. n° 11NT01865 ; CAA Versailles 22 novembre 2012, req. n° 11VE01219 ; TA Rouen 13 novembre 2012, req. n°1101528).
La Cour administrative d’appel de Lyon a par la suite étendu ce principe aux agents recrutés en CDD occupant un emploi permanent ( CAA Lyon 7 juillet 2011, M. Etile , req. n° 10LY02708 ).
Certaines cours administratives d'appel refusaient néanmoins de suivre cette tendance en jugeant qu'aucun principe général du droit n'oblige l'administration à examiner la possibilité de reclassement d'un agent licencié en raison de la suppression de son emploi (CAA Douai 15 décembre 2011, M. Abdelaziz Keknassi, req. n° 10DA00808 ; CAA Bordeaux 12 février 2013, req. n° 11BX03251).
Dans ce contexte, la position du Conseil d’Etat était donc très attendue.
La jurisprudence Cavalla avait ouvert la voie en reconnaissant que le contrat de recrutement d’un agent public contractuel lui crée des droits, notamment celui de voir son contrat irrégulier régularisé, ou à défaut d’être reclassé dans un emploi de niveau équivalent ou inférieur (CE Sect. 31 décembre 2008, req. n° 283256).
Difficile dans ces conditions de justifier qu’un agent recruté dans des conditions irrégulières bénéficie de garanties supérieures à celles d’un agent contractuel disposant d’un contrat légal, auquel il pourrait être mis fin sans reclassement préalable.
Le Conseil d’Etat a ainsi dégagé un nouveau principe général du droit en suivant le raisonnement suivant :
- les emplois permanents doivent en principe être occupés par des fonctionnaires, le recrutement d’agents contractuels sur ces emplois n’étant permis qu’à titre dérogatoire, sous forme de CDD ou, par application de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, d’un CDI,
- dès lors, le contrat de recrutement de l’agent contractuel ne lui confère pas le droit de conserver l’emploi pour lequel il a été recruté lorsque l’administration entend y affecter un fonctionnaire (le remplacement d’un agent contractuel par un fonctionnaire constitue donc un motif légal de licenciement),
- pour autant « il résulte toutefois d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l'emploi correspondant, de chercher à reclasser l'intéressé »,
- en pratique, il appartient à l’administration de proposer à l’agent un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d’un tel emploi et à la demande de l’agent, tout autre emploi.
Par ailleurs, si le Conseil d’Etat a pris soin de préciser les modalités de reclassement de l’agent contractuel remplacé dans ses fonctions par un fonctionnaire, ces modalités ne sont que temporaires et ne valent que jusqu’à la publication des décrets d’application de l’article 49 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, article qui renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer les motifs de licenciement, les obligations de reclassement et les règles de procédures applicables en cas de fin de contrat.
Cet article n'engage que son auteur.
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Auteur
COUETOUX DU TERTRE Adeline
Avocate Collaboratrice
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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