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Responsabilité des diagnostiqueurs immobiliers
Publié le :
25/08/2016
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L’arrêt du 19 mai 2016 de la 3ème Chambre civile constitue une nouvelle illustration de la position désormais adoptée solennellement par la Haute juridiction quant à la détermination du préjudice réparable pour l’acquéreur en cas de diagnostic erroné.La Chambre mixte de la Cour de cassation a, en effet, par un arrêt du 8 juillet 2015 abondamment commenté, mis fin à une divergence jurisprudentielle prégnante sur ce point (Cass. ch.mixte., 8 juillet 2015, n°13-26.686).
La problématique était en effet de savoir si le préjudice indemnisable de l’acquéreur en lien avec la faute du diagnostiqueur correspondait au coût des travaux nécessaires pour remédier au vice non décelé (position de la 3ème Chambre civile) ou constituait une simple perte de chance d’acquérir à des conditions plus avantageuses voire de renoncer à l’acquisition (position de la 1ère Chambre civile fortement relayée par les juridictions d’appel).
La Chambre mixte a adopté formellement la position de la 3ème Chambre civile en retenant l’indemnisation intégrale de l’acquéreur et en prônant une « volonté de renforcement de la sécurité des transactions immobilières et de la protection des acquéreurs » (cf. communiqué relatif à l’arrêt précité).
Quoique cette solution prête à discussion juridiquement, notamment eu égard à l’exigence d’un lien de causalité, la faute du diagnostiqueur n’étant en effet pas à l’origine de l’existence de la contamination elle-même, la 3ème Chambre n’a de cesse de réaffirmer sa position désormais bien ancrée (Cass. 3ème civ., 15 oct.2015, n°14-18.077 ; 7 avril 2016, n°15-14.996).
C’est dans cette droite ligne que s’inscrit le présent arrêt du 19 mai 2016, publié au Bulletin.
En l’espèce, et préalablement à la vente d’un bien immobilier, le vendeur confie à un diagnostiqueur le soin d’établir un constat sur la présence d’amiante. Les rapports remis font état de la présence d’amiante en mentionnant « un flocage sur poteau ».
Après plusieurs ventes successives, l’acquéreur final, lors de travaux de démolition, découvre la présence d’amiante supplémentaire, notamment sur l’intégralité des poteaux de l’immeuble.
L’expertise judiciaire conclut à une insuffisance des rapports initiaux qui ne permettaient pas une localisation certaine de l’amiante au droit de tous les poteaux métalliques.
La Cour d’appel (CA Aix en Provence, 6 novembre 2014) avait néanmoins rejeté la demande de l’acquéreur relative au paiement du surcoût du désamiantage en retenant que le diagnostiqueur n’était pas « responsable de la présence d’amiante mais uniquement de manquements fautifs dans sa détection et que le préjudice de la SCI ne peut donc correspondre au coût du désamiantage qui est supporté par le propriétaire ».
La 3ème Chambre civile censure cette décision au motif que l’état relatif à l’amiante annexé à l’acte de vente « garantit l’acquéreur contre le risque d’amiante » et qu’après avoir retenu que « l’imprécision des rapports de la société S…entraînait une responsabilité en conception et en réalisation de cette société », la cour d’appel « n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations quant à la certitude du préjudice subi par la SCI du fait du surcoût du désamiantage ».
Il s’agit donc là d’une reprise pure et simple de la motivation de l’arrêt précédemment rendu par la Chambre mixte, à savoir l’existence d’une véritable garantie de l’acquéreur du fait des diagnostics immobiliers et la notion de certitude de préjudice.
On ne peut cependant manquer de souligner l’omission, manifestement délibérée, de la Haute Juridiction de toute mention du lien de causalité.
Celle-ci fait, en effet, uniquement référence à la certitude du préjudice, qui en lui-même ne prêtait pas véritablement à discussion, et non à la certitude de son lien de causalité avec la faute retenue, qui posait débat.
La Cour de cassation préfère sans aucun doute ne pas s’aventurer sur ce terrain juridiquement délicat au vu des quelques libéralités qu’elle prend avec la notion causale en raison de l’objectif poursuivi. Elle force en quelque sorte les effets de la responsabilité pour aboutir à l’existence d’une véritable garantie.
Une telle solution conduit-elle à considérer que la responsabilité des diagnostiqueurs immobiliers sera désormais difficilement contestable voire incontestablement engagée ?
Il est certain que la nature et l’étendue du préjudice subi ne seront plus une voie à privilégier.
La seule piste aujourd’hui ouverte aux diagnostiqueurs pour échapper à toute condamnation est celle du débat quant à la détermination de leur faute et donc de l’étendue des obligations leur incombant (pour un arrêt intéressant à ce titre rejetant la faute du diagnostiqueur dans une espèce similaire à celle de l’arrêt commenté : Cass. 3ème civ., 13 juillet 2016, n°14-25530).
Nul doute donc que les discussions se cristalliseront désormais autour de l’appréciation de la faute et que l’expertise judiciaire, fréquemment ordonnée dans ce type de contentieux, revêtira une importance accrue.
Cet article a été rédigé par Marie LETOURMY. Il n'engage que son auteur.
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