Bail d'habitation : erreur sur la surface et délai pour agir
Publié le :
31/05/2024
31
mai
mai
05
2024
Dans un bail d’habitation, la surface habitable est une donnée importante qu’il est nécessaire de porter à la connaissance du locataire et d’inscrire au contrat de bail.En cas d’absence de mention de la surface habitable ou en cas d’erreur entre la surface inscrite au bail et la surface réelle habitable, une diminution du loyer est susceptible d’être retenue à titre de sanction depuis la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, dite loi ALUR, qui est à l’origine de nombreux apports en matière de baux d’habitation.
La loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, dite loi Mermaz, dans sa version modifiée par la loi ALUR, énonce ainsi en son nouvel article 3-1 qu’en l’absence d’accord entre les parties sur la diminution de loyer proportionnée à l’écart de surface constaté, le locataire peut saisir le juge dans un délai de quatre mois à compter de la demande adressée au préalable au bailleur pour qu’il applique une diminution de loyer.
Il est désormais prévu une sanction légale pour les erreurs faites sur la surface habitable d’un logement loué, sous réserve pour le locataire d’agir dans les délais requis.
C’est à ce sujet et notamment concernant l’appréciation du respect des délais d’action que la Cour de cassation a rendu un arrêt le 8 février 2024 (Cour de cassation, 3e chambre civile, 8 Février 2024 n° 22-24.833).
En l’espèce, des propriétaires indivis ont loué un appartement à des locataires.
L’administrateur provisoire désigné pour gérer l’indivision a signifié aux locataires un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail en raison de diverses mensualités impayées.
Par la suite, cet administrateur a assigné les locataires sur le fondement de la clause résolutoire afin qu’ils soient expulsés et qu’ils règlent les loyers dus.
Ces locataires ont sollicité du juge, au titre d’une demande reconventionnelle, une diminution du loyer compte tenu de l’écart qu’ils avaient constaté entre la surface habitable du logement et celle mentionnée dans le contrat.
A la suite de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris en septembre 2022 accordant une diminution de loyer aux locataires, l’administrateur s’est pourvu en cassation.
Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle que le délai de saisine du juge en diminution du loyer est un délai de forclusion courant à compter de la demande faite au bailleur, et n’est donc pas susceptible d’interruption (Cass. 3e civ., 9 nov. 2022, n°21-19.212).
Et cette demande en justice en diminution de loyer est irrecevable dès lors qu’elle n’a pas été précédée d’une tentative de solution amiable entre les parties (Cass. 3e civ., 20 avril 2023, n°22-15.529).
De même, la demande est irrecevable si elle a été effectuée une fois le délai de quatre mois écoulé à compter de la demande faite au bailleur (Cass. 3e civ. 28-9-2022 n° 21-12.829).
Dans le cas où le bailleur aurait laissé s’écouler son délai de deux mois pour répondre à la demande du locataire, cela signifie que le locataire ne disposerait que de deux mois pour saisir le juge. A défaut, la saisine du juge serait effectuée hors délai.
En l’occurrence, la cour d’appel de Paris avait fait droit à la demande des locataires en leur accordant une diminution de loyer aux motifs que :
- D’une part, la différence de surface provenait de la nature de cave d’une partie des locaux loués, impropre à la location à usage d’habitation
- D’autre part, que la mission confiée à l’administrateur consistait à fixer la valeur locative des biens immobiliers indivis ce qui incluait le local loué
Dans un second temps, la Cour de cassation ne fait donc que confirmer ses positions antérieures en affirmant que l’action en diminution des loyers sollicitée en raison d’un écart de surface est irrecevable une fois le délai de forclusion de quatre mois écoulé.
C’est à juste titre qu’elle considère les motifs retenus par la cour d’appel de Paris comme n’étant pas de nature à écarter l’irrecevabilité de l’action en raison de la forclusion.
En conclusion, les sommes réclamées par l’administrateur provisoire au titre des arriérés locatifs doivent être fixées au regard des montants de loyer qui résultent du bail et non des loyers réduits proportionnellement à l’écart constaté puisque la demande en diminution est irrecevable.
Cet article a été rédigé par Alexandre ROY, juriste au sein du cabinet Drouineau 1927. Il n'engage que son auteur.
Auteur
DROUINEAU 1927
Cabinet(s)
POITIERS (86)
Historique
-
Obligation de délivrance conforme et délivrance d’un bien immobilier déclaré comme étant raccordé au réseau d’assainissement, « sans aucune garantie de conformité aux normes en vigueur »
Publié le : 19/07/2024 19 juillet juil. 07 2024Particuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementManque à son obligation de délivrance conforme celui qui délivre un bien immobilier déclaré comme étant raccordé au réseau d’assainissement, « sans aucune...
-
Le point de départ du délai de prescription d'une action en paiement est constitué par la date d'exigibilité de l'obligation qui a donné naissance à la créance
Publié le : 18/07/2024 18 juillet juil. 07 2024Particuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementPar un acte en date du 8 septembre 2015, une promesse unilatérale de vente a été consentie sur un appartement moyennant le prix de 995.000 euros, sous la con...
-
Bail d'habitation : erreur sur la surface et délai pour agir
Publié le : 31/05/2024 31 mai mai 05 2024Particuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementDans un bail d’habitation, la surface habitable est une donnée importante qu’il est nécessaire de porter à la connaissance du locataire et d’inscrire au co...
-
Bail d'habitation : restitution des lieux et dégradations
Publié le : 30/05/2024 30 mai mai 05 2024Particuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementEn matière de bail d’habitation, la clé de répartition des obligations du bailleur et du preneur pose souvent difficulté en cours d’exécut...
-
Bail d'habitation et congé pour reprise : les conditions permettant au bailleur de reprendre son logement
Publié le : 27/05/2024 27 mai mai 05 2024Particuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementIl n’est toujours pas facile pour un propriétaire de récupérer son logement, c’est-à-dire de résilier le bail le liant à un locataire. L’article 15 de la...
-
Propriétaire indivis et pouvoirs de gestion limités
Publié le : 03/05/2024 03 mai mai 05 2024Particuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementPartager une propriété en quotes-parts c’est la soumettre au régime de l’indivision soit pleine et entière soit démembrée. Il ne faut pas confondre l’indiv...
-
Taxe foncière et fixation du loyer du bail renouvelé : l’usage n’est pas la norme
Publié le : 02/05/2024 02 mai mai 05 2024Particuliers / Patrimoine / Immobilier / LogementEntreprises / Gestion de l'entreprise / Construction ImmobilierDans un arrêt non publié du 8 février 2024 (n° 22-24268), la Cour de Cassation rappelle deux principes qui s’appliquent dans le cadre de la fixation du loyer...