
Vente immobilière et rétractation : comment notifier sa volonté de se rétracter ?
Publié le :
14/06/2022
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La protection du consommateur est un désir constant de la société qui s’est traduite en règles juridiques dans tous domaines. Et s’il en est un particulièrement sensible dans un pays de propriétaires c’est bien la vente d’immeuble.L’un des moyens de cette protection, outre la nécessité d’un acte authentique censé apporter tout éclairage sur son engagement à l’acheteur particulier, est de lui accorder un délai de réflexion pendant lequel il peut revenir sur son engagement.
Encore faut-il que cela lui soit signifié et qu’il puisse faire connaitre suffisamment clairement et efficacement sa décision car le vendeur, notamment particulier, ne doit pas voir son bien immobilisé.
Par le support du Code de la construction et de l’Habitation (et non celui du Code de la consommation ou même du Code civil) le législateur a, dans le dernier état du texte, accordé un délai de dix jours à compter la vente à l’acquéreur pour se rétracter de son engagement d’achat. L’article L. 271-1 dudit code fait partir ce délai qu’il institue de la réception de la lettre recommandée lui notifiant cette faculté et ce délai.
A partir de là par le même moyen l’acquéreur peut à son tour notifier dans le délai prescrit sa rétractation.
Ce texte a été source de jurisprudence relativement au point de départ du délai, à l’acte source de rétractation, à la forme de la notification de la faculté de rétractation et à la certitude de sa connaissance par le destinataire et à la forme de la rétractation et la certitude de sa connaissance par le vendeur.
L’article L 271-1 du CCH en son premier alinéa pose le principe : « Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte. »
Le principe est clair :
Il faut un acte de transfert de propriété d’un bien à usage d’habitation au profit d’un consommateur. Cela concerne aussi les promesses (alinéa 4 du même article). Quant à l’habitation la désignation dans l’acte de l’immeuble étant comme tel suffit pour déclencher le droit de rétractation, peu important l’usage effectif (Cass. civ. 3, 12 octobre 2017, n° 16-22.416, FS-P+B+I).Et la notification à un seul acquéreur profite à tous les co-acquéreurs et si celui-là se rétracte cela vaut pour celui-ci (Cass. civ. 3, 4 décembre 2013, n° 12-27.293, FS-P+B+R+I, pour le cas d’un époux en communauté signant seul l’accusé de réception et seul se rétractant).
Encore faut-il que l’acquéreur soit prévenu de cette faculté et là le même article y pourvoit : « Cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. » L’expression « tout moyen équivalent » est susceptible d’interprétation jurisprudentielle.
Mais déjà la lettre recommandée pose problème :
Quand l’accusé de réception porte une signature qui n’est pas celle du destinataire acquéreur ce qui peut se prouver facilement et que le signataire réel n’a pas de mandat dudit acquéreur, ce qui peut se prouver aussi, la Cour de cassation juge que la notification n’est pas régulière et n’a pas fait partir le délai de rétractation. (Cass. civ. 3, 12 oct. 2017 ci-dessus).A partir du moment où la faculté de rétractation est ouverte le bénéficiaire peut l’exercer selon les mêmes formes (même article 2° alinéa, seconde phrase : « La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes. »)
Les difficultés des lettres recommandées et de leur réception seront les mêmes, la discussion sur tout autre moyen équivalent se retrouvent.
Sur ce dernier point un arrêt de la Chambre civile 3, du 2 février 2022, n° 20-23.468, est à remarquer en ce qu’il valide un courriel considéré comme « apportant des garanties équivalentes pour la date de réception ou de remise ».
Cette audace « moderniste » est à tempérer en l’espèce parce que le notaire mandaté par le vendeur pour recevoir la rétractation éventuelle a attesté en justice avoir bien reçu le courriel.
En effet la cour d’appel avait jugé que le courriel ne présentait pas les garanties nécessaires ne permettant pas de certifier la qualité de l’expéditeur ni du destinataire et ne certifiant pas la date. Pour elle un courriel ne peut être assimilé à une lettre recommandée électronique elle-même reconnue par la loi du 7 octobre 2016 et son décret d'application du 9 mai 2018 équivalente à la lettre recommandée postale papier.
En conclusion l’existence d’un droit n’est effective que s’il est dûment porté à la connaissance de son titulaire et son exercice n’est valide que si là aussi le destinataire est bien réceptionnaire de la volonté d’exercice dudit titulaire.
Les autres moyens : le courriel
L’apport de la certification de la réception par un tiers ; ici le notaire (sans que sa constatation soit authentique la preuve contraire pouvant être apportée (comment ?)L’ARRÊT COMMENTÉ COUR DE CASSATION DEVENUE RÉALISTE.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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