Dissimulation d’un cumul d’emplois par le salarié : quelle sanction ?
Publié le :
13/11/2018
13
novembre
nov.
11
2018
Un salarié peut être titulaire de plusieurs contrats de travail et travailler ainsi pour plusieurs employeurs.
En effet, le cumul d’emplois est possible s’il ne conduit pas à une violation par le salarié des obligations de loyauté, de confidentialité et de non-concurrence et sous réserve de respecter les durées maximales de travail prévues à l’article L. 8261-1 du code du travail, à savoir :
- 10 heures par jour (art. L. 3121-18 du code du travail) ;
- 48 heures par semaine et, en tout état de cause, 44 heures sur douze semaines consécutives (art. L. 3121-20 et art. L. 3121-22 du code du travail).
Les dispositions du code du travail autorisent cependant le salarié à cumuler plusieurs activités, sans contrainte de limitation de durée, avec :
- des travaux d'ordre scientifique, littéraire ou artistique et des concours apportés aux œuvres d'intérêt général, notamment d'enseignement, d'éducation ou de bienfaisance ;
- des travaux effectués pour son propre compte ou à titre gratuit sous forme d'une entraide bénévole ;
- des travaux ménagers de peu d'importance effectués chez des particuliers pour leurs besoins personnels ;
- des travaux d'extrême urgence dont l'exécution immédiate est nécessaire pour prévenir des accidents imminents ou organiser des mesures de sauvetage (C. trav., art. L. 8261-3).
En dehors de ces quatre exceptions, lorsque le salarié cumule plusieurs emplois et que ces activités multiples entrainent un dépassement des durées maximales de travail autorisées, l'employeur peut être condamné à une amende de 1 500 euros, portée à 3 000 euros en cas de récidive (art. R. 8262-2 du code du travail).
Le salarié qui conclut un second contrat de travail entrainant le dépassement de ces durées légales peut également être condamné à payer cette amende (art. R. 8262-1 du code du travail).
Il appartient à l’employeur, au moment de l’embauche de s’assurer que le salarié n’exerce pas déjà une seconde activité qui entrainerait le dépassement des durées maximales.
Et réciproquement, le salarié doit tenir à la disposition de l’employeur qui le demande tous les documents lui permettant de s’assurer du respect de ces durées maximales.
Le salarié commet une faute grave justifiant un licenciement s’il refuse de transmettre lesdits documents à son employeur.
C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans son arrêt du 20 juin 2018 (Cass. Soc., 20 juin 2018, 16-21811) :
« Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé qu'il était constant que le contrat de travail conclu avec la société GSF Orion n'avait pas été rompu, la salariée soutenant même dans son courrier du 16 septembre 2013 que le maintien de cet emploi constituait une sécurité pour elle et que le refus de communiquer son contrat de travail et ses bulletins de paie ne permettait pas à l'employeur de remplir son obligation de s'assurer que la durée hebdomadaire maximale de travail n'était pas habituellement dépassée a fait ressortir que la salariée avait commis une faute rendant impossible son maintien dans l'entreprise et justifié ainsi légalement sa décision ; »
La Cour de cassation a toujours jugé que le cumul d’emplois irrégulier ne constituait pas en soi une cause de licenciement (Cass. Soc., 9 décembre 1998, n°96-41.911).
Initialement, pour caractériser la faute grave en pareil cas, les juges décidaient que c’était l'inertie du salarié refusant de se plier aux injonctions de l'employeur (de quitter l’un de ses emplois) qui justifiait son licenciement (Cass. Soc., 31 janvier 1996, n°92-40.944).
Puis, plus récemment, la Haute Cour jugeait que la faute grave était caractérisée lorsque le salarié, malgré plusieurs demandes de son employeur, n’avait pas remis tout ou partie des documents permettant de vérifier la durée totale du travail, alors qu’il dépassait la durée maximale, mettant ainsi son employeur en situation d'infraction (Cass. Soc., 19 mai 2010, n°09-40923).
Ainsi, si le cumul d’emplois irrégulier ne constituait pas en soi une cause de licenciement, il participait toujours de la faute grave.
Dans l’arrêt de juin 2018, contrairement aux décisions précitées, les durées maximales n’avaient pas été dépassées puisque la salariée avait effectué une durée moyenne de travail de 47 heures par semaine au cours du mois de janvier 2013 et des 10 premiers jours du mois de février 2013.
Dès lors, il apparait que le dépassement des durées maximales n’est plus pris en compte par la Cour de cassation dans la caractérisation de la faute grave.
Le licenciement repose en effet, uniquement, sur le fait que la salariée avait refusé de communiquer à son employeur son second contrat de travail et ses bulletins de salaire lui permettant de vérifier les durées du travail.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
ANTOINE Alain
Avocat Associé
Alain ANTOINE
SAINT-PAUL (974)
Historique
-
Licenciement : des propos répétés, à caractère raciste et/ou dégradants sont-ils une faute grave ?
Publié le : 09/05/2019 09 mai mai 05 2019Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionEntreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementLe licenciement pour faute grave est la procédure de licenciement pour faute qui entraine le départ immédiat du salarié. Cette faute va notamment avoir...
-
Quels types de démissions peuvent donner droit aux allocations chômage ?
Publié le : 07/03/2019 07 mars mars 03 2019Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionLe bénéfice des allocations chômages est en principe ouvert aux personnes qui ont quitté leur emploi involontairement. Le fait de quitter son emploi volont...
-
Une résistance en marche des Juridictions Prud'Homales quant à la question des plafonnements des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Publié le : 18/01/2019 18 janvier janv. 01 2019Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionEntreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementL'article L 1235-3 du Code du Travail prévoit qu'en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de...
-
Le plafonnement des indemnités prud'homales est-il conforme au droit ?
Publié le : 19/12/2018 19 décembre déc. 12 2018Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionEntreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementLes premières décisions concernant la conformité au droit des barèmes d’indemnisation devant les conseils de prud’hommes instaurés par les ordonnances Macr...
-
Dissimulation d’un cumul d’emplois par le salarié : quelle sanction ?
Publié le : 13/11/2018 13 novembre nov. 11 2018Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionEntreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementUn salarié peut être titulaire de plusieurs contrats de travail et travailler ainsi pour plusieurs employeurs. En effet, le cumul d’emplois est possible...
-
Facebook et la liberté d’expression des salariés
Publié le : 09/11/2018 09 novembre nov. 11 2018Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionEntreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementLorsque les propos sont diffusés sur un espace privé, ils ne peuvent pas être invoqués par l’employeur à l’appui d’un licenciement disciplinaire car ils so...
-
Un employeur peut-il consulter les informations diffusées par un salarié sur le compte privé d'un réseau social ?
Publié le : 02/05/2018 02 mai mai 05 2018Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionLa Cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 2017, estime qu’un employeur a porté atteinte à la vie privée d’une salariée en accédant à son compte Fac...