Le statut juridique des jeux vidéo : épilogue
Publié le :
06/08/2009
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Il convient de rappeler que le statut juridique du jeu vidéo est loin de faire l’unanimité et que la jurisprudence oscillait jusqu’alors entre une conception unitaire et une conception distributive.
Les jeux vidéos« Aujourd'hui, le mot d’ordre c’est : surtout n’allez pas produire en France, parce que vous serez en état d’insécurité juridique. Résultat, on va développer en France et ensuite on va produire ailleurs. »
Ce cri d’alarme lancé par Jean-Claude Larue, Délégué général du SELL traduit de manière pour le moins explicite les conséquences liées aux incertitudes concernant le statut juridique du jeu vidéo.
Celui-ci est relayé par Nicolas Gaume, Président du SNJV qui lui, considère que « En matière de propriété intellectuelle, le constat actuel plonge le secteur dans une insécurité économique. Le jeu vidéo est un ensemble hétéroclite d’images, de sons, d’interactions. Pour l’instant, il n'y a pas de statut juridique, mais des jurisprudences contradictoires » .
C’est ainsi que le débat relatif au statut juridique du jeu vidéo a été planté lors des 3èmes Assises du jeu vidéo qui se sont tenues le 30 avril au palais Bourbon.
Et ce n’est pas l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 juin 2009 qui viendra rassurer l’ensemble des acteurs de l’industrie du jeu vidéo.
Il convient de rappeler que le statut juridique du jeu vidéo est loin de faire l’unanimité et que la jurisprudence oscillait jusqu’alors entre une conception unitaire et une conception distributive. Pour les partisans de la première conception, le jeu vidéo constitue, par nature, une œuvre logicielle ou audiovisuelle. Pour le second courant de pensée, l’idée consiste à considérer plusieurs œuvres au sein d’un même jeu vidéo.
Jusqu’à présent, la possibilité de qualification juridique offerte au jeu vidéo était multiple : logiciel, œuvre audiovisuelle ou base de données quant à sa nature ; œuvre collective, de collaboration ou composite quant à son mode d’élaboration.
Les juridictions avaient tenté de répondre au débat doctrinal et contentieux qui en découlait : le jeu vidéo se voyait appliquer le régime du droit d’auteur comme une œuvre logicielle et qualifié d’œuvre collective. Le débat n’en était cependant pas éteint pour autant, la solution dégagée n’apparaissant que limitativement satisfaisante.
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 20 septembre 2007 n’était à ce titre pas passé inaperçu.
Rompant avec la jurisprudence antérieure tant sur la nature du jeu vidéo que sur son processus de création, la Cour d’appel de Paris avait écarté la qualification logicielle du jeu vidéo retenue dans l’arrêt MIDWAY en affirmant que le jeu vidéo ne saurait se réduire à une simple œuvre logicielle :
« …s’il est exact que le jeu vidéo comprend un tel outil (logiciel), il s’agit d’une œuvre de l’esprit complexe élaborée au moyen de cet outil avec un scénario, des images, des sons, des compositions musicales, etc… ; que les dispositions de l’article L.131-4 5° du code de la propriété intellectuelle ne sont donc pas applicables, les jeux vidéo édités par la société CRYO étant des œuvres « multimédia » qui ne se réduisent pas au logiciel qui permet leur exécution. »
Ce n’était pas sans rappeler la position qu’avait pris Conseil Supérieur de la propriété intellectuelle et artistique dans son Avis n°2005-1 relatif aux aspects juridiques des œuvres multimédias adopté le 7 décembre 2005 aux termes duquel il plaidait pour un régime juridique propre à l’œuvre multimédia cumulable avec les statuts propres à chacune des composantes de cette dernière.
La Cour d’appel de Paris avait ainsi favorisé la conception distributive du jeu vidéo au détriment de la conception unitaire jusqu’alors prôné par la Cour de cassation.
Mais ce n’était pas tout.
La Cour d’appel de Paris s’était également affranchie de la Cour de cassation en écartant la qualification d’œuvre collective. Dans son arrêt du 20 septembre 2007, la Cour d’appel de Paris qualifiait en effet le jeu vidéo d’œuvre de collaboration considérant « qu’il reste possible d’attribuer au compositeur ses droits d’auteur distincts sur cette œuvre qui, par rapport à ce dernier, est une œuvre de collaboration au sens des articles L.113-2 et L.113-3 du code de la propriété intellectuelle ».
Dans son arrêt du 25 juin 2009, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt précité, rompant ainsi avec sa jurisprudence antérieure sur le sujet. Elle confirme la position de la Cour d’appel à savoir que les jeux vidéo ne peuvent se voir appliquer dans leur ensemble le régime applicable aux logiciels et confirme ainsi le caractère multimédia de ses derniers.
La Cour confirme également l’approche distributive en justifiant cela par la nature complexe et composite de l’œuvre que constitue le jeu vidéo.
La Cour de Cassation vient ainsi affirmer que le jeu vidéo est une œuvre multimédia composite dont chaque élément identifiable doit être soumis à un régime propre en fonction de sa nature.
Au cas d’espèce, la Cour de cassation a isolé l’œuvre musicale incorporé dans le jeu vidéo et a confirmé qu’une telle incorporation était soumise au droit de reproduction mécanique dont l’exercice et la gestion sont confiés à la SESAM sur les œuvres du répertoire SACEM.
Si les jurisprudences françaises qui se succèdent ont le mérite de s’harmoniser, elles ne sont pas de nature à offrir « une solution simple et claire sur le cadre juridique actuel, qui n’offrait pas de solution simple et claire permettant la conciliation des différents intérêts, ni ne garantissait, du fait de son incertitude, ni les droits des auteurs ni la sécurité juridique des investisseurs » comme le préconisait le Conseil Supérieur de la propriété intellectuelle et artistique.
Outre qu’une telle décision est en totale contradiction avec les appels des professionnels du secteur souhaitant appliquer au jeu vidéo le statut de l’œuvre collective, elle n’est pas sans générer des interrogations sur le bien fondé de l’application des modes de calcul et barèmes SESAM à un tel support. Le fait de recourir à un minutage des œuvres musicales en ce qui concerne un support interactif peut en effet apparaître comme un non sens.
On ne peut ainsi que trop attendre de la consultation lancée par Nathalie Kosciusko-Morizet lors des troisièmes assises du jeu vidéo sur le statut juridique du jeu vidéo.
Le débat est ainsi loin d’être clos.
Cet article n'engage que son auteur.
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