
Actes de perquisition filmés par des journalistes et secret de l'enquête
Publié le :
25/01/2017
25
janvier
janv.
01
2017
Des enquêteurs ne peuvent sans conséquences pour la validité de leurs actes laisser filmer des actes de perquisition et de saisie par des journalistes.
Dans un arrêt du 10 janvier 2017 (Cass. crim ., 10 janvier 2017, arrêt n° 5994), la chambre criminelle de la Cour de cassation avait à se prononcer sur un arrêt de Cour d’appel ayant refusé d’annuler des actes de perquisition et d’enquête filmés par des journalistes de télévision.
La Cour d’appel avait, pour écarter les moyens de nullité qui lui était soumis, retenu que les images, présentées par le requérant à la Cour pour témoigner de l’enregistrement visuel et sonore de la perquisition par des journalistes, constituait de simples captures d’écran n’ayant pas de valeur probante et que les propos prêtés par le requérant au chef du service d’enquête et aux journalistes ne constituaient que des allégations ne suffisant pas à prouver une éventuelle violation du secret de l’enquête ou de l’instruction.
Mais la Cour de cassation censure cette motivation en retenant que les juges d’appel s’étaient déterminés sans visionner, comme ils y étaient invités par le requérant, le reportage litigieux, dont des captures d’écran portant le logo d’une chaîne de télévision figuraient en pièces jointes à la requête, accompagnées d’un lien hypertexte présenté comme permettant ce visionnage, ou sans ordonner la production du reportage sous une autre forme, à titre de vérifications et afin d’apprécier la légalité des conditions d’exécution des actes d’enquête.
L’insertion dans un mémoire d’un lien hypertexte autorisant le visionnage d’un enregistrement déterminant créée ainsi une obligation pour les juges d’examiner la valeur probante de de cet élément.
A défaut, des précisions suffisantes pour permettre à la Cour d’ordonner la production d’un enregistrement déterminant obligent les juges à rechercher cet élément pour apprécier la légalité des actes d’enquête.
La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle ensuite qu’au vu de l’article 11 du code de procédure pénale l’exécution d’une perquisition par un juge d’instruction ou un officier de police judiciaire en présence d’un journaliste, même lorsque ce journaliste a obtenu d’une autorité publique une autorisation à cette fin et qu’il en capte le déroulement par le son et l’image, constitue une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction concomitante portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne que cette enquête ou cette instruction concerne.
D’ailleurs, selon les articles 56 et 76 du code de procédure pénale, l’officier de police judiciaire est seul autorisé, lors d’une perquisition, à prendre connaissance des papiers, documents ou données trouvées sur place, avant de procéder à leur saisie.
Ainsi, dès lors qu’un journaliste, même muni d’une autorisation, a assisté à une perquisition au domicile d’une personne gardée à vue et a filmé cet acte, particulièrement lorsque la perquisition a permis l’appréhension de documents utiles à la manifestation de la vérité, visibles à l’image et qui ont été immédiatement saisis et placés sous scellés, la nullité des actes de perquisition et de saisie s’impose.
Cet article a été rédigé par François HONNORAT, avocat (Paris).
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Frédéric Prochasson
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