
Un médecin peut-il être responsable pour l’implantation d’une prothèse défectueuse ?
Publié le :
10/04/2020
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Un homme se fait poser en 2005 une prothèse de hanche. Deux ans après l’opération, le patient chute en raison de la rupture de la prothèse et conserve des séquelles de sa chute. Le patient décide alors d’assigner en responsabilité non seulement le producteur de la prothèse défaillante, mais également le chirurgien qui lui avait implanté la prothèse.
Le 4 octobre 2018, la Cour d’appel de Versailles déclare que seul le producteur de la prothèse pouvait être tenu responsable en considérant que le médecin ne pouvait être déclaré responsable en l’absence de faute de sa part.
Le producteur de la prothèse défaillante ainsi que le patient ont chacun formé un pourvoi à l’encontre de cette décision.
Le producteur de la prothèse invoquait le fait qu’aucun défaut inhérent à la prothèse n’avait été démontré par le patient et que l’obésité du patient était une cause de surcharge de la prothèse.
Le patient quant à lui estimait que la responsabilité du chirurgien devait être « encourue de plein droit en raison du défaut d'un produit de santé qu'il implante à son patient ».
La Cour de cassation, en rejetant les pourvois formés à la fois par le producteur de la prothèse et celui formé par le patient, réaffirme la responsabilité de plein droit du producteur d'un produit de santé défectueux et la nécessité d'établir la faute du professionnel de santé dans un établissement privé qui a fait usage de ce produit sur le patient.
La responsabilité de plein droit du producteur d’un dispositif médical défectueux :
La Cour de cassation a décidé de suivre la position de la Cour d’appel en rappelant qu’en droit français, il existe un régime spécial de responsabilité civile du fait des produits défectueux issu de la transposition de la directive n°85-374 du 25 juillet 1985.Ainsi, le fabricant ou producteur d’un dispositif médical défectueux est responsable de plein droit, c’est-à-dire que sa responsabilité n’est pas subordonnée à la détermination d’une faute.
En l’espèce, en se fondant sur les conclusions de l’expert médical, la rupture de la prothèse a provoqué la chute du patient. La rupture n'était pas imputable au surpoids de ce dernier, aucune erreur n'avait été commise dans le choix, la conception ou la pose de la prothèse qui ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre.
L’article 1245-6 du Code civil précise que si le producteur du dispositif médical défectueux ne peut être identifié, le fournisseur est alors responsable du défaut de sécurité du produit.
Le patient pouvait-il ainsi rechercher la responsabilité du chirurgien ?
L'exigence d'une faute du professionnel de santé :
L’article L. 1142-1 du Code de Santé Publique énonce quant à lui que : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé […] ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».L’alinéa 1er de cet article prévoit ainsi une exception au régime de la responsabilité pour faute des professionnels du fait des produits de santé défectueux.
La Cour de Cassation estime en l’espèce que le médecin ayant implanté la prothèse défectueuse pouvait ne pas être en mesure d’appréhender sa défectuosité dans les mêmes conditions que son producteur.
La Cour de cassation rappelle également qu’un régime d'indemnisation pour les victimes d'accidents médicaux non fautifs a été spécifiquement instauré.
La Cour de Cassation confirme sa jurisprudence antérieure selon laquelle la responsabilité des professionnels de santé et des établissements de santé privés ne peut être engagée que pour faute à l’exception de l’hypothèse où le producteur du produit ne pourrait être identifié conformément à l'article 1245-6 du Code civil.
La divergence avec la jurisprudence administrative :
La Cour de Cassation, en maintenant un régime pour faute du professionnel de santé, a ainsi souhaité éviter que le producteur du dispositif médical puisse bénéficier une meilleure protection juridique que le médecin ayant implanté ce dispositif médical.Les positions de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat divergent manifestement.
En effet, le Conseil d’Etat maintient le régime de responsabilité sans faute du service public hospitalier. Pour le Conseil d’Etat, un patient a la possibilité d’engager la responsabilité des établissements de santé publics lors de l’utilisation d’un dispositif médical défectueux, même en l’absence de faute, et sans préjudice des actions qui pourraient être exercées à l’encontre du producteur.
Cass. Civ. 1re, 26 février 2020, n°18-26256
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

VUCHER-BONDET Aurélie
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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