Le temps de trajet domicile / travail des salariés itinérants peut constituer un temps de travail effectif
Publié le :
30/01/2023
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Par un arrêt en date du 23 novembre 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence concernant le trajet domicile/travail des salariés itinérants.En l’espèce, un salarié commercial itinérant se rendait chez ses clients à l’aide du véhicule mis à disposition par son employeur. Au cours de ses trajets automobiles, ce salarié exerçait ses fonctions commerciales habituelles à l’aide de son téléphone professionnel en kit main libre. Une partie de ses communications téléphoniques professionnelles avaient lieu sur le chemin qui le menait de son domicile à son premier client puis de son dernier client à son domicile, sans faire l’objet d’une rémunération.
Ce salarié itinérant a alors demandé le paiement d’un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires correspondant à ses temps de trajets de début et fin de journée professionnelle.
En principe, le temps de déplacement pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas considéré comme du temps de travail effectif. En revanche, si ce temps dépasse le temps de trajet normal entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière.
Pour les salariés itinérants, jusqu’à présent, les juges considéraient donc que le temps nécessaire pour se rendre chez son premier client puis pour regagner son domicile en fin de journée constituait un simple temps de trajet au sens du Code du travail, et ne constituait donc pas du temps de travail effectif.
Cependant, pour la CJUE, l’interprétation de la directive 2003/88 amène à considérer que dans la mesure où les salariés itinérants n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, le temps de déplacement consacré aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier client désignés par leur employeur constitue du temps de travail.
La Cour de cassation (Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 20-21.924), confirmant la décision d’appel, s’aligne sur la jurisprudence européenne et considère que le temps de trajet des salariés itinérants peut désormais être qualifié de temps de travail effectif si, pendant ses trajets, le salarié doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Si tel n’est pas le cas, le salarié ne pourra prétendre qu’à une contrepartie financière ou en repos, lorsque ce temps de déplacement dépasse le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail.
En l’espèce, la Cour de cassation retient que le salarié avait à sa disposition un véhicule et un téléphone de la société avec kit main libre, qu’il était en mesure de fixer des rendez-vous, répondre à des appels, et qu’il avait en charge un secteur étendu, ne se rendant que rarement au siège.
Elle considère de fait que pendant les temps de trajet/déplacement entre le domicile et le premier /dernier client, le salarié devait se tenir à la disposition de son employeur.
Autrement dit, les temps de trajets des salariés itinérants doivent être rémunérés comme du temps de travail effectif et peuvent donc générer des heures supplémentaires.
Nous ne pouvons donc que conseiller aux employeurs de clarifier les modalités selon lesquelles ces temps de déplacement sont effectués afin d’éviter la requalification en heures supplémentaires.
Cet article n'engage que ses auteurs.
Auteurs
Audrey NIGON
Mathilde SCHOELER
Historique
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