
Bail commercial : le juge peut-il suspendre les effets d'une clause résolutoire en cas de manquement à une obligation d'exploitation ?
Publié le :
14/05/2025
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Dans une décision du 6 février 2025 (Cour de cassation, 3e chambre civile, n° 23-18.360), la Cour de cassation s’est prononcée sur la portée des pouvoirs conférés au juge par l’article L. 145-41 du Code de commerce, lequel autorise la suspension des effets d’une clause résolutoire insérée dans un contrat de bail commercial.
Le contexte :
La clause résolutoire est une stipulation par laquelle les parties conviennent qu’en cas d’inexécution de certaines obligations, le contrat sera résolu de plein droit, sans nécessité de décision judiciaire.En principe, le juge, s’il est saisi, n’exerce aucun pouvoir d’appréciation : il doit se limiter à constater (et non à prononcer) la résiliation si les manquements sont établis.
Cependant, un mécanisme protecteur prévu par l’article L. 145-41 du Code de commerce impose la délivrance préalable d’un commandement visant la clause résolutoire, laissant au débiteur un délai d’un mois pour régulariser sa situation.
Conformément aux articles L. 145-41 du Code de commerce et 1343-5 du Code civil, le juge peut, en accordant des délais de grâce, suspendre la réalisation des effets de la clause résolutoire.
L’article L. 145-41 dispose :
« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux [...] Les juges saisis d'une demande peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation [...]. »
La référence à l’article 1343-5 du Code civil (délais de paiement) pouvait laisser entendre que la suspension ne concernerait que les commandements pour non-paiement de loyers ou charges, à l’exclusion des autres manquements.
Le cas d’espèce :
Le bail commercial litigieux imposait une obligation d'ouverture et d'exploitation continue du fonds de commerce.La bailleresse, constatant la fermeture du commerce, a délivré un commandement de reprendre l’exploitation et a sollicité la constatation de la résiliation du bail.
Le locataire a demandé la suspension des effets de la clause. La cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté cette demande, considérant que l’article L. 145-41 ne s'appliquait qu’aux manquements liés au paiement des loyers ou des charges.
Question de droit :
Le litige portait sur l'interprétation de l'article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce : le juge peut-il suspendre les effets d'une clause résolutoire en cas de manquement à une obligation d'exploitation (et non seulement en cas de défaut de paiement des loyers et des charges) ?Solution et portée de la décision :
La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel, affirmant que la suspension est possible quel que soit le manquement reproché au preneur, y compris l'inexécution d'une obligation de faire.La cour d'appel a donc violé l'article L. 145-41 en refusant d'examiner la demande de suspension.
La solution est protectrice des intérêts du preneur : elle permet au juge de tenir compte des causes du manquement et de la bonne foi du locataire pour éviter une résiliation automatique potentiellement disproportionnée.
La Cour souligne que cette interprétation n'est pas nouvelle, se référant notamment aux arrêts :
- Cass. 3e civ., 15 janvier 1992, n°90-16.625 ;
- Cass. 3e civ., 27 octobre 1993, n°91-19.563.
Enfin, l’importance de la décision est marquée par la mention FS-B : arrêt rendu en formation de section et publié au Bulletin, ce qui renforce son autorité jurisprudentielle.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Nasser MERABET
Avocat Associé
Cabinet Conseil des Boucles de Seine – CCBS
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