Défense à une instance prud'homale: appréhension de documents de l'entreprise

Défense à une instance prud'homale: appréhension de documents de l'entreprise

Publié le : 27/09/2011 27 septembre sept. 09 2011

Le fait pour un salarié d’appréhender et de faire usage de documents et données appartenant à l’entreprise pour les besoins de l’instance prud’homale l’opposant à son employeur n’est ni un délit de vol ni un délit d’abus de confiance.

Appréhension par un salarié de documents et données de l'entreprise pour se défendre à une instance prud'homale : pas de délit de vol ni de délit d'abus de confiance
Le fait pour un salarié d’appréhender et de faire usage de documents et données appartenant à l’entreprise pour les besoins de l’instance prud’homale l’opposant à son employeur n’est ni un délit de vol ni un délit d’abus de confiance : la confirmation appuyée de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation.

Secret professionnel et protection du savoir-faire obligent ! Il est devenu classique et même essentiel pour garantir la compétitivité de l’entreprise que l’employeur insère dans les contrats de travail de son personnel une clause de confidentialité faisant interdiction au salarié signataire de collecter et de conserver des documents et données appartenant à l’entreprise, voire même obligeant ledit salarié, à la rupture du son contrat de travail, à restituer tous les documents et données dont il a pu prendre possession à l’occasion de l’exécution de ses fonctions salariales.

Cependant, lorsque la rupture du contrat de travail est intervenue dans des circonstances conflictuelles (ex. mesure de licenciement à l’initiative de l’employeur, prise d’acte de rupture par le salarié…) et que le salarié introduit une instance prud’homale à l’encontre de son employeur (par exemple pour tenter d’obtenir l’indemnisation des préjudices qu’il prétend avoir subi du fait de la rupture de son contrat de travail), ledit salarié est souvent tenté de conserver par devers-lui des documents et données appartenant à l’entreprise et de les produire à ladite instance prud’homale.

De telles appréhensions de documents et données appartenant à l’entreprise par des salariés apparaissent à première vue comme contraires aux clauses de confidentialité d’usage, et plus généralement à l’obligation légale de tout un chacun de respecter le secret professionnel, et ont naturellement conduit les entreprises concernées à déposer des plaintes pour vol et/ou abus de confiance à l’encontre des salariés intéressés.

Ayant eu à connaître de ce sujet particulièrement sensible, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, notamment par deux d’arrêts remarqués (Cass. Crim., 11 mai 2044, n° 03-80.254 ; Cass. Crim., 9 juin 2009, n° 08-86.843), a considéré qu’il n’est pas répréhensible pour un salarié d’appréhender des documents et données à son employeur et d’en faire usage à l’instance prud’homale l’opposant audit employeur à la triple condition :

1. qu’il s’agisse de documents et données dont le salarié a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ;

2. que les documents et données appréhendés soient strictement nécessaires à la défense des droits et intérêts du salarié dans le litige l’opposant à son employeur ;

3. que litige opposant le salarié à son employeur soit un litige prud’homal.

Cependant, ces deux arrêts précités de la Chambre Criminelle ont été rendus dans des instances dans lesquelles les salariés concernés étaient poursuivis du chef de délit de vol, et non du chef de délit d’abus de confiance.

L’interrogation demeurait donc de savoir si, dans le cadre du chef de délit d’abus de confiance, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation maintiendrait sa position.

Bien entendu, il ne s’agissait que d’une interrogation de principe tant il semblait peu probable, en considération des deux arrêts précités, que la Chambre Criminelle opte pour une solution radicalement différente dans le cadre du chef de délit d’abus de confiance.

Tout doute - si tant est qu’il pouvait y en avoir - est désormais levé, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, par un arrêt récent du 16 juin 2011 (n° 10-85.079), a étendu au chef de délit d’abus de confiance sa solution adoptée dans le cadre du chef de délit de vol en considérant que ne constitue pas le délit d’abus de confiance le fait pour un salarié qui « […], avisé du projet de son employeur de rompre son contrat de travail, a appréhendé des documents dont il avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et dont la production était strictement nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée peu après […] ».

Il y a également lieu de noter que cet arrêt du 16 juin 2011 de la Chambre Criminelle est référencé « FS-P+B+R+I », impliquant que la Chambre Criminelle, en formation de section (soit la plus étendue pour la Chambre), a souhaité une très large diffusion de cet arrêt, notamment sa publication au Bulletin des Arrêts de la Cour de Cassation, sur le site Internet de la Cour de Cassation et au Rapport Annuel de la Cour de Cassation.

Ainsi donc, les entreprises devront désormais composer avec cette solution jurisprudentielle.

Plus particulièrement, il appartiendra donc aux entreprises, qui souhaiteront limiter au maximum l’appréhension par leurs salariés de documents et données confidentiels et leur usage à des instances prud’homales, de mettre en place des sécurités matérielles et informatiques ainsi que des processus d’accréditations pour que leurs salariés ne puissent pas accéder librement à l’intégralité des documents et données de l’entreprise mais uniquement et seulement à ce qui leur est strictement nécessaire pour l’accomplissement de leurs fonctions.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Chlorophylle - Fotolia.com

Historique

  • L’obligation alimentaire des enfants envers leurs ascendants
    Publié le : 29/09/2011 29 septembre sept. 09 2011
    Particuliers / Famille / Enfants
    L’obligation alimentaire des enfants envers leurs ascendants
    Les enfants peuvent être tenus de verser des aliments à leur mère, leur père, leurs grands-mères, leurs grands-pères, voire leurs arrière-grands-parents... L...
  • Sous-louer un local commercial
    Publié le : 29/09/2011 29 septembre sept. 09 2011
    Entreprises / Gestion de l'entreprise / Construction Immobilier
    Sous-louer un local commercial
    Preneurs de locaux commerciaux, souvenez-vous : la sous-location est interdite sans autorisation du bailleur qui doit être appelé à concourir à l’acte.Les co...
  • Défense à une instance prud'homale: appréhension de documents de l'entreprise
    Publié le : 27/09/2011 27 septembre sept. 09 2011
    Entreprises / Gestion de l'entreprise / Gestion des risques et sécurité
    Défense à une instance prud'homale: appréhension de documents de l'entreprise
    Le fait pour un salarié d’appréhender et de faire usage de documents et données appartenant à l’entreprise pour les besoins de l’instance prud’homale l’oppos...
  • Emprunts toxiques des personnes publiques: enjeux et moyens d'action
    Publié le : 27/09/2011 27 septembre sept. 09 2011
    Collectivités / Finances locales / Fiscalité/ Gestion de fait/ Chambre des Comptes
    Emprunts toxiques des personnes publiques: enjeux et moyens d'action
    Les besoins de financement des collectivités locales/territoriales en conséquence notamment des nouveaux transferts de compétence, sont à l'origine d'une sit...
  • Publication de la seconde loi de finances rectificative pour 2011
    Publié le : 23/09/2011 23 septembre sept. 09 2011
    Collectivités / Finances locales / Fiscalité/ Gestion de fait/ Chambre des Comptes
    La deuxième loi de finances rectificative pour 2011 a été publiée au Journal Officiel du 20 septembre 2011.Loi de financesLa seconde loi de finances rectific...
  • Une liste anti-démarchage téléphonique
    Publié le : 21/09/2011 21 septembre sept. 09 2011
    Particuliers / Consommation / Informatique et Internet
    Une liste anti-démarchage téléphonique
    En ligne depuis quelques jours, le site Pacitel.fr permet aux particuliers de s’inscrire pour ne plus subir les désagréments du démarchage téléphonique.Pacit...
  • 35 euros pour saisir la justice à partir du 1er octobre 2011
    Publié le : 20/09/2011 20 septembre sept. 09 2011
    Particuliers / Civil / Pénal / Procédure pénale / Procédure civile
    35 euros pour saisir la justice à partir du 1er octobre 2011
    La loi de finance rectificative n° 2011-900 du 29 juillet 2011, dans son article 54 , crée une taxe de 35 euros pour toute nouvelle instance judiciaire en ma...
<< < ... 557 558 559 560 561 562 563 ... > >>
Navigateur non pris en charge

Le navigateur Internet Explorer que vous utilisez actuellement ne permet pas d'afficher ce site web correctement.

Nous vous conseillons de télécharger et d'utiliser un navigateur plus récent et sûr tel que Google Chrome, Microsoft Edge, Mozilla Firefox, ou Safari (pour Mac) par exemple.
OK