
Un forfait annuel en jours n'est pas synonyme de liberté totale
Publié le :
13/04/2022
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2022
L’article L.3121-58 du Code du travail dispose :
Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l'année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64 :
1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Le critère de l’autonomie des salariés dans l’organisation de l’emploi du temps s’avère donc indispensable pour recourir au forfait annuel en jours. A défaut, le salarié pourrait arguer de l’inopposabilité de son forfait annuel de jours et obtenir, le cas échéant, le paiement d’heures supplémentaires.
Cependant, cette autonomie ne signifie pas une totale indépendance et c’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 2 février 2022 (Cass. soc. 2 février 2022, n° 20-15744).
En l’espèce, la salariée devait respecter un planning fixé par l’employeur de demi-journées ou journées de présence, ce qui permettait à la clinique vétérinaire de fixer les rendez-vous avec la patientèle.
La salariée ne respectait pas son planning et a donc été licenciée pour faute grave. L’employeur faisait notamment valoir qu’il lui était impossible d’anticiper les présences et absences de la salariée et ainsi de fixer les rendez-vous à la patientèle puisqu’elle ne se présentait pas aux jours initialement prévus sur le planning.
Afin de contester son licenciement, la salariée justifiait qu’un « cadre au forfait-jours doit bénéficier d’une liberté dans l’organisation de son travail et ne peut donc se voir reprocher de ne pas avoir respecté un planning déterminé unilatéralement par son employeur ».
La Cour de cassation n’a pas été de cet avis, nonobstant la convention de forfait en jours dont la salariée bénéficiait, l’employeur était fondé à lui reprocher ses absences. A l’appui de sa décision, elle a tout particulièrement relevé la spécificité de l’activité de la clinique :
8. Ayant relevé que la fixation de demi-journées ou de journées de présence imposées par l'employeur en fonction des contraintes liées à l'activité de la clinique vétérinaire pour les rendez-vous donnés aux propriétaires des animaux soignés n'avait jamais empêché la salariée d'organiser, en dehors de ces contraintes, sa journée de travail comme bon lui semblait et qu'elle était libre de ses horaires et pouvait organiser ses interventions à sa guise, la cour d'appel a pu en déduire que, nonobstant la convention de forfait en jours dont elle bénéficiait, l'employeur était fondé à reprocher à l'intéressée ses absences.
La Cour de cassation admet ainsi que la nature de l’activité puisse autoriser l’employeur à imposer au salarié soumis au forfait annuel en jours un planning d’activité sans que cela ne remette en cause l’autonomie inhérente au forfait jours, dès lors qu’en dehors de ces contraintes, il jouit d’une autonomie dans son organisation.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Audrey NIGON
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