Le projet de loi pénitentiaire, ou un pas en avant... deux pas en arrière

Publié le : 25/02/2009 25 février févr. 02 2009

L'adoption du projet de loi pénitentiaire est de nature à conduire à l’amélioration, notamment en matière d’alternative à l’emprisonnement et d’aménagements de peines, de notre système pénal et carcéral.

Service pénitentiaire, conditions de la personne détenue et mesures alternativesLe 11 juillet 2007, à l'occasion de l'installation du Comité d'Orientation Restreint (COR), Madame le Garde des Sceaux évoquait :

"L'élaboration du projet d'une grande loi pénitentiaire, son souhait que le débat au parlement sur la loi pénitentiaire constitue un rendez-vous de la France avec ses prisons et qu'il marque un tournant dans l'histoire de la prison républicaine, sa totale détermination à avancer sur ce sujet et à doter enfin notre pays d'une loi fondatrice après celles
du 22 juin 1987 et du 9 septembre 2002".

Il s'agissait plus simplement de rendre notre législation conforme aux règles pénitentiaires européennes, règles inspirées par un objectif d'humanité, comme le soulignait encore tout récemment Madame Rachida DATI lors de son intervention du 23 septembre 2008 en présence des chefs d'établissements pénitentiaires.

Trois mois après cette déclaration généreuse et volontariste de notre Garde des Sceaux, un dessin de SERGUEI paru dans LE MONDE des dimanche 26 et lundi 27 octobre 2008 dit tout, ou presque, en quelques lignes et croquis, de l'évolution de la situation de la prison en France :

L'homme nu :
"Surpopulation, insalubrité, viols, suicides…
Sommes-nous dans un pays en guerre ?

Le gradé :
"Non monsieur. Nous sommes dans une prison française".

C'est un raccourci caricatural, naturellement, mais il est édifiant dans son exagération
même !

Les annonces politiques, si inspirées soient-elles, ne peuvent rien contre une réalité honteuse qui se traduit :

dans les établissements pénitentiaires par une succession d'évènements dramatiques : meurtres entre codétenus, suicides,

 par la condamnation de la France, par arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme du 15 octobre 2008 pour violation de l'article 2 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales "Droit à la vie" et de l'article 3 "Interdiction des traitements inhumains ou dégradants". (1)

Devant la Cour d'Appel de Douai le 13 octobre 2008, Madame le Garde des Sceaux expliquait :

"Agir pour la prison n'est pas un thème populaire".

Est-ce la raison pour laquelle le projet de loi pénitentiaire, initialement attendu pour la fin de l'année 2007 et présenté le 28 juillet 2008 au Conseil des Ministres, ne sera pas examiné par le Sénat avant les mois de janvier, voire février 2009 ? (2)

Même si ce projet est à bien des égards décevant, il importe qu'il ne se résume pas à un effet d'affichage et qu'il donne bientôt naissance à une loi. (3)

Il comporte 59 articles répartis en trois titres :

- le premier consacré au service public pénitentiaire et à la condition de la personne détenue (articles 1 à 30 inclus),

- le deuxième consacré au prononcé des peines, aux alternatives à la détention provisoire, aux aménagements des peines privatives de liberté et à la détention (articles 31 à 57 inclus),

- le troisième constitué de deux dispositions finales (article 58 et 59).


Le premier constat qui s'impose est que le législateur, contrairement à ce que préconisait le Comité d’Orientation Restreint, n’a pas souhaité mettre en chantier un code de l'exécution des sanctions pénales qui aurait permis de regrouper, en un ensemble cohérent, les dispositions relatives :

- tant au fonctionnement des établissements pénitentiaires,

- qu'aux droits et devoirs des détenus.

En réalité, le projet de loi pénitentiaire se borne de façon éparse :

- soit à ajouter à la réglementation existante,

- soit à la modifier.

Que convient-il de retenir des dispositions du projet qui s'articule principalement autour des deux premiers titres ?

I- Service public pénitentiaire et condition de la personne détenue
II- A propos du titre 2 sur le prononcé des peines, les mesures alternatives et la détention



I - Service public pénitentiaire et condition de la personne détenue

I.1 Le service public pénitentiaire

Définition

L’article 1er du projet de loi donne une nouvelle définition du service public pénitentiaire qui "participe à la préparation et à l’exécution des décisions pénales et des mesures de détentions. Il exerce une mission d’insertion et de probation. Il contribue à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation et l’aménagement des peines dans le respect des intérêts de la société et des droits des personnes détenues ".

Ainsi, le législateur affirme l'importance de l’insertion et de la réinsertion en en faisant l’une des missions privilégiées du service public pénitentiaire.

Pour garantir la bonne exécution des missions du personnel pénitentiaire, l’article 4 prévoit l’établissement, par décret en Conseil d’Etat :

- d’un code de déontologie des agents de l’administration pénitentiaire et des collaborateurs du service public pénitentiaire,

- ainsi que la rédaction d’un serment.

Ces dispositions vont au-delà de la portée symbolique : elles constituent des avancées positives qui permettront notamment de clarifier les relations entre l'administration pénitentiaire, les détenus et les auxiliaires de justice.

Naturellement, après l'adoption de la loi, il conviendra de montrer une très grande vigilance sur les modalités de rédaction et de mise en œuvre de ces projets…

La réserve civile pénitentiaire

L’article 6 du projet prévoit la création d’une réserve civile pénitentiaire "destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice et pouvant participer à des missions de coopération internationale ", réserve "exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps de l’administration pénitentiaire ".

Le bémol est que cette réserve civile pénitentiaire n'a qu'une visée sécuritaire et non de réinsertion…

Le contrôle et l'évaluation

L’article 28 du projet de loi prévoit que " Les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont tenus de communiquer au garde des sceaux, ministre de la justice, les éléments utiles au suivi de l’exécution des décisions pénales.

Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles ces collectivités participent aux instances chargées de l’évaluation du fonctionnement des établissements pénitentiaires ainsi que du suivi des politiques pénitentiaires ".


De prime abord, l’on ne peut que se réjouir de cette disposition qui met en place, parallèlement au regard extérieur du contrôleur général des lieux de privation de liberté, trois nouvelles instances chargées, quant à elles, de l’évaluation de l’action de l’administration pénitentiaire savoir :

- un conseil d’évaluation institué auprès de chaque établissement pénitentiaire aux lieu et place de la commission de surveillance,

- une commission de suivi des politiques pénitentiaires instituée dans chaque département,

- un observatoire national de l’exécution des décisions pénales de la récidive qui sera chargé de collecter et d’évaluer, au niveau national, toutes les données statistiques relatives à l’exécution des décisions de justice en matière pénale.

Mais la satisfaction est de courte durée puisque le contenu du texte est très en retrait par rapport aux motifs du projet de loi.

En effet, l'article 28 est loin d'être précis (!) d'une part et, d'autre part, si la mise en place de ces instances peut constituer une avancée, il conviendra de veiller à ce que des membres de nos institutions représentatives figurent dans leur composition, notamment dans celle du conseil d’évaluation installé auprès de chaque établissement pénitentiaire et qui est destiné à remplacer l'actuelle commission de surveillance, grande réunion annuelle rituelle dont le rôle se borne souvent à de douloureux constats…


I.2 Les droits des détenus

L'article 10 affirme qu’ils "ne peuvent faire l’objet d’autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à leur détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention des infractions et de la protection de l’intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l’âge, de la personnalité et de la dangerosité des détenus".

Nous sommes bien loin, et c'est regrettable, de la formule préconisée par la Commission Nationale constitutive des droits de l'homme qui appelait de ses vœux la définition suivante :

" L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne ".

Insidieusement, c'est un changement de philosophie puisque le projet de loi ne fait qu'énoncer différents "droits particuliers" ouverts aux détenus, droits qui ne sont jamais absolus et qui cèdent devant des "traitements d'exception" décidés par l'administration pénitentiaire, non au regard de critères précis mais en considération de la condition de prisonnier…

C'est là une philosophie qui est à l'opposé de la philosophie du droit commun…

Ainsi en est-il :

- des droits civiques et sociaux, savoir :

> le droit pour les détenus ne disposant pas d’un domicile personnel d’élire domicile auprès de l’établissement pénitentiaire pour l’exercice de leurs droits civiques ou pour pouvoir bénéficier des prestations légales d’aide sociale dispensées par les départements (article 12),

> le droit pour les détenus de recevoir de l’Etat une aide en nature destinée à améliorer leurs conditions matérielles d’existence (article 13),

les promesses du Garde des Sceaux du 10 juin 2008 de fournir aux détenus les plus démunis une allocation égale à 15 % du revenu minimum d'insertion étant "passées à la trappe",

> le droit pour les détenus, lorsqu’ils participent aux activités professionnelles organisées par les établissements pénitentiaires, de bénéficier d’un acte d’engagement énonçant leurs conditions de travail et de rémunération et précisant les droits et obligations professionnelles qu’ils doivent respecter sous peine de suspension ou d’interruption de l’activité de travail (article 14).

Là encore, le projet de loi est timoré.

La référence à l' " acte d’engagement professionnel" ne permet pas, en effet, le respect de la législation du droit du travail.

S'il est effectivement difficile d'appliquer strictement le droit de travail tel qu’il existe dans la société civile (sous peine de voir disparaître toute proposition de travail en établissement pénitentiaire puisque l’attrait de cette fourniture de main d’œuvre est sa faible rémunération), l'on pourrait, suivant en cela l'exemple de certains de nos voisins européens (Allemagne et Angleterre notamment), opter pour un contrat de travail spécifique aux détenus.

- du droit à la vie privée et familiale et aux relations avec l’extérieur, savoir :

> le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille par le biais soit de visites (sauf refus, suspension ou retrait pour des motifs liés au maintien de l’ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions) soit, pour les condamnés, par le biais de permissions de sortie (article 15),

> le droit des détenus, avec l’autorisation de l’autorité judiciaire et sous le contrôle de cette dernière, de téléphoner aux membres de leur famille ou à d’autres personnes lorsqu’il s’agit de préparer leur réinsertion (article 16),

> le droit de correspondance par écrit des détenus, sauf opposition de l’autorité judiciaire (article 17),

> le droit pour les détenus de s’opposer à la diffusion ou à l’utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification (article 18),

- du droit à l’information, les détenus ayant accès aux publications écrites ou audiovisuelles, étant précisé toutefois que l’autorité administrative peut interdire cet accès si ces publications contiennent des menaces contre la sécurité des personnes et des établissements ou des propos ou signes injurieux ou outrageants à l’encontre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire (article 19),

- du droit à la santé (articles 20 à 22).

Il s'agit donc d'une définition "étriquée" de droits particuliers, tous soumis à suspension ou suppression au nom d'impératifs de sécurité.

S'agissant des mineurs détenus, l'article 25 du projet leur réserve la garantie, par l'administration pénitentiaire, du respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant, disposition intéressante au moment où le Conseil d'Etat, par un arrêt du 31 octobre 2008, annule le décret du 21 mars 2006 relatif à l'isolement des mineurs comme n'offrant pas, au regard du respect des droits de l'enfant, de garanties suffisantes faute de comporter des modalités spécifiques d'isolement par rapport à celui des majeurs…

Biens et valeurs pécuniaires

S’agissant des biens et des valeurs pécuniaires abandonnés par les détenus à leur libération, l’article 23 prévoit qu’ils doivent être conservés par l’établissement pénitentiaire pendant une durée d’une année.

A l’issue de cette période, les valeurs pécuniaires non réclamées sont remises à la Caisse des dépôts et consignations tandis que les biens sont remis à l’autorité compétente de l’Etat aux fins d’être mis en vente.

C’est seulement si le propriétaire ne se manifeste pas, dans un délai de cinq ans à compter de la remise ou de la cession, que les valeurs pécuniaires ou produits de la vente des biens sont acquis de plein droit au Trésor public.

Sur les fouilles

L’article 24 dispose que, s’agissant des fouilles, leur nature et leur fréquence "sont adaptées aux circonstances de la vie en détention, à la personnalité des détenus et aux risques que leur comportement fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l’ordre dans les établissements ".

Le texte précise par ailleurs que "La fouille des détenus est effectuée dans le respect de la dignité de la personne humaine. Une investigation corporelle interne ne peut être réalisée que par un médecin".

Sur le plan symbolique, il importe de relever que c’est là la seule disposition du projet de loi qui fait référence à la " dignité ", dignité qui apparaissait pourtant, dans l'intervention de Madame le Garde des Sceaux du 23 septembre 2008 devant les chefs d'établissements pénitentiaires, comme un principe préalable et essentiel (4):

"Les détenus qui nous sont confiés doivent être traités avec dignité ", principe que le ministre réaffirmait, le 13 octobre 2008, en déclarant :

"Nous devons faire des prisons des espaces de droit et de dignité ".

Mais cette "revendication" paraît bien fragile au regard du flou qui préside à la définition des critères qui permettent à l'administration pénitentiaire de déterminer souverainement la nature et la fréquence des fouilles au regard "des circonstances", de la "personnalité" et des "risques" tels qu'évalués, tout aussi unilatéralement, par cette administration.


II – A propos du titre 2 sur le prononcé des peines, les mesures alternatives et la détention


Il s'agit, c'est l'avis quasi unanime des commentateurs, du volet le moins décevant du projet de loi pénitentiaire.

Mais c'est également à travers ce chapitre du projet que l'on mesure la "schizophrénie" qui règne au niveau politique s'agissant de cette question carcérale, le phénomène de la surpopulation étant bien loin d'être éradiqué (5)!

En effet, c'est un an après la promulgation de la loi sur les peines planchers, qui "remplit" les prisons, que survient ce projet de texte dans lequel le législateur explique qu'une plus grande place est accordée aux mesures alternatives à l'emprisonnement et aux aménagements de peine et ce, tant dans la phase antérieure au jugement, qu’au moment du prononcé de la décision qu’enfin lors de l’application des peines.

On a le sentiment qu'il y a là une amorce de "réduction" des effets pervers des peines plancher sur la population carcérale !

Mais, toujours "empêtré" dans ses contradictions, le législateur ne va pas jusqu'au bout du raisonnement :

- ni dans la définition de la peine d'emprisonnement ferme,

- ni même dans la portée des mesures alternatives.

II.1 La peine d'emprisonnement ferme

S’agissant du prononcé d’une peine privative de liberté, l’article 32 prévoit que :

" L’article 132-24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

" En matière correctionnelle, une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée que si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et que toute autre sanction serait manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d’emprisonnement doit dans la mesure du possible, lorsque les conditions légales le permettent, faire l’objet d’un placement sous surveillance électronique ou d’une des autres mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 ",

La notion de l'incarcération, telle qu'elle était présentée dans l'exposé des motifs du projet de loi comme "le dernier recours", n'a donc pas été reprise.

Où est, de surcroît, la cohérence du principe ainsi posé avec l'application des peines plancher et les instructions récemment données par Madame le Garde des Sceaux aux Procureurs de la République d'interjeter systématiquement appel des décisions qui ne feraient pas application de ce dispositif ?

II.2 Les mesures alternatives

Dans la phase procédurale antérieure au jugement,

L’article 37 du projet de loi, s’il réaffirme le principe selon lequel "Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre pendant le déroulement de l’information ", prévoit toutefois que, pour les nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, la personne peut :

- être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire,

- si le contrôle judiciaire est insuffisant et la peine encourue est d’au moins deux ans, être assignée à résidence avec surveillance électronique pour une durée qui ne peut excéder 6 mois (durée totale maximale : 2 ans),

- à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire.

L’assignation à résidence avec surveillance électronique, qui oblige la personne à demeurer dans son domicile ou dans sa résidence fixée par le juge d’instruction ou le Juge des Libertés et de la détention (après un débat contradictoire) et de ne s’en absenter qu’aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat, constitue une nouvelle alternative à la détention provisoire.

Il est à noter que cette mesure peut être prononcée, sans débat contradictoire, par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté.

Le législateur a précisé que la personne assignée à résidence a droit, en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement, à la réparation du préjudice subi tandis qu’en cas de condamnation, l’assignation à résidence avec surveillance électronique est assimilée à une détention provisoire pour son imputation sur une peine privative de liberté.

L’assignation à résidence avec surveillance électronique apparaît comme une mesure phare du projet de loi et traduit, selon Madame le Garde des sceaux, "une approche nouvelle et moderne du concept de la prison hors des murs et sous contrôle (6)" .

Toutefois, cette mesure ne sera efficace que si l’Etat fournit aux Juges de l'Application des Peines et aux personnels d’insertion et de probation des moyens suffisants pour permettre sa mise en place et son développement (pour mémoire 3 000 personnels d’insertion et de probation, soit 10 % du personnel pénitentiaire suivent aujourd’hui avec difficultés 148 000 personnes sous main de justice et 64 000 détenus !)… même s’il est vrai que les orientations budgétaires pluriannuelles pour la période 2009/2011 semblent prévoir une augmentation du nombre de bracelets électroniques d’environ 2500 par an au cours des prochaines années.

L’on peut, enfin, s’interroger sur les conséquences d’une telle mesure sur l’état psychologique de la personne assignée : faire du domicile, lieu de l’intimité, de la famille, un lieu de privation de liberté n’est pas dénué de risques…

A l'occasion du prononcé de la décision,

L’article 38 du projet de loi apparaît novateur puisqu’il prévoit de compléter l’article 707 du Code de procédure pénale qui énonce notamment " L’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits de la victime, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive » de la manière suivante : « A cette fin, les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d’exécution si la personnalité et la situation du condamné ou leur évolution le permettent ".

C’est ainsi qu’en vertu de l’article 33 du projet, la juridiction de jugement, qui prononce soit une peine égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement soit une peine d’emprisonnement partiellement assortie du sursis ou du sursis avec mise à l’épreuve lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans, peut décider que cette peine sera exécutée :

- sous le régime de la semi-liberté,

- sous le régime du placement sous surveillance électronique à l’égard du condamné qui justifie :

> soit de l’exercice d’une activité professionnelle, d’un stage ou d’un emploi temporaire ou de son assiduité à un enseignement, à la recherche d’un emploi ou à une formation professionnelle,

> soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille,

> soit de la nécessité de suivre un traitement médical,

> soit de tout autre projet sérieux d’insertion ou de réinsertion.

A travers ces dispositions, le rôle de l’avocat est promis à une évolution considérable puisqu’à l’audience de jugement, il pourra obtenir un aménagement de la peine et devra donc, pour cette échéance, dans les intérêts de son client, constituer un dossier de personnalité et d’insertion.

De même, lorsqu’un avocat suggérera le prononcé d'une peine d'emprisonnement inférieure à deux années, il lui appartiendra d’en proposer les modalités au Juge.


Au stade de l’application des peines,

Le projet de loi prévoit l’extension de certaines mesures d’aménagement de peines.

Ainsi :

- la possibilité, en matière correctionnelle, de suspendre ou fractionner des peines privatives de liberté est étendue à toute personne condamnée dont la peine restant à subir est inférieure ou égale à deux ans (article 44),

- en cas de condamnation assortie d’une période de sûreté d’une durée supérieure à quinze ans, une libération conditionnelle pourra être accordée au condamné qui a été placé pendant une période d’un an à trois ans sous le régime de la semi-liberté ou de la surveillance électronique mobile (article 45),

- le juge de l’application des peines peut prévoir que la peine s’exécutera sous le régime de la semi-liberté lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans (article 46),

- le juge de l’application des peines peut prévoir que la peine s’exécutera sous le régime du placement sous surveillance électronique soit en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans, soit lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans, soit lorsque le condamné a été admis au bénéfice de la libération conditionnelle, sous la condition d’avoir été soumis à titre probatoire au régime du placement sous surveillance électronique pour une durée n’excédant pas deux ans (article 46),

- la libération conditionnelle peut être accordée à un condamné âgé de plus de 75 ans dès lors que son insertion ou sa réinsertion est assurée sans qu’il soit tenu compte des durées de peine accomplies et restant à accomplir, sauf si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public (article 47).

Désormais, le juge de l'application des peines, lorsqu’il se prononcera sur la mise en place de mesures de placement à l’extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et suspension des peines, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle, pourra, si la complexité de l’affaire le justifie, d’office ou à la demande du condamné ou du ministère public, renvoyer le jugement de l’affaire devant le tribunal d’application des peines
(article 40).

Par ailleurs, le juge de l’application des peines pourra, lorsqu’il se prononcera sur l’octroi des mesures susvisées (article 43) :

- relever le condamné, sur sa demande, en tout ou partie, y compris en ce qui concerne la durée, d’une interdiction professionnelle résultant de plein droit d’une condamnation pénale ou prononcée à titre de peine complémentaire,

- exclure la condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Toujours, s’agissant de l’application des peines, le projet de loi a prévu la mise en place de procédures simplifiées d’aménagement des peines permettant l’octroi d’un aménagement sans débat contradictoire (article 48).

L’absence de débat contradictoire n’est pas acceptable et c’est donc de façon totalement justifiée que l’Ordre des avocats de PARIS a demandé que la procédure administrative d’aménagement de peine créée par les articles 723-19 et 723-20 soit remplacée par une procédure judiciaire contradictoire.


II.3 La détention

Les articles 49 à 53 du projet de loi sont consacrés au régime de détention.

Exit le principe de l’encellulement individuel (article 49) qui devait devenir réalité en 2008 et dont la mise en œuvre s'est heurtée, comme en 2003, lors de l'adoption de la loi
du 12 juin 2003, à la dure réalité de la surpopulation carcérale !

Il est cependant précisé que les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire qui en font la demande sont placés en cellule individuelle sauf :

- si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu’elles ne soient pas laissées seules,

- si elles ont été autorisées à travailler, ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent.

Alors que la surpopulation carcérale (63 185 personnes détenues au 1er octobre 2008) est, une nouvelle fois, d'une actualité brûlante, le législateur, pour tenter de faire bonne figure, a jugé utile de préciser : "Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des détenus qui y sont hébergés. Ceux-ci doivent être aptes à cohabiter et leur sécurité doit être assurée ".

La notion de dignité a disparu…

L’article 51 du projet de loi prévoit, pour les personnes définitivement condamnées, l’élaboration, par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, d’un parcours d’exécution de la peine qui sera précédé d’un bilan de personnalité établi à l’issue d’une période d’observation.

Enfin, l’article 53 renvoie à un décret en Conseil d’Etat pour la détermination du régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté.

Sur ce chapitre, une avancée majeure survient puisque le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent plus excéder 21 jours, cette durée pouvant toutefois être portée à 40 jours pour tout acte de violence physique contre les personnes.

Là encore le combat reste cependant d'actualité puisque, même à l'aune de ces nouvelles dispositions, la FRANCE demeurerait l’un des pays d’Europe où ces durées sont les plus importantes.


* *
*


Si bien l'adoption du projet de loi pénitentiaire est de nature à conduire à l’amélioration, notamment en matière d’alternative à l’emprisonnement et d’aménagements de peines, de notre système pénal et carcéral , le texte n’en reste pas moins globalement décevant…

La grande loi pénitentiaire annoncée n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir…

Mais ne perdons pas espoir !

Ce projet n’est peut-être qu’une étape vers l’adoption d’une loi pénitentiaire plus ambitieuse et, par la multiplication des regards qu'il met en place sur l'action de l'administration pénitentiaire, il contient les prémices d'une évolution espérée qui correspondrait au vœu émis par l’Assemblée Nationale dans le rapport intitulé "La France face à ses prisons " :

"On ne peut imaginer qu’il y ait deux qualités de normes selon qu’il s’agit d’un citoyen libre ou d’un citoyen détenu. La garantie des droits est la même, le détenu n’étant privé que de sa liberté d’aller et de venir ".


Christine VISIER-PHILIPPE
Membre de la Commission Pénale du Bureau de la Conférence des Bâtonniers

Le 30 octobre 2008


Index:
1 CEDH, 16 oct. 2008, req. n° 5608/05, R. c/France.
2 Ordre du jour prévisionnel pour la période d’octobre 2008 à février 2009 publié sur le site www. Senat.fr.
3 Article paru dans Libération du 22 septembre 2008 "Prisons, un effet d'affichage" par Elisabeth GUIGOU
4 Texte de son intervention du 23 septembre 2008 en présence des chefs d'établissements pénitentiaires
5 Communiqué du Syndicat de la magistrature "Loi pénitentiaire : des avancées en trompe l'œil" sur son site internet www.syndicat-magistrature.org.
6 Discours du 13 octobre 2008 devant la Cour d’Appel de DOUAI.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

VISIER-PHILIPPE Christine

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