Maîtriser sa responsabilité grâce à l'acte d'avocat

Maîtriser sa responsabilité grâce à l'acte d'avocat

Publié le : 26/10/2011 26 octobre oct. 10 2011

La solennité qui entoure l’acte d’avocat facilite l’exécution du devoir de conseil et va dans le sens d’une plus grande sécurité juridique que ce soit pour l’avocat, pour le client, et pour les autres parties contractantes.

L'avocat rédacteur d’acte et l'acte d'avocat: la responsabilité de l'avocatQue les avocats qui s’inquiéteraient d’un renforcement de leur responsabilité en raison de l’acte contresigné par leur soin soient rassurés, il n’en sera rien ! (enfin presque…). En cette matière, la Cour de cassation a placé le curseur tellement haut que l’ont voit mal quelles obligations nouvelles pourraient être imposées à l’avocat qui appose son contreseing. En réalité, l’acte d’avocat permet à son rédacteur de mieux maîtriser sa responsabilité grâce notamment au contrôle que celui-ci conserve sur son acte. Et s’il y avait là un motif pour combattre les jurisprudences du 27 novembre 2008 et du 25 février 2010 qui ont imposé à l’avocat de veiller à l’équilibre des intérêts des parties même lorsque l’acte était signé en son absence avec une partie qui n’était pas sa cliente, en opérant une distinction entre l’acte sous seing privé classique et l’acte d’avocat ?



1. L’étendue de la responsabilité de l’avocat rédacteur d’acte

Les obligations de l’avocat rédacteur d’acte sont fixées par l’article 7.2 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat et ont été précisées par deux arrêts importants de la Cour de cassation en date du 27 novembre 2008 et du 25 février 2010.

Il est tenu d’assurer la validité et la pleine efficacité de l’acte qu’il rédige et de veiller à l’équilibre des intérêts des parties.

La jurisprudence est extrêmement sévère à l’égard des avocats puisque l’arrêt du 27 novembre 2008 a considéré que « l’avocat était tenu de veiller à assurer l’équilibre de l’ensemble des intérêts en présence et de prendre l’initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée des engagements souscrits de part et d’autre, peu important le fait que l’acte a été signé en son absence après avoir été établi à la demande d’un seul des contractants » ; et l’arrêt du 25 février 2010 a jugé que « le rédacteur d’acte, tenu de veiller à assurer l’équilibre de l’ensemble des intérêts en présence et de prendre l’initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée et les incidences, notamment fiscales, des engagements souscrits de part et d’autre, peu important que son concours ait été sollicité par l’une d’elles, doit rapporter la preuve qu’il a rempli cette obligation à leur égard, quelles que soient leurs compétences personnelles ».

Il résulte de ces deux arrêts de la Cour de Cassation que l’avocat est tenu d’une obligation de conseil et d’information à l’égard de la partie qui n’est pas sa cliente, et ce même si l’acte est signé en son absence.

S’agissant de la preuve de l’exécution de l’obligation d’information et de conseil, elle incombe à l’avocat. (C.cass. 1ère civ., 29 avril 1997, bull.civ. I, n°132)

C’est du constat que l’avocat était soumis à une responsabilité similaire à celle des notaires qu’est née l’idée de l’acte d’avocat (Gaz. Pal. 27-29 mars 2011, Acte d’avocat : l’acte de la liberté contractuelle sera-t-il une révolution. P.MICHAUD)

Loin d’alourdir la responsabilité de l’avocat rédacteur, l’acte contresigné est une aubaine car il lui permet de mieux maîtriser sa responsabilité.


2. La maîtrise de la responsabilité grâce à l’acte d’avocat

La solennité qui entoure l’acte d’avocat facilite l’exécution du devoir de conseil et va dans le sens d’une plus grande sécurité juridique que ce soit pour l’avocat, pour le client, et pour les autres parties contractantes.

L’acte d’avocat sera en principe conclu en présence de l’avocat. Ce n’est pas une obligation selon les textes, mais l’avocat étant tenu de vérifier l’identité et le pouvoir des parties, cela sera fortement conseillé. La présence des parties implique d’une part que les destinataires du conseil sont identifiés et présents ce qui facilite l’exécution du devoir de conseil, et d’autre part que l’avocat conserve la maîtrise de l’acte qu’il rédige. L’avocat ne risque plus de voir sa responsabilité engagée pour un acte qu’il a transmis à son client qui sans l’en informer le signe avec un tiers hors de sa présence.

De plus, on sait que l’acte d’avocat implique que chaque partie soit assistée d’un avocat. En cas de rédacteur unique, il doit avoir été désigné, c'est-à-dire mandaté par toutes les parties. Ce mandat doit faire prendre conscience à l’avocat qu’il est également tenu d’une obligation de conseil et d’information à l’égard de la partie qui n’est pas sa cliente. La solennité qui entoure la rédaction de l’acte contresigné par l’avocat responsabilise donc ce dernier qui se montrera, à n’en pas douter, plus vigilant.

L’acte d’avocat ne facilite pas que l’exécution du devoir de conseil, il en facilite également la preuve. En effet, l’acte peut parfaitement dresser une liste des conseils délivrés par l’avocat, liste qui serait signée par les parties et vaudrait reconnaissance de l’exécution de l’obligation d’information et de conseil incombant à l’avocat.

La solennité qui entoure l’acte contresigné, et le contrôle que conserve l’avocat sur son acte, ne doivent ils pas impliquer un régime de responsabilité qui ne soit pas le même que celui du simple acte sous seing privé ?


3. L’acte d’avocat au regard des arrêts du 27 novembre 2008 et du 25 février 2010

L’acte d’avocat a parfois été présenté comme une troisième catégorie d’acte juridique, situé entre l’acte sous seing privé et l’acte authentique : l’acte sous assistance juridique.

Il est en tout cas un acte par lequel l’avocat a manifesté sa volonté d’engager sa responsabilité. Il paraît donc parfaitement légitime que la jurisprudence soit très exigeante avec l’avocat contresignataire et qu’elle lui impose une obligation d’information et de conseil étendue même aux parties qui ne sont pas ses clientes.

En revanche, les arrêts du 27 novembre 2008 et du 25 février 2010 sont allés trop loin s’agissant des actes sous seing privés rédigés par un avocat mais signés en son absence. On ne peut pas demander à un avocat de garantir toutes les conséquences des actes qu’il transmet à son client, sachant qu’il n’en garde pas la maîtrise et que bien souvent il ne sait pas ce qu’ils deviennent (les clients ne sont pas tenus d’une obligation d’information à l’égard de leur avocat).

Il y aurait donc lieu de faire une distinction entre « actes d’avocat » signés en présence de l’avocat dans une forme solennelle, et « simples actes sous seing privés » pour lesquelles la jurisprudence serait moins exigeante, ce qui impliquerait de moduler les arrêts de 2008 et 2010.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Bruce Shippee - Fotolia.com

Auteur

DEPONDT Jérôme
Avocat Associé
IFL-AVOCATS, Membres du conseil d'administration, Invités permanents : anciens présidents
PARIS (75)
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