Bail d’habitation : Location de courte durée et amende civile
Publié le :
30/10/2024
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2024
L’encadrement des locations de courte durée constitue un enjeu majeur dans les grandes villes françaises. Les mairies dont le rôle de gendarme s’accroît, n’hésitent désormais plus à agir en justice contre les propriétaires contrevenant aux règles sur le changement d’usage d’un bien immobilier à usage d’habitation sans autorisation préalable.[1]S’il existe des sanctions légales, faisant office de « punitions »[2], qui exposent tout contrevenant à une amende civile de 50.000 euros maximum par local irrégulièrement transformé, la jurisprudence[3] est venue préciser que l’amende civile :
- n’était pas due en l’absence de preuve que le logement loué de façon saisonnière était une résidence principale (après le 1er janvier 1970) ;
- était une sanction revêtant le caractère d’une punition applicable seulement aux personnes ayant déclaré le logement loué comme étant leur résidence principale.
- individualisée et ne peut être prononcée in solidum (imposant une même amende à plusieurs parties pour une seule infraction) entre différentes parties. Ce principe est essentiel pour garantir que la sanction corresponde aux actes irréguliers et à la responsabilité propre de chaque contrevenant, qu’il soit propriétaire ou locataire[4] ;
- évaluée à l’aune des exigences de la bonne foi des parties, de sorte que même un locataire, en sa qualité de professionnel de l’immobilier, ne peut être exonéré de responsabilité en raison de sa connaissance des lois en vigueur, malgré sa prétention à une ignorance des règles de changement d’usage[5];
- plafonnée à 50.000 euros par local et par contrevenant. Ainsi, dans les cas où plusieurs personnes sont impliquées, chaque partie peut être condamnée séparément, ce qui peut faire augmenter le total des amendes si plusieurs propriétaires ou gestionnaires sont impliqués dans les violations[6].
Cette approche rend le principe de personnalisation des sanctions incontournable : chaque partie doit répondre séparément de ses actes, empêchant les co-responsables de partager ou minimiser la sanction.
Cette tendance de la Cour de cassation vise à dissuader les locations touristiques illégales dans une perspective protectionniste du marché du logement en favorisant le respect de l'usage résidentiel des biens immobiliers, en corrélation avec la volonté du législateur.
Ces sanctions financières sont une réponse aux abus croissants observés dans certaines grandes villes où les locations de courte durée aggravent la crise du logement. En ciblant les contrevenants avec des amendes élevées et systématiquement appliquées par personne et par bien, la réglementation encourage les propriétaires et gestionnaires à respecter l’affectation d’origine des locaux d’habitation.
Conclusion : la fin des innocents aux mains pleines
Si louer son logement en courte durée a pu paraître une aubaine pour générer facilement des revenus complémentaires, il est désormais certain que la peur d’une punition sévère, ajoutée à un cadre juridique strict et une interprétation de plus en plus rigide des règles par les tribunaux, estompe peu à peu cette réalité.
L'âge de l'insouciance est terminé, le temps des rigueurs juridiques est arrivé.
Jurisprudences analysées :
- Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 22-24.020, Publié au bulletin ;
- Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 23-10.467, Publié au bulletin ;
- Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 22-24.019, Inédit.
Cet article n'engage que ses auteurs.
[1] Art. L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation ;
[2] Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014 ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 novembre 2022, pourvois n° 21-20.464, 21-20.814 ;
[3] Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 septembre 2023, 22-18.101 ;
[4] Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 23-10.467 ;
[5] Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 22-24.019 ;
[6] Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 22-24.020.
Auteurs
Sébastien CARNEL
Avocat Associé
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
Bastien DERVIN
Avocat
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
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