Actes société en cours de formation

Société en cours de formation et bail commercial

Publié le : 19/08/2025 19 août août 08 2025

L’arrêt rendu le 28 mai 2025 (Cass. Com, 28 mai 2025, n°24-13.370), objet du présent commentaire, s’inscrit dans la continuité du revirement jurisprudentiel amorcé par la Cour de cassation, le 29 novembre 2023 (Cass. Com, 29 novembre 2023, n°22-12.865, n°22-18.295, n°22-21.623).
Antérieurement, un acte conclu par une société en formation, dépourvue de la personnalité morale encourait la nullité absolue (annulation rétroactive de l’acte avec remise en l’état antérieur des parties et insusceptible de confirmation ou de ratification) sauf à être régularisé « au nom et pour le compte » de la société en cours de formation.

Ce formalisme rigoureux requis ad validitatem avait notamment pour objectif d’assurer la sécurité juridique de l’acte mais conduisait néanmoins à des effets indésirables consistant notamment à être utilisé opportunément par des parties souhaitant se soustraire à leurs engagements contractuels.

Or, depuis le revirement opéré par la Cour de cassation, le 29 novembre 2023, la jurisprudence précise que la mention « au nom et pour le compte » n’est plus requise ad validitatem de sorte qu’il convient pour les juges du fond de rechercher au-delà de la stricte mention formelle si la commune intention des parties était de conclure l’acte pour le compte de la société formation et permettre sa reprise une fois la société pourvue de la personnalité morale par l’effet de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 28 mai 2025, une société civile avait consenti un bail commercial « à une société commerciale en cours de création représentée par sa présidente qui s’engageait à fournir sous deux mois à compter de la signature du bail le k bis de la société en cours de formation. » 

La société commerciale a, par la suite, été immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Ultérieurement, la société commerciale - aux fins de se soustraire à ses engagements et notamment à son obligation de paiement des loyers en sus de l’obtention de la restitution des loyers versés et du dépôt de garantie - a assigné la société civile immobilière en annulation du bail commercial.

Les juges du fond ont considéré que le bail commercial était affecté d’une nullité absolue puisque régularisé par une société commerciale en formation et de ce fait dépourvue de la personnalité morale, au regard notamment de la formulation de la clause relative au signataire du bail précitée.

La Cour de cassation casse et annule la décision « en se déterminant ainsi sans rechercher s’il ne résultait pas, non seulement des mentions de l’acte, mais aussi de l’ensemble des circonstances que nonobstant une rédaction défectueuse la commune intention des parties n’était pas que l’acte fût passé au nom et pour le compte de la société en formation, la cour d’appel n’a pas donné de base légale de sa décision. »
Cet arrêt confirme la jurisprudence dégagée par la Haute Cour, le 29 novembre 2023 : la nullité absolu ne s’impose plus automatiquement, les juges du fond devant examiner les éléments intrinsèques de l’acte (contenu) et extrinsèques de l’acte (circonstances, contexte) pour apprécier la commune intention des parties.

Toutefois, un débat subsiste. 

Il n’est en effet pas précisé si la commune intention des parties se doit d’être appréciée cumulativement à la vue de l’acte (éléments intrinsèques) et au vu de son contexte (éléments extrinsèques) ou si une application alternative est suffisante et si dans une telle hypothèse, les conditions dont il s’agit sont équivalentes ou si l’une d’entre elle est prédominante, s’agissant notamment des éléments intrinsèques à l’acte.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Joana DE JESUS
Avocate Collaboratrice
SHANNON AVOCATS - Saint-Brieuc
SAINT-BRIEUC (44)
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