
Incidence de la résiliation du contrat de concession par la personne publique sur le calcul du manque à gagner du concurrent évincé
Publié le :
02/07/2024
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2024
Le Conseil d’Etat précise les conditions d’indemnisation des candidats évincés, dans le cas particulier où le contrat litigieux a été, entre temps, résilié.Conseil d’Etat, 24 avril 2024, n°472038
Une Commune a lancé une procédure d'attribution d'une délégation de service public pour l'exploitation des remontées mécaniques et des pistes de ski alpin situées sur son territoire.
Une société évincée a introduit devant le Tribunal administratif de Grenoble une instance tendant à la condamnation de la commune à l'indemniser de son manque à gagner ou, à titre subsidiaire, des frais de présentation de son offre.
De telles demandes sont classiques. En effet, la jurisprudence sur ce point est claire et constante, comme le rappelle le Conseil d’Etat dans cet arrêt. Dans une telle hypothèse, le raisonnement du juge administratif se tient en deux étapes :
- Première étape : Si le candidat évincé était, quoi qu’il arrive, dépourvu de toute chance de remporter le contrat en cause, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a le droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagé pour présenter son offre.
- Seconde étape : Si le candidat évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat, il a droit d’être indemnisé de son manque à gagner, incluant les frais de présentation de l'offre.
Dans l’affaire commentée, si le Tribunal administratif de Grenoble avait, dans un premier temps, considéré que la société évincée n’avait pas de chances sérieuses d’être attributaire du contrat, en ne lui accordant que les frais de présentation de son offre, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé l’inverse.
Elle a en effet jugé que cette société disposait de chances sérieuses de remporter le contrat litigieux, et a condamné la Commune à l’indemniser de son manque à gagner.
Ce n’est pas ce point qui a été invalidé par le Conseil d’Etat, mais bien la manière de déterminer le montant du manque à gagner de la société évincée.
Tout d’abord, le Conseil d’Etat a affirmé que le caractère certain du préjudice devait être analysé, dans le cadre des « contrats dans lesquels le titulaire supporte les risques de l'exploitation » - autrement dit les contrats de concessions – en prenant en considération l’aléa qui affectait les résultats d’exploitation et sa durée.
En outre, et c’est l’apport majeur de cette décision, il se trouve que le contrat litigieux avait été entre temps résilié par la Commune.
Pour la CAA de Lyon, cette circonstance était sans incidence sur le droit à indemnisation de la société évincée.
Le Conseil d’Etat a censuré cette interprétation en considérant que le caractère certain du préjudice de la société évincée devait faire l’objet d’une analyse poussée :
« Enfin, dans le cas où le contrat a été résilié par la personne publique, il y a lieu, pour apprécier l'existence d'un préjudice directement causé par l'irrégularité et en évaluer le montant, de tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation, afin de déterminer quels auraient été les droits à indemnisation du concurrent évincé si le contrat avait été conclu avec lui et si sa résiliation avait été prononcée pour les mêmes motifs que celle du contrat irrégulièrement conclu. »
L’arrêt de la CAA de Lyon a donc été annulé, et renvoyé devant la même juridiction.
Reste donc à savoir si la CAA de Lyon jugera si, dans l’hypothèse où la société évincée avait été déclarée attributaire, la résiliation du contrat en cause aurait été prononcée pour les mêmes motifs et d’en tirer les conséquences pour déterminer le montant exact du manque à gagner.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Emile VERRIER
Avocat
CORNET VINCENT SEGUREL LYON
LYON (69)
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