Vente: l'importance du dossier vétérinaire

Vente: l'importance du dossier vétérinaire

Publié le : 19/02/2014 19 février févr. 02 2014

La Cour d’Appel de CAEN a rendu, le 7 novembre dernier, un arrêt qui révèle l’importance du dossier vétérinaire lors d’une vente.

Vente d'un cheval et importance du dossier vétérinaireLes faits de l’espèce étaient les suivants :

Lors d‘une vente aux enchères publiques de yearlings organisée à DEAUVILLE par la société ARQANA, la société X a fait l’acquisition d’un poulain vendu par la société Y pour un prix de 16 000.00 euros, outre les frais.

Le catalogue des ventes ne mentionnait pas l’existence d’un dossier vétérinaire.

Or la société venderesse avait fait établir pour les ventes du mois d’août précédent, où le poulain ne fut pas présenté en raison d’une blessure, un dossier vétérinaire contenant des clichés radiologiques qui révélaient que le poulain présentait une déformation modérée de la face médiale du boulet antérieur gauche et une lésion significative de sesamoidite.

Toujours est-il qu’après la vente, l’acquéreur faisait examiner le poulain, l’examen révélant l’existence d’une lésion osseuse.

Une expertise judiciaire était ordonnée par le Juge des Référés à la demande de l’acquéreur.

Cette expertise donnait lieu au dépôt d’un rapport concluant que :

  • Le poulain présente une lésion ostéo articulaire et tendineuse du boulet antérieur gauche.
  • Cette lésion, d’origine juvénile, est donc antérieure à la vente.
  • Elle compromet l’usage de cheval de course pour lequel il a été acquis.
Au vu de ce rapport l’acquéreur, qui entretemps avait revendu le poulain pour le prix modique de 1 605.00 euros, assignait en Justice le vendeur pour demander des dommages-intérêts correspondant à la différence entre le prix d’achat et le prix de vente, soit 14 395.00 euros, et aux frais engagés depuis l’achat.

L’acquéreur invoquait à la fois l’existence d’un vice caché et un dol, ce que contestait le vendeur qui concluait au débouté du demandeur.

Le Tribunal de Commerce d’Alençon avait écarté l’action fondée sur les vices cachés, faute par l’acquéreur d’avoir sollicité l’expertise dans le délai d’un mois prévu dans le règlement des ventes ARQANA.

Notons au passage que ce règlement fait « La loi entre les parties » et que si l’on peut considérer qu’il offre à l’acquéreur la garantie des vices cachés de l’article 1641 du Code civil, en plus de la garantie des vices rédhibitoires du Code rural, cela suppose, suivant le Tribunal, un strict respect des dispositions contractuelles, c’est-à-dire notamment de solliciter une expertise amiable contradictoire dans le délai d’un mois à compter de la vente, prévu au règlement.

En revanche, la Cour de CAEN, sans même se prononcer sur l’action fondée sur les vices cachés, accueille l’action de l’acquéreur fondée sur les dispositions de l’article 1116 du Code civil, à savoir le dol.

On sait en effet que le dol se caractérise par des manœuvres pratiquées par le vendeur, mais aussi par la réticence dolosive, c’est-à-dire le fait de la part du vendeur de cacher à l’acquéreur des informations de nature à influencer de façon déterminante sa décision d’achat.

En l’espèce, la Cour considère qu’en présentant le poulain aux ventes d’octobre sans dossier vétérinaire, alors qu’elle en avait fait établir un pour les ventes d’août qui révélait l’existence d’une lésion importante dont souffrait le poulain, la société venderesse a bien commis un dol par réticence de sorte qu’il doit être fait droit à l’action indemnitaire engagée par l’acquéreur.

Les enseignements pratiques à tirer de cette décision sont importants.

Côté vendeur, il est impératif de révéler à l’acquéreur potentiel toutes les informations médicales recueillies sur le cheval à vendre, et notamment de lui remettre les certificats et rapports vétérinaires dont le vendeur a connaissance.

A défaut, et à moins bien sûr que le dossier vétérinaire ne contienne aucune information déterminante sur l’état de santé du cheval, le vendeur s’expose à se voir reprocher un dol et à voir la vente annulée, ou à être condamné à payer à l’acquéreur des dommages-intérêts.

Cette obligation doit donc impérieusement être respectée et ce même si l’acquéreur fait procéder à une visite d’achat.

Quant à l’acquéreur, on ne saurait trop lui recommander de se renseigner avant de conclure la vente sur les informations médicales recueillies relatives au cheval convoité.

Lors de ventes publiques aux enchères, il est indispensable de consulter le dossier vétérinaire, s’il est indiqué qu’il en existe un.

Et si le cheval est vendu sans dossier vétérinaire, ce qui est fréquent, il est néanmoins prudent de la part de l’acquéreur avant de porter des enchères de se renseigner sur l’état de santé du cheval et même de le faire examiner par son vétérinaire.

Tout ceci éviterait l’insécurité juridique d’une vente, ce qui est néfaste à tous les intervenants à la vente mais aussi au cheval lui-même qui ne sait plus « sur quel pied danser » tant que le procès n’est pas terminé, ce qui peut demander plusieurs longues années …





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Walter Luger - Fotolia.com

Auteur

BEUCHER Sophie
Avocate
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