Arrêté de mise en sécurité bail commercial

Bail commercial : Est-ce que l’arrêté de mise en sécurité suspend le bail commercial ou le paiement des loyers ?

Publié le : 01/10/2025 01 octobre oct. 10 2025

Dans une décision du 3 juillet 2025 (Pourvoi 23-20 553), la Cour de cassation a eu l’occasion de statuer sur le point de savoir si les dispositions de l’article L.521-2 du Code de la construction et de l’habitation peuvent s’appliquer au statut des baux commerciaux (articles L.145-1 et suivants du Code de commerce).

Le contexte :

L’article L.521-2 du Code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable entre le 1er juillet 2021 et le 11 avril 2024, dispose que :

« Pour les locaux visés par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité pris en application de l'article L. 511-11 ou de l'article L. 511-19, sauf dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ou lorsque la mesure est prise à l'encontre de la personne qui a l'usage des locaux ou installations, le loyer en principal ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation du logement cesse d'être dû à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de l'arrêté ou de son affichage à la mairie et sur la façade de l'immeuble, jusqu'au premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou l'affichage de l'arrêté de mainlevée. »

Ce texte met en place un principe de suspension de l’exigibilité des loyers lorsqu’un local frappé par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité est pris en application de l’article L.511-1 ou de l’article L.511-19 du Code de la construction et de l’habitation.

Il prévoit également que les loyers versés indument au propriétaire doivent être restitués à l’occupant lorsqu’ils ont été versés ; ou bien déduits des loyers futurs.

Ce texte instaurant ainsi un principe légal de suspension des loyers pour les bâtiments dangereux ou insalubres, lorsqu’un arrêté a été pris en ce sens.

Le cas d’espèce :

Dans les faits qui ont été soumis à l’appréciation de la Cour de Cassation dans son arrêt du 3 juillet 2025, le preneur à bail commercial a assigné son bailleur en référé afin d’obtenir la condamnation de ce dernier au paiement d’une provision et afin d’obtenir la suspension de son obligation de paiement des loyers en raison d’un arrêté de péril grave et imminent, qui enjoignait au bailleur de prendre diverses mesures pour assurer la sécurité publique.

Le preneur fondait alors son action sur les dispositions de l’article L.521-21 du Code de la construction et de l’habitation.

La Cour d’Appel a fait droit aux demandes du locataire considérant que les dispositions de l’article L.521-21 du Code de la construction et de l’habitation étaient applicables aux baux commerciaux, et qu’elles devaient en conséquence s’appliquer au cas d’espèce.

La Cour de cassation a censuré cette opinion en considérant, au contraire, que les dispositions de l’article L.521-21 du Code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de l’Ordonnance n° 2020-11 44 du 16 septembre 2020, ne prévoyaient un principe suspension des loyers que pour l’occupation d’un logement (entendu ici comme un logement d’habitation) et non pour les locations commerciales, notamment celles qui ne comprenaient pas de logement (avec un usage exclusivement commercial).

La modification des dispositions de l’article L.521-21 du Code de la construction et de l’habitation :

Depuis le 21 novembre 2024, le Code de la construction et de l’habitation a été modifié par la loi n° 2024-10.39 du 19 novembre 2024, et le texte, dans sa nouvelle version précise :

« Pour les locaux visés par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité pris en application de l'article L. 511-11 ou de l'article L. 511-19, sauf dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ou lorsque la mesure est prise à l'encontre de la personne qui a l'usage des locaux ou installations, le loyer en principal ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation du local ou de l'installation, qu'il ou elle soit à usage d'habitation, professionnel ou commercial, cesse d'être dû à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de l'arrêté ou de son affichage à la mairie et sur la façade de l'immeuble, jusqu'au premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou l'affichage de l'arrêté de mainlevée. »

Cette modification introduite par la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 est ainsi venue modifier le régime applicable avec une extension de ses dispositions aux locaux à usage professionnel ou commercial, renforçant ainsi les droits des locataires commerciaux avec un texte spécial.

Lorsque les conditions du texte sont réunies, il ne sera ainsi plus nécessaire de positionner son argumentation sur des principes tels que l’obligation de délivrance et l’exception d’inexécution par exemple, dont le sort peut-être aléatoire sur le plan pratique. 

Il est a noté toutefois que le texte fait de la prise d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité - pris en application de l'article L. 511-11 ou de l'article L. 511-19 du Code de la construction et de l’habitation - une condition de son application.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Nasser MERABET
Avocat Associé
Cabinet Conseil des Boucles de Seine – CCBS
CAUDEBEC-LES-ELBEUF (76)
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