
Un employeur peut-il sanctionner des fautes commises par un salarié plus de deux mois auparavant ?
Publié le :
29/08/2022
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Si, en principe, l’employeur doit impérativement sanctionner la faute d’un salarié dans un délai de deux mois à compter de sa connaissance des faits, la Cour de cassation rappelle, par deux arrêts rendus les 1er et 15 juin 2022, qu’il peut sanctionner un comportement plus ancien, si celui-ci s’est poursuivi ou réitéré au cours des deux derniers mois.Selon l’article L1332-4 du Code du travail, l’employeur doit engager des poursuites disciplinaires dans un délai maximal de deux mois à compter du jour où il en a connaissance.
En juin 2021, la Cour de cassation avait réduit la marge de manœuvre , en jugeant que ce délai de deux mois commençait à courir dès le jour où le supérieur hiérarchique du salarié avait connaissance des manquements, et non à partir du jour où la personne titulaire du pouvoir disciplinaire l’apprenait, ce qui pouvait poser difficulté lorsque le supérieur hiérarchique n’en informait pas rapidement l’employeur (Cass. Soc. 23 juin 2021, n°20-13.762).
Un an plus tard, elle interprète cet article L1332-4 du Code du travail d’une façon cette fois-ci favorable à l’employeur (Cass. Soc. 1er juin 2022, n°21-11.620 ; Cass. Soc. 15 juin 2022, n°20-23.183).
L’hypothèse est la suivante : un salarié commet des manquements, sans être sanctionné, plus de deux mois avant que l’employeur ne le convoque à un entretien préalable.
A priori, suivant la règle fixée par l’article L1332-4 du Code du travail, ces faits sont prescrits et ne peuvent pas être invoqués à l’appui d’une sanction disciplinaire, par exemple un licenciement.
La Cour de cassation admet toutefois une exception : si ces mêmes manquements anciens se sont reproduits au cours des deux derniers mois, alors ils peuvent justifier une sanction.
Dans l’arrêt du 1er juin 2022, un chef de cuisine avait commis des manquements aux règles d’hygiène et de sécurité 5 mois avant sa convocation à entretien préalable. La Cour d’appel avait alors considéré ces manquements prescrits, et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation ne partage pas cette position, en rappelant que si ce comportement s’est poursuivi ou réitéré au cours des deux mois précédant l’engagement de la procédure disciplinaire, il pouvait être pris en compte pour justifier un licenciement.
De la même façon, des absences injustifiées ou des retards a priori prescrits peuvent être mentionnés dans le cadre d’une sanction disciplinaire si le salarié a reproduit ces mêmes manquements dans les deux derniers mois.
Si la Cour de cassation fait preuve de souplesse en permettant d’englober des faits anciens s’ils se sont reproduits plus récemment, l’employeur a néanmoins tout intérêt à sanctionner des fautes dans le délai de deux mois, éventuellement par une sanction disciplinaire de faible ampleur (avertissement ou mise à pied disciplinaire), ce qui lui permettra ensuite de justifier une mesure plus grave si le salarié réitère ses manquements, mais aussi s’il commet une faute de nature différente.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteurs

Kevin HILLAIRET
Avocat
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)

Anne-Sophie LE FUR
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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