Droit de préférence de la victime et plafond de garantie : la Cour d’appel de Rennes réaffirme la prééminence du créancier originaire
Publié le :
20/10/2025
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L’arrêt rendu le 26 juin 2024 par la Cour d’appel de Rennes (5e chambre, RG n° 18/07907) offre une illustration particulièrement nette de la portée du droit de préférence de la victime en présence d’un plafond de garantie contractuelle. En consacrant l’autorité de la victime sur la répartition de l’indemnité versée par l’assureur, la Cour rappelle que la subrogation d’un organisme social ne peut porter atteinte aux droits du créancier originaire, même lorsque le plafond contractuel est atteint.
1. Le contexte : plafond de garantie et pluralité de créanciers
La victime, gravement atteinte à la suite d’un incendie survenu dans le logement de son père, voit son préjudice évalué à environ 4 900 000 euros. Le contrat d’assurance souscrit par l’auteur du dommage prévoit un plafond de garantie de 4 600 000 euros. La caisse primaire d’assurance maladie, subrogée dans les droits de la victime pour les prestations versées, sollicite une part de cette indemnité (1 800 000 euros).La Cour d’appel confirme l’opposabilité du plafond de garantie, mais surtout, elle consacre la prééminence de la victime dans la répartition des sommes disponibles, en application de l’article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et de l’article 1346-3 du Code civil.
2. La solution : la subrogation ne peut nuire à la victime
La Cour rappelle que la subrogation légale ne peut avoir pour effet de priver la victime d’une indemnisation prioritaire. Elle valide la répartition opérée par la victime, qui affecte l’intégralité du plafond à la réparation de ses préjudices personnels, reléguant la caisse à une créance non couverte.Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante :
- Cass. civ. 2e, 14 janv. 2010, n° 08-17.293 : la subrogation ne peut nuire à la victime lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie ; elle conserve un droit de préférence sur les sommes versées.
- Cass. civ. 2e, 8 juin 2021, n° 20-14.504 : la Cour sanctionne une juridiction ayant méconnu ce principe en permettant à la caisse de recouvrer l’intégralité de ses débours au détriment de la victime.
3. Les perspectives : un pourvoi en cassation en cours
Un pourvoi a été formé contre cette décision. Le mémoire ampliatif déposé devant la Cour de cassation soulève plusieurs questions de droit, notamment :- La portée du droit de préférence de la victime en présence d’un plafond de garantie contractuelle ;
- Les conditions dans lesquelles la victime peut exercer son autorité sur la répartition des sommes versées par l’assureur ;
- Le régime de la subrogation légale en concours avec le créancier originaire lorsque l’indemnité est plafonnée.
La Haute juridiction sera ainsi amenée à préciser si la victime peut, en toute légitimité, affecter l’intégralité du plafond à la réparation de son propre préjudice, sans tenir compte des créances de l’organisme social subrogé. Une clarification attendue, tant pour les juridictions du fond que pour les praticiens confrontés à des sinistres d’une particulière gravité.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
SIBILLOTTE Laëtitia
Avocate Associée
SHANNON AVOCATS - La Baule, SHANNON AVOCATS - Saint-Brieuc
LA BAULE-ESCOUBLAC (22)
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