
Licenciement économique : les difficultés ne se cantonnent pas à une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires
Publié le :
29/11/2022
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2022
La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 a modifié l'article L.1233-3 du Code du travail qui prévoit désormais une série d’indicateurs et de critères, permettant de sécuriser l’appréciation des parties, quant à la réalité et le sérieux des difficultés économiques alléguées.Un licenciement pour motif économique peut ainsi être justifié par la preuve de difficultés économiques, de mutations technologiques, d’une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, ou encore de la cessation de son activité.
Concernant les difficultés économiques, l’article L.1233-3 du Code du travail précise :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
La baisse du chiffre d’affaires doit être caractérisée sur une durée plus ou moins longue en fonction de la taille de l’entreprise.
Cependant, si l’employeur ne parvient pas à prouver la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires fondant le licenciement économique, le juge doit-il examiner les autres critères légaux invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement ?
La Cour de cassation a répondu par l’affirmative dans l’arrêt rendu par la chambre sociale en date du 21 septembre 2022 (Cass. soc. 21 septembre 2022, n° 20-18511).En l’espèce, un employeur a licencié pour motif économique un salarié le 20 mars 2017 en invoquant une baisse de son chiffre d’affaires et des commandes sur trois trimestres consécutifs de 2016 en comparaison avec la même période de l’année 2015, telle qu’exigée par l’article L.1233-3 du Code du travail dans les entreprises d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés. Il invoquait par ailleurs des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social et un niveau d’endettement s’élevant à 7.5 millions d’euros à fin décembre 2016.
Le salarié a contesté son licenciement et la cour d’appel lui a donné raison considérant que la preuve n’était pas rapportée de la réalité des difficultés économiques dès lors que l’employeur n’apportait pas la preuve de la baisse sur trois trimestres consécutifs courant 2016 / 1er trimestre 2017 des commandes et/du chiffres d’affaires. En somme, pour les juges, l’employeur ne justifiait pas de sa situation à la date exacte du licenciement.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir tenu compte de la situation économique largement dégradée de la société à l’époque de la rupture.
La Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel en considérant que cette dernière ne pouvait pas déclarer le licenciement injustifié au seul motif que l’un des indicateurs économiques invoqués par l’employeur, en l’occurrence celui relatif à la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, n’était pas établi.
Elle juge au contraire que la cour d’appel aurait dû, au vu de l’ensemble des éléments invoqués par l’employeur, rechercher si les difficultés économiques étaient caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés au 1° de l’article L 1233-3, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
De fait, les juges auraient dû prendre en compte les éléments invoqués par l’employeur pour vérifier le bien-fondé du licenciement et notamment les capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social ainsi qu’un niveau d’endettement s’élevant à 7,5 millions d’euros à fin décembre 2016.
Nous ne pouvons donc que conseiller aux employeurs qui envisagent un licenciement pour motif économique d’invoquer dans la lettre de licenciement, si cela est possible, plusieurs indicateurs pour justifier leurs difficultés économiques.
Cet article n'engage que ses auteurs.
Auteurs
Audrey NIGON
Mathilde SCHOELER
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