Devoir de vigilance agent immobilier

Agent immobilier : le « simple relais » d’informations est révolu

Publié le : 18/12/2025 18 décembre déc. 12 2025

Un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 13 novembre 2025 (n° 23-18.899) marque un infléchissement net et opérationnel des obligations pesant sur l’agent immobilier dans le cadre d’une vente : relayer une affirmation du vendeur sans vérification minimale peut constituer un manquement engageant la responsabilité du professionnel.

Les faits : une information « rassurante »… non documentée

Dans l’affaire jugée, le vendeur soutenait que la toiture avait été « contrôlée tous les deux ans ». L’agent immobilier avait repris l’information dans le processus de commercialisation et de vente, sans exiger de justificatifs et, surtout, sans attirer l’attention de l’acquéreur sur l’absence de preuve.

Après la vente, des désordres affectant l’immeuble ont conduit les acquéreurs à agir, notamment contre l’agent, au titre d’un défaut d’information et de conseil.

La double lecture de la Cour : vices cachés et responsabilité de l’agent

L’arrêt est intéressant car il traite, en parallèle, (i) la question de la garantie des vices cachés et (ii) l’obligation de diligence de l’agent immobilier.

D’une part, la Cour rappelle, sur le fondement de l’article 1643 du code civil, que la clause d’exclusion de garantie des vices cachés ne profite pas au vendeur qui connaissait le vice. Elle censure la cour d’appel pour défaut de base légale : il fallait rechercher, comme demandé, si le vendeur n’avait pas été informé par un couvreur de la nécessité d’une réfection totale, ce qui aurait neutralisé la clause.

D’autre part, et c’est le point central pour la pratique immobilière, la Cour casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1231-1 du code civil (responsabilité contractuelle) en jugeant qu’il appartenait à l’agent immobilier de vérifier la réalité du contrôle périodique de la toiture dès lors que cette information était présentée comme un élément rassurant et déterminant de l’état du bien. Autrement dit, l’agent ne peut pas s’abriter derrière une approche strictement « diagnostique » consistant à vérifier uniquement l’existence des diagnostics obligatoires : quand il relaie une information factuelle, il doit pouvoir l’étayer ou, à défaut, alerter clairement.

Portée : une exigence de vérifications « minimales » sur les éléments essentiels

La Cour ne consacre pas une obligation générale d’audit technique comparable à celle d’un expert du bâtiment. En revanche, elle affirme une exigence de vigilance professionnelle : lorsque l’agent met en avant une donnée susceptible d’influencer le consentement (toiture, structure, assainissement, conformité, travaux récents, sinistres, servitudes…), il doit adopter une démarche simple mais rigoureuse :
 
  • demander les pièces (factures, rapports d’intervention, attestations d’entretien, PV, autorisations) ;
  • apprécier la cohérence des documents fournis ;
  • informer l’acquéreur en cas d’absence de justificatifs, en qualifiant l’information (déclaration non prouvée) et en conseillant, si besoin, une vérification complémentaire.

Conséquences pratiques : sécuriser le dossier, sécuriser la responsabilité

Pour les professionnels, la leçon est claire : une information non vérifiée n’est pas neutre. Elle crée un risque contentieux, non parce que l’agent aurait « menti », mais parce qu’il aurait manqué à son devoir de conseil et à la diligence attendue d’un professionnel intermédiaire de la vente.

La bonne pratique consiste à formaliser une « check-list » documentaire, à tracer les demandes de pièces, à consigner les réponses (ou silences) du vendeur et à intégrer, le cas échéant, un avertissement explicite à l’acquéreur. Cette traçabilité devient, en contentieux, l’élément déterminant pour démontrer que l’agent a rempli son office.

En synthèse, l’arrêt du 13 novembre 2025 confirme une évolution de fond : l’agent immobilier est désormais appréhendé comme un acteur de la sécurité juridique de la transaction. Il ne lui est pas demandé d’être ingénieur, mais d’être professionnel : exiger les preuves quand une affirmation est structurante, ou avertir quand elle ne l’est pas.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ARRAS (62)
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