Parents et éducation des enfants : quelles punitions sont interdites ?
Publié le :
23/05/2024
23
mai
mai
05
2024
Zoom sur la décision de la Cour d’appel de Metz du 18 avril 2024 relaxant au nom du « droit de correction » un père accusé de violence sur ses fils
« On ne peut pas éduquer son enfant par la violence ». Bien que l’éternel débat sur la fessée et la correction refasse régulièrement surface, le principe de non-violence est ancré dans le droit français depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 qui proscrit le recours aux gifles, fessées, humiliations et toute forme de violence physique ou psychologique.Ainsi l’article 371-1 du Code civil prévoit en son alinéa premier que « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant » et en son alinéa 3 que cette autorité parentale « s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ».
Enfin, l’article 222-13 du Code pénal prévoit que les violences sur mineur de 15 ans par ascendant légitime en présence d’ITT inférieur ou égal à 8 jours peuvent être sanctionnés de peines allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amande.
L’instauration du principe d’intolérance à toute forme de violence éducative a été saluée par les associations de protection de l’enfance et constitue une aide pour les magistrats qui n’ont plus à trancher ces questions extrêmement délicates :
- Quelle est la frontière entre violence légère et maltraitance ?
- Comment caractériser si un acte est à but éducatif ou simplement un acte violent ?
La réponse juridique est désormais limpide : aucun acte de violence à l’encontre d’un enfant ne doit être toléré ou admis. La France se conforme ainsi aux engagements de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989.
Dans ce contexte, et depuis maintenant 5 ans, le débat « de la fessée » se voyait vidé de sa substance tant le cadre légal semblait limpide.
La Cour d’appel de Metz, dans son arrêt rendu le 18 avril dernier, l’a pourtant ravivé tant sur la scène médiatique que sur le plan juridique.
En l’espèce, un père de famille (exerçant qui plus est la profession de policier) était poursuivi pour des faits de violences intrafamiliales sur ses enfants et sur son épouse.
Condamné en première instance à une peine de 18 mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à un retrait de l’autorité parentale, ce dernier a fait appel.
Devant la Cour d’appel, le père reconnaissait pratiquer une éducation stricte et rude. Les témoignages des enfants étaient concordants et corroborés, ces derniers indiquant avoir été victimes, entre autres, de violences physiques allant de gifles à des actes d’étranglement.
La Cour d’appel a relaxé le père de famille en adoptant un raisonnement ambivalent. Elle a d’abord reconnu l’existence de ces violences mais dans un second temps, a considéré que celles-ci étaient justifiées par un droit de correction parentale.
Elle retenait en l’espèce que ces violences n’avaient causé aucun dommage aux enfants, qu’elles étaient proportionnées aux manquements qui les avaient justifiés, et qu’elles ne présentaient pas de caractère humiliant.
Sur la scène médiatique, dans un contexte de recrudescence et de médiatisation des phénomènes de violences juvéniles, certains voient cet arrêt comme un écho au message véhiculé par un gouvernement qui demande aux parents la mise en œuvre d'une fermeté éducative.
Toutefois, peut-on considérer l’admission d’un droit de correction jurisprudentiel sans fondement légal comme une avancée ? Rien n’est moins sûr… Il existe une incohérence certaine à admettre la prévention de la violence par la violence.
Sur le plan juridique, cet arrêt est critiquable dans son positionnement. En droit, le raisonnement de la Cour d’appel est contradictoire.
Dès lors qu’une infraction est caractérisée, la personne poursuivie ne saurait être relaxée.
Si la Cour d’appel avait considéré que l’infraction n’était pas assez caractérisée (par manque d’éléments de preuves par exemple), la relaxe n’aurait pas suscité de débat.
La problématique ici réside dans le fait que l’infraction est caractérisée puisque la Cour admet l’existence des violences. La juridiction d’appel aurait pu faire le choix de diminuer le quantum de la première peine mais l’abandon des poursuites ne semblait pas juridiquement envisageable.
En statuant ainsi, la Cour d’appel de Metz vient légitimer le recours à la violence sans aucun fondement juridique. C’est la raison pour laquelle le Parquet général et les parties civiles se sont pourvues en Cassation.
A l’évidence, le principe de l’annihilation totale des violences éducatives reste confronté à des résistances auxquelles il convient de prêter une attention toute particulière pour éviter un recul des droits de l’enfant.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Roxane VEYRE
Avocate Collaboratrice
ALQUIE - membre du GIE AVA
BAYONNE (64)
Historique
-
Droit à l'image des enfants et réseaux sociaux : quelles sont les obligations des parents ?
Publié le : 18/11/2024 18 novembre nov. 11 2024Particuliers / Famille / EnfantsSelon l’Observatoire de la Parentalité et l’Education Numérique (OPEN), 53 % des Français ont déjà partagé du contenu relatif à leur enfant sur les réseaux...
-
Enlèvement international d’enfant : l’enfant peut exceptionnellement retourner dans un autre État que celui de sa résidence habituelle
Publié le : 30/09/2024 30 septembre sept. 09 2024Particuliers / Famille / EnfantsDans cette affaire, le père danois, M. [F], demande le retour de son fils au Danemark après que la mère ukrainienne, Mme [B], a déplacé l’enfant, dont il c...
-
Audition de l'enfant et bienveillance parentale
Publié le : 18/09/2024 18 septembre sept. 09 2024Particuliers / Famille / EnfantsAux fins d’harmoniser les textes européens et certains textes du droit français, l’article 388-1 a été intégré au sein du Code civil, en 2007. Cet article...
-
Ordonnance de protection envers un parent : qu’en est-il des enfants ?
Publié le : 13/08/2024 13 août août 08 2024Particuliers / Famille / EnfantsL’ordonnance de protection, instaurée par la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010, est un instrument crucial pour les Juges aux affaires familiales dans la lut...
-
Parents et éducation des enfants : quelles punitions sont interdites ?
Publié le : 23/05/2024 23 mai mai 05 2024Particuliers / Famille / EnfantsZoom sur la décision de la Cour d’appel de Metz du 18 avril 2024 relaxant au nom du « droit de correction » un père accusé de violence sur ses fils « On...
-
Quelle est l’étendue de l’obligation pour les enfants d’aider un parent sans ressources ? Dans quelles conditions un enfant peut-il s’en soustraire ?
Publié le : 30/04/2024 30 avril avr. 04 2024Particuliers / Famille / EnfantsLa solidarité et l’entraide au sein d’une famille ne relèvent pas uniquement de la générosité de ses membres. La loi institue une obligation alimentaire en...
-
Podcast sur l'éducateur spécialisé
Publié le : 26/03/2024 26 mars mars 03 2024Particuliers / Famille / EnfantsPour ce vingtième live, Etienne MOUNIELOU a eu l'immense plaisir de recevoir M. Yoan Tortevoix, qui exerce comme éducateur spécialisé au sein d'une associati...