
Annulation d’un permis de construire en raison du risque d’érosion côtière
Publié le :
05/03/2025
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En 2018, le maire de Siouville-Hague a accordé un permis de construire pour la construction d’une maison individuelle, située en première ligne sur la plage de Siouville sur les côtes de la Manche. Le tribunal administratif de Caen, sur déféré du préfet de la Manche, a annulé l’arrêté accordant le permis et la cour administrative d’appel de Nantes était saisie de l’appel de ce jugement.La Cour, dans un arrêt du 8 novembre 2024, rejette les requêtes et confirme l’annulation du permis sur le fondement de l’article R111-2 du Code de l’urbanisme en raison du risque d’atteinte à la sécurité publique provoqué par l’érosion côtière inexorable particulièrement importante sur la parcelle.
Pour rappel, l’article R111-2 prévoit qu’un projet « peut être refusé (…) s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. ».
Le maire peut y recourir dans tous les cas, même en présence d’un document opposable traitant du risque (PPR ou autre).
Pour apprécier si les risques en présence justifient un refus de permis sur ce fondement, le maire doit tenir compte « tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s’ils se réalisent ».
Plus précisément, en matière d’érosion côtière, il appartient au maire d’apprécier ces risques « en l’état des données scientifiques disponibles » et « en prenant en compte les caractéristiques de la zone du projet et de la construction projetée ».
La CAA procède alors à une analyse précise de la situation de la parcelle en question.
Elle relève que :
- Le littoral de la commune est battu par de fortes houles ouest et est affecté par un phénomène continu d’érosion du trait de côte, accentué ponctuellement à l’occasion de fortes tempêtes ;
- Ce phénomène a fait l’objet d’une étude réalisée en 2017 par un bureau d’études agrée, chargé de proposer à la commune une stratégie de défense contre la mer ;
- Selon les données fournies à cette occasion, le recul du trait de côte est de 30 cm/an sur le terrain d’assiette du projet ;
- Selon la même étude, un recul ponctuel très important peut survenir lors de fortes tempêtes et mettre en danger les habitations situées en front de mer. Lors d’un événement tempétueux de niveau centennal, un recul ponctuel de 15 mètres pourrait survenir. Une bande de précaution de 15 mètres a été représentée par l’étude tout le long du littoral communal, en arrière de la crête de la dune.
En l’occurrence :
- La maison devait être implantée sur la crête du cordon dunaire ;
- Les fondations seraient installées à moins de 2 mètres du sommet de la dune ;
- Les 2/3 de la maison se situeraient dans la bande de précaution de 15 mètres.
- Des protections existent au droit de la parcelle sous la forme d’enrochements déposés au bas de la dune mais affectés de désordres.
Ainsi, « compte tenu de l’implantation très avancée de la construction litigieuse par rapport au bord de la dune et de la nature des protections (…) le caractère inexorable du phénomène d’érosion marine observé sur le tronçon concerné fait courir un risque élevé de destruction de la maison ».
Les propriétaires avaient pourtant prévu dans le projet un enrochement de la dune, conditionné à l’obtention d’une autorisation d’occupation du DPM. Toutefois, la cour relève qu’à la date de délivrance de l’arrêté, aucune autorisation n’avait été sollicitée et aucun ouvrage de construction n’avait été édifié.
La CAA conclut alors : « en délivrant par l’arrêté contesté, à M. et Mme B un permis de construire une maison d’habitation, le maire a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions précitées de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. ».
Autre point intéressant, la CAA considère que ce vice ne peut pas être régularisé par la délivrance d’un PC modificatif, en raison du caractère inexorable de l’érosion, même en présence d’un ouvrage de protection :
« Si l’étude mentionnée au point 15 indique que les ouvrages d’enrochement présentent une certaine efficacité contre l’érosion dunaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l’implantation de la maison de Mme B par rapport à la dune, le risque d’érosion marine auquel cette construction est exposée pourrait être prévenu par un ouvrage de défense contre la mer. En outre, il ressort de ce même document que ce type de protection amplifie l’aléa de franchissement des paquets de mer, déjà qualifié de fort sur la parcelle concernée. Dans ces conditions, il n’apparaît pas que le vice analysé au point 16 serait susceptible d’être régularisé par la délivrance d’un permis de construire modificatif. »
Cet arrêt de la CAA de Nantes n’est pas sans rappeler le contentieux porté devant la CAA de Bordeaux puis devant le Tribunal Judiciaire en octobre 2024 tendant à la démolition d’une maison au Cap Ferret dont le permis de construire avait été annulé en raison du risque d’érosion côtière, sur le même fondement (voir notre article à ce sujet).
Les communes littorales doivent donc être particulièrement vigilantes lors de la délivrance d’autorisation d’urbanisme : outre le PLU, le PPRL, la loi Littoral, il appartient au maire de mesurer le risque d’atteinte à la sécurité publique lié à l’érosion côtière sur le fondement de l’article R111-2.
Pour cela, il peut notamment s’appuyer sur les études techniques réalisées à l’occasion de l’élaboration des stratégies locales de gestion du trait de côte.
CAA Nantes, 8 novembre 2024, n°22NT03570
Situation de la maison litigieuse :
Cet article a été rédigé par Julie Gervais de LAFOND, en apprentissage en droit public au sein du cabinet 1927 Avocats. Il n'engage que son auteur.
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