
Occupation domaniale et rugby : l'essai transformé
Publié le :
31/03/2023
31
mars
mars
03
2023
Dans une décision du tribunal administratif de Grenoble du 6 février 2023 rendu sous numéro 210 65 37, la juridiction administrative est venue statuer sur les modalités d'occupation par une brasserie dénommée "esprit XV" d'un espace relevant du domaine public.Plus particulièrement, il était rappelé que par une convention de location-gérance d'un fonds de commerce signé le 11 juillet 1989, la commune de Bourgoin-Jallieu a mis à disposition de l'association club sportif de Bourgoin-Jallieu rugby (CSBJ RUGBY) à compter du 1er septembre 1989 et pour une durée de 15 ans un fonds de commerce situé dans l'enceinte du complexe sportif Pierre Rajon.
Il s'agissait en réalité d'une convention temporaire du domaine public qui prévoyait un certain nombre d'obligations.
Cette convention ayant fait l'objet de deux avenants de prolongation jusqu'au 31 juillet 2024 a été cependant impactée par une convention de sous-location consentie par l'association CSBJ rugby à une SARL brasserie "esprit XV" pour l'occupation de l'ensemble immobilier à usage de buvettes et de restaurants.
La commune de Bourgoin-Jallieu concluait avec la SAS BJ groupe le 6 avril 2021 une convention d'occupation temporaire constitutive de droits réels sur le domaine public pour une durée de 25 ans à compter du 1er août 2021 qui portait notamment sur les bâtiments donnés à bail à la SARL brasserie esprit XV.
Estimant que l'occupation par cette société de cette dépendance de son domaine public perdurait après l'expiration de la convention de sous occupation du domaine, la commune de Bourgoin-Jallieu demande au tribunal d'enjoindre à la SARL brasserie esprit XV5 de libérer immédiatement les lieux qu'elle occupait régulièrement sur le domaine public.
Le tribunal dans une décision particulièrement claire, rappelle que nul ne peut sans disposer d'un titre l'y habilitant occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique.
La juridiction rappelle également les dispositions de l'article L 1311-5-1 du code général des collectivités territoriales selon lesquelles les collectivités territoriales peuvent délivrer sur le domaine public des autorisations d'occupation temporaire constitutives de droits réels en vue de la réalisation d'opérations d'intérêt général relevant de leurs compétences.
La société brasserie esprit XV relevait alors une fin de non recevoir selon laquelle seule la SAS BJ groupe pouvait en sa qualité de titulaire d'une convention d'occupation temporaire constitutive de droits réels sur le domaine public communal, introduire une procédure d'expulsion.
Mais le tribunal rappelle que les dispositions de l'article L 1311-5-1 n'ont ni pour objet ni pour effet de s'opposer à ce que la commune puisse, comme gestionnaire du domaine public, demander au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier de son domaine public.
Il y a là une approche intéressante, et constante, selon laquelle l'occupant du domaine public est toujours co - titulaire des pouvoirs de gestion avec le propriétaire du domaine.
Dit autrement, certes, la SAS BJ groupe, titulaire d'une autorisation régulière, pouvait demander l'expulsion, sans pour autant que cela n'interdise à la commune d'en faire autant.
Puis le tribunal rappelle les mentions de l'article 12 -1 de la directive service 26/23 CE du Parlement européen et les mentions de l'article L2122 – 1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Ces deux dispositions sont relatives aux mesures de sélection préalables à l'exploitation économique d'une dépendance du domaine public.
Et, ayant rappelé que la convention d'occupation du domaine public liant la commune et l'association d'une part ainsi que la convention de sous occupation liant l'association et la SARL brasserie esprit XV avaient pris fin le 31 juillet 2021, il en déduit que la SARL brasserie esprit XV est occupante sans droit ni titre.
Il ajoute également que les conventions de sous occupation du domaine public ne sont opposables aux collectivités propriétaire qu'à la condition qu'elles aient agrées cette sous occupation, après que celles-ci aient été totalement portée à leur connaissance.
Enfin il rappelle que les mentions de reconduction tacite ou de renouvellement automatique d'un contrat d'occupation du domaine public, quelles que soit leur dénomination, sont nulles et de nul effet.
Il en déduit donc que, depuis le 1er août 2021, la SARL brasserie esprit XV ne bénéficie plus d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public et qu'elle occupait ainsi irrégulièrement le domaine public communal.
Dans ces conditions, il est enjoint à la SARL brasserie esprit XV de libérer l'espace buvette et de restaurants qu'elle occupe au sein du complexe sportif.
L'astreinte est également fixée.
Des enseignements particulièrement clairs sur un historique complexe comme c'est souvent le cas en matière d'occupation du domaine public sportif peuvent être retirés de ce jugement.
Nous savons gré au tribunal administratif de Grenoble d'avoir fait preuve de pédagogie pour expliquer de manière aussi claire que possible aux amateurs de rugby et de troisième mi-temps, qu'ils ne peuvent s'affranchir des modalités d'occupation domaniales !
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
Saint-Benoît (86)
Historique
-
La communication des documents d'urbanisme dans le cadre des opérations de vente immobilière : les obligations des communes
Publié le : 12/05/2023 12 mai mai 05 2023Collectivités / Services publics / Fonction publique / Personnel administratifLes communes sont détentrices de l'information en matière d'urbanisme sur les bâtiments et terrains relevant de leur territoire. Les notaires sont quant à...
-
La CNIL met en demeure le ministère de l’Économie de régulariser le fichier SIRENE utilisé par les douanes
Publié le : 10/05/2023 10 mai mai 05 2023Particuliers / Consommation / Informatique et InternetCollectivités / Services publics / Service public / Délégation de service publicEn synthèse, la CNIL a mis en lumière des manquements à la loi Informatique et Libertés dans l'utilisation du fichier SIRENE par la direction générale des...
-
Focus sur le désistement d'office de l'article L.612-5-1 du code de justice administrative
Publié le : 09/05/2023 09 mai mai 05 2023Collectivités / Contentieux / Tribunal administratif/ Procédure administrativeL’article L. 612-5-1 du code de justice administrative, dispose que : « Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête cons...
-
Formation des élus : les droits individuels en augmentation de 100 € en 2023
Publié le : 14/04/2023 14 avril avr. 04 2023Collectivités / Services publics / Fonction publique / Personnel administratifL’article L. 2123-12 du code général des collectivités territoriales (CGCT), dispose que : « Les membres d'un conseil municipal ont droit à une formation ad...
-
Occupation domaniale et rugby : l'essai transformé
Publié le : 31/03/2023 31 mars mars 03 2023Collectivités / Services publics / Service public / Délégation de service publicDans une décision du tribunal administratif de Grenoble du 6 février 2023 rendu sous numéro 210 65 37, la juridiction administrative est venue statuer sur...
-
Le bail emphytéotique administratif et l'obligation de consulter le service des domaines
Publié le : 17/03/2023 17 mars mars 03 2023Collectivités / Urbanisme / Ouvrages et travaux publics/ConstructionL'article L 1311 – 2 du code général des collectivités territoriales permet à une collectivité territoriale de mettre en œuvre un bail emphytéotique admini...
-
L'exécution des contrats de la commande publique à l'épreuve de la hausse des prix de certaines matières premières
Publié le : 14/03/2023 14 mars mars 03 2023Collectivités / Marchés publics / ExécutionIl y a presque un an, le 30 mars 2022, les services du premier ministre publiaient la circulaire relative à l'exécution des contrats de la commande publiqu...