Condamnation de la France par la CEDH

Condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire de viol

Publié le : 03/12/2025 03 décembre déc. 12 2025

CEDH, 4 sept 2025, AFFAIRE E.A. ET ASSOCIATION EUROPÉENNE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES AU TRAVAIL c. FRANCE
 
Le mouvement général vers une protection accrue des victimes de violences sexuelles s’enrichit d’une jurisprudence ambitieuse de la Cour européenne des droits de l’Homme. 
La CEDH avait en effet déjà condamné en 2025 la France et d’autres Etats en raison de la victimisation secondaire subie par des plaignantes confrontées à des procédures pénales contraires à leur dignité.

Elle précise dans l’arrêt commenté qu’en excluant notamment le consentement de la définition du viol la France ne disposait pas d’une législation suffisamment claire et protectrice des victimes d’agressions sexuelles.  

Dans cette affaire, la requérante, née en 1983, préparatrice en pharmacie, avait rejoint le service dirigé par le Docteur K. B., né en 1967, dans le cadre d’un contrat temporaire. Le 12 juin 2013, la requérante fut placée en arrêt de travail, puis elle fut hospitalisée en service de psychiatrie. Elle révéla à sa responsable qu’elle avait une relation intime avec K.B. et que celui-ci la harcelait. A la suite d’un signalement au parquet en juillet 2013, la requérante déposa plainte en septembre 2013. Les faits furent qualifiés de violences volontaires aggravées et de harcèlement sexuel. Condamné en première instance, le prévenu interjeta appel et la Cour d’appel de Nancy, en mai 2021, prononça une relaxe pour l’ensemble des chefs de la prévention. La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 février 2022, déclara le pourvoi de la requérante non admis, car les moyens soulevés tendaient à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond.

La Cour rappelle à la France que « les obligations positives qui pèsent sur les États en vertu des articles 3 et 8 de la Convention comportent l’obligation d’adopter des dispositions pénales incriminant et réprimant de manière effective tout acte sexuel non consenti ».

La Cour considère que « tout acte sexuel non consenti doit être incriminé et réprimé de façon effective, y compris lorsque la victime n’a pas opposé de résistance physique ». 

L’approche française décorrélée de toute appréhension des circonstances environnantes dans lesquelles les faits de nature sexuelle avaient été réalisés ne permettaient pas d’apprécier le défaut de consentement de la requérante.

Par ailleurs, la Cour relève que « l’exclusion des atteintes sexuelles dénoncées par la plaignante du cadre de l’enquête, le caractère parcellaire des investigations, la durée excessive de la procédure » démontrent que les autorités internes n’avaient pas satisfait à leur obligation d’enquêter de façon effective sur les faits dénoncés par la requérante. 

La Cour en conclut « que les autorités nationales ont manqué à leur obligation de protéger la dignité de plaignante »

Cet arrêt sanctionnant la France est intervenu peu avant l’adoption d’une nouvelle définition du viol

En effet consécutivement à l’entrée en vigueur, le 8 novembre 2025, de la loi modifiant la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, ceux-ci sont désormais entendus comme « Tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur » (Article 222-22 du code pénal).

Cet article est précisé pour définir le consentement et la manière de l'apprécier.

Le consentement devra être :
 
  • "libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable" ;
  • et apprécié au regard des circonstances, sans pouvoir "être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime"

Cette nouvelle définition, inspirée des textes et de la jurisprudence européenne, devrait mettre la France en conformité avec les exigences européennes, du moins en ce qui concerne la définition du viol. 

S’agissant de l’effectivité des enquêtes et de la répression des faits dénoncés par les victimes, le chemin semble encore long, 86 % des plaintes pour violences sexuelles demeurant classées sans suites en France selon la dernière note de l’institut des politiques publiques (Le traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales en France. Maëlle Stricot. Avril 2024. Note IPP n°107). 


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Frédéric LETANG
Avocat Associé
CDMF avocats
GRENOBLE (38)
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