
Bail commercial et décence du logement loué
Publié le :
22/01/2025
22
janvier
janv.
01
2025
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 14/11/2024, n°23-12.650
Résumé :
Des bailleurs donnent à bail commercial un immeuble comprenant au rez-de-chaussée un local à usage commercial (café) et à l’étage un local à usage d’habitation.Le tout est soumis au statut des baux commerciaux.
13 ans après la prise à bail, la locataire a assigné les bailleurs notamment en paiement de travaux de reprise de l’appartement pour le rendre habitable ainsi qu’en paiement de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance.
La Cour d’Appel a rejeté la demande du locataire au motif que d’une part il avait connaissance de l’état du local au moment de la prise de possession des lieux, mais que d’autre part il n’a demandé une expertise qu’en 2015, soit 11 années après l’entrée dans les lieux ce qui rendait sa demande hors délai.
La Cour de cassation, sur le fondement des articles 1709 et 1719 du Code civil, précise que « la connaissance de l’état des lieux par le locataire n’exonère pas le bailleur de son obligation de délivrer au preneur, tout au long de l’exécution du bail, un logement en bon état de réparations et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent.»
Le principe n’est pas nouveau, et la Cour de Cassation est régulièrement amenée à préciser que le local d’habitation, y compris s’il est inclus dans un bail commercial, est soumis aux règles de décence du logement.
Les bailleurs ont souvent tendance à considérer que le régime des baux commerciaux, et la liberté contractuelle qui l’entoure, notamment sur la prise en charge des travaux et de l’entretien, s'applique également aux locaux d’habitation qui forment un tout avec les locaux commerciaux.
Il est vrai qu’historiquement, les locaux commerciaux sont loués avec une partie habitation, ce qui explique que la jurisprudence soit si dense en la matière.
En revanche, l’application des critères de décence à la partie habitation ne sont applicables que dans l’hypothèse où le local est occupé conformément à l’usage prévu au bail et à titre d’habitation principale du locataire (voir notamment Cass. 3ème civ. 14/10/2009 n 08-10.955 et Cass. 3ème civ. 22/06/2017 n°15-18.316).
La Cour d’Appel de Paris a eu l’occasion de préciser que les dispositions contractuelles spécifiques ne sont pas de nature à faire échec à l'obligation de délivrance d'un logement décent. Ladite clause était pourtant claire sur la renonciation du locataire : « Le locataire prendra les locaux loués tels qu’ils se trouvent à l’époque fixée pour l’entrée en jouissance, sans pouvoir exiger aucune pièce de réparation d’aménagement, ou aucune réduction de loyer ». (CA Paris 01/07/2009 n°05/5320).
Dans l’arrêt du 14 novembre 2024, la Cour de Cassation réitère la règle applicable, mais précise de nouveau que la connaissance de l’état des lieux ne constitue pas une exonération pour le bailleur, ce qu’elle avait déjà précisé en 2012. (Cass. 3ème civ. 18/12/2012 n°11-24761)
Le seul moyen pour le bailleur « d’échapper » à son obligation de délivrance d’un logement décent est de prévoir contractuellement que l’occupation du local ne pourra être faite à titre d’habitation principale.
Le locataire peut de son côté, dans l’hypothèse où la partie habitation (qu’il occupe à titre de résidence principale) ne correspond pas aux critères de décence, solliciter à titre de dommages-intérêts (outre la mise en conformité et la prise en charge des travaux engagés) la réduction de son loyer. (Cass. 3ème civ.18/05/2011 n°10-13.584 et Cass. 3ème civ. 23/11/2010 n°09-15.120)
Ce qu’il faut retenir :
La location d’un local d’habitation occupé à titre de résidence principale, même inclus dans un bail commercial est soumis aux règles de décence du logement. La connaissance de l’état des lieux au moment de la prise de possession du bail par le locataire, n’exonère pas le bailleur de son obligation de délivrance d’un logement décent.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Blandine RAGEOT
Responsable
ORVA-VACCARO & ASSOCIES - TOURS, ORVA-VACCARO & ASSOCIES - PARIS
Paris (75)
Historique
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