Dangers du bail commercial et du bail emphytéotique
Publié le :
14/11/2023
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En mars 1990, la Ville de PARIS a consenti à la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS un bail emphytéotique de 55 années à compter du 1er mars 1988 portant sur plusieurs immeubles, dont des locaux commerciaux.Par acte sous seing privé en date du 2 janvier 1985, préalablement donc, la Ville de PARIS avait donné à bail à une personne physique, qui a cédé son droit au bail à la SARL HALLES IMMOBILIER, des locaux à usage commercial bénéficiant du statut des baux commerciaux.
Par acte d’huissier en date du 11 mars 2014, la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS, venant aux droits de la Ville de PARIS, a fait délivrer à la SARL HALLES IMMOBILIER un congé pour le 30 septembre 2014 avec offre de renouvellement, moyennant un loyer réévalué.
La locataire a fait valoir que la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS, qui vient aux droits de la Ville de PARIS, prétendait qu’elle serait preneur emphytéotique de l’immeuble sans en justifier et que ce bail emphytéotique ne lui serait pas opposable, de sorte que la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS ne démontrerait pas sa qualité de bailleur.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de PARIS, dans un arrêt du 14 avril 2021, avait considéré que la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS, qui est preneur emphytéotique de l’immeuble dans lequel le local commercial est situé, avait bien la qualité de bailleur commercial à l’égard de la SARL HALLES IMMOBILIER.
En clair, la Cour d’appel de PARIS a considéré que la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS, par l’effet du bail emphytéotique régularisé en 1990, avait également la qualité de bailleur commercial aux lieu et place de la Ville de PARIS dans le bail sous seing privé signé le 2 janvier 1985 par la Ville de PARIS.
L’emphytéote a-t-il intérêt à agir en tant que bailleur commercial en sa demande en fixation du loyer renouvelé ?
La locataire a considéré que les conventions ne pouvaient avoir d’effet qu’entre les parties contractantes.La locataire a considéré que le contrat de bail emphytéotique conclu entre la Ville de PARIS et la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS ne conférait pas à cette dernière la qualité de bailleur à son égard.
Elle a rappelé qu’elle n’était pas partie au contrat de bail emphytéotique conclu entre la Ville de PARIS et la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS, de sorte qu’elle restait locataire de la Ville de PARIS sans pouvoir se faire opposer les termes du contrat de bail emphytéotique conclu entre la Ville de PARIS et la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS.
Il s’agit de l’application et de l’interprétation des dispositions de l’article 1165 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
Selon les dispositions de ce texte, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes et ne nuisent pas aux tiers.
On sait pourtant que ce texte fait l’objet de multiples exceptions.
La Cour d’appel de PARIS, pour déclarer recevable l’action en fixation du prix du bail renouvelé intenté par l’emphytéote, avait retenu que les parties au bail emphytéotique avaient convenu dans l’acte du 19 mars 1990 que l’emphytéote ferait son affaire personnelle de la situation locative des biens et gérait directement l’immeuble dans lequel se trouvaient les locaux donnés à bail, de sorte qu’il avait bien la qualité de bailleur à l’égard de la locataire.
La Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 21 septembre 2023, n° 22-12.031).
Elle a considéré que la Cour d’appel avait violé les dispositions de l’article 1165 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 février 2016.
Cet arrêt est intéressant, car il donne une interprétation restrictive et précise de l’article 1165 du Code civil dans sa rédaction antérieure.
Les rédacteurs d’acte ont sans doute commis un péché d’orgueil en ne rendant pas opposables les effets du bail emphytéotique à la locataire ,Il suffisait soit de faire signifier cet acte au sens de l’article 1690 du Code civil, soit régulariser un avenant.
La Ville de PARIS aurait pu également régulariser un bail de sous-location avec la société HABITAT SOCIAL FRANÇAIS.
Tout ceci appelle à la précaution des rédacteurs d’actes !
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration
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