Responsabilité civile professionnelle : Pas de subsidiaire pour l’auxiliaire !
Publié le :
08/03/2024
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« Père gardez-vous à gauche, père gardez-vous à droite » : cette exhortation de Philippe le Hardi au roi Jean le Bon son père en 1356 lors de la bataille de Poitiers contre le prince Noir est toujours d’actualité.Sauf que maintenant il faut l’actualiser ainsi : « Maître, gardez-vous à gauche, Maître gardez-vous à droite » et le Prince Noir ce sont les règles procédurales et juridiques innombrables, complexes et parfois contradictoires qui rendent plus que complexe le travail des professionnels du droit et augmente leur responsabilité civile.
L’avocat - au même titre que les autres professionnels du droit est d’abord un citoyen lambda et par là-même responsable de ses actes : l’article 1231-1 du code civil (ancien 1147cc) le rend responsable de l’inexécution de son contrat.
C’est à dire qu’il doit répondre de sa faute commise dans la représentation, l’assistance et le conseil de son client encore que cette faute fut à l’origine du préjudice.
En réponse à la demande de son client l’avocat et son assureur ont souvent et font encore souvent valoir qu’il n’y a pas de préjudice car le client victime possède une ou d’autres possibilités d’agir contre des tiers pour avoir satisfaction comme récupérer sa créance par exemple contre un autre débiteur ou une caution ou par une autre voie d’exécution.
La Cour de cassation plus sévère à l’égard des professionnels du droit en raison de leurs monopoles et obligations déontologiques a mis le holà pour les avocats dès son arrêt du 19 décembre 2013 (1° Ch. Civ., n° 13-11807,FP+ B+I) : " qu'en se déterminant ainsi, alors qu'est certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel du droit, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice et que l'action que M. L. se voyait contraint d'exercer à nouveau contre son débiteur pour être rétabli dans son droit par suite de la situation dommageable créée par les fautes, non contestées, de son avocat, n'était pas de nature à priver la perte de chance invoquée de son caractère actuel et certain, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;"
La constance de cette affirmation de non subsidiarité de la responsabilité civile professionnelle du professionnel de droit s’est manifestée souvent depuis :
Par exemple pour un notaire (Civ. 1°, 25 novembre 2015, n° 14-26245), pour un notaire encore avec un attendu de principe :« Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que le dommage subi par une personne, par la faute d'un professionnel du droit, est un dommage certain quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation de son préjudice, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que la responsabilité du professionnel du droit n'a pas de caractère subsidiaire, en a, à bon droit, déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la dernière branche que le notaire devait réparer l’intégralité du préjudice subi par la banque; que le moyen n’est pas fondé. » (Civ. 1°, 9 décembre 2015, n°14-25854).
Même solution pour un avocat (Cass. civ. 1, 22-09-2016, n° 15-20.565, FSP+ B) : condamné à indemniser l’assureur qui a payé au-delà de son plafond de garantie au vu du jugement non assorti de l’exécution provisoire pour n’avoir pas invoqué au profit de son client la limitation de garantie : « la faute de l'avocat était constituée par son abstention fautive de se faire communiquer les éléments contractuels élémentaires indispensables à la défense de l'intérêt de sa cliente ». Sévère mais l’assureur n’avait pu récupérer contre l’assureur adverse le trop versé. ( Puis le 8 novembre 2023 belle illustration : un notaire fait la vente d’un bien d’une SCI sans l’accord de celle-ci et verse le prix à une autre SCI; même si le vendeur n’a rien fait pour poursuivre le recouvrement des fonds le notaire est responsable sur le fondement de l’article 1240 (ex 1382) du code civil (Civ. 1°, n° 22-20089).
Une confirmation douloureuse pour les professionnels (vu le montant du sinistre) a été donnée par un arrêt du 24 janvier 2024 de la 1° chambre de la cour de cassation (n° 22-14748) relatif à une SCP d’huissiers responsable de la nullité d’un congé en raisons de la délivrance d‘un acte imparfait même si le préjudice n’était pas réparable.
Alors confrères le dernier des Mohicans que je suis (appellation brevetée de notre confrère Jean-Baptiste Maurin avocat honoraire et caricaturiste) vous le répète : « Gardez-vous de tous côtés, votre responsabilité rôde ».
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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