Protection du consommateur de crédit : point de départ de la prescription
Publié le :
25/11/2025
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En 1998, une banque française avait consenti à un particulier un prêt immobilier affecté à l’achat d’un studio, souscrit en francs suisses et remboursable à terme en une seule échéance, le 30 avril 2018.
En 2017, reprochant à la banque de ne pas l’avoir suffisamment informé, l’emprunteur agissait contre celle-ci aux fins, notamment, de voir déclarer abusives certaines clauses de remboursement et de change du prêt, d’obtenir la restitution de toutes les sommes perçues en exécution de ce contrat et l’indemnisation des préjudices résultant du manquement de la banque à son obligation d’information.
La banque invoquait notamment la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de restitution.
Par arrêt du 19 octobre 2023, la Cour d’appel de Douai avait rejeté cette fin de non-recevoir, relevant que la banque ne soutenait pas que l’emprunteur avait eu ou pouvait raisonnablement avoir eu connaissance du caractère abusif de la clause concernée avant que n’intervienne la décision relative au caractère abusif de la clause.
Dans son arrêt (Cass. 1re civ., 17 sept. 2025, n° 23-23.629), la Cour de cassation rappelle dans un premier temps la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE arrêts du 10 juin 2021 et du 9 juillet 2020) selon laquelle le point de départ du délai quinquennal de prescription de l’action fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d’un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution des sommes indûment versées, doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.
Ce principe avait notamment été appliqué en droit interne par la Cour de cassation par arrêt du 12 juillet 2023 (pourvoi n° 22-17.030).
Puis, elle poursuit en relevant que, par arrêt du 25 avril 2024, la CJUE avait précisé que ce point de départ ne courait (i) qu’à compter de la date à laquelle la décision constatant le caractère abusif des clauses est devenue définitive et (ii) sous réserve de la faculté pour le prêteur de prouver que l’emprunteur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance du caractère abusif de la clause concernée avant que n’intervienne cette décision.
En appliquant immédiatement une solution nouvelle, la Cour de cassation précise qu’elle ne contrevient pas pour autant à la sécurité juridique fondée sur le droit à un procès équitable dans la mesure où il ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée dès lors que la partie qui s’en prévaut n’est pas privée du droit à l’accès au juge.
C’est donc selon la Cour de cassation à bon droit que la Cour d’appel, qui a jugé abusives et non écrites certaines clauses du contrat de prêt et examiné la demande de restitution fondée sur la nullité du contrat, sans que la banque n'ait soutenu devant elle que l'emprunteur avait eu ou pouvait raisonnablement avoir eu connaissance du caractère abusif de la clause concernée avant que n'intervienne la décision relative au caractère abusif de la clause, a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en restitution.
En conclusion, selon cette décision, le point de départ du délai de prescription de l'action fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé (i) à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses, (ii) sous réserve de la faculté, pour le prêteur, de prouver que l'emprunteur avait ou pouvait raisonnablement avoir connaissance du caractère abusif de la clause concernée avant que n'intervienne cette décision.
Il s’ensuit que, la sévérité en matière de prescription de l’action d’un consommateur en restitution est tempérée, et ne devrait plus jouer qu’un rôle résiduel sachant que :
- La demande de restitution sera la plupart du temps formée en même temps que celle tendant à voir réputer non-écrite la clause abusive ;
- L’action introduite par un consommateur en reconnaissance du caractère abusif d'une clause contractuelle figurant dans un contrat conclu avec un professionnel est, elle, imprescriptible (Cass. 1e civ. 13-3-2019 n° 17-23.169 ; CJUE 10 juin 2021 ; Cass. 1e civ. 30-3-2022 n° 19-17.996).
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Judith LEWERTOWSKI
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
Historique
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