Organisation funérailles et volonté du défunt

Résolution post-mortem des funérailles : volonté du défunt et personne qualifiée

Publié le : 31/10/2025 31 octobre oct. 10 2025

Un contentieux intemporel

Bien que l’organisation des funérailles et le choix du lieu de sépulture suscitent depuis des temps immémoriaux des oppositions au sein de la famille d’un défunt, le droit français ne contient pas de règles claires lorsqu’un défunt n’a pas exprimé sa volonté de son vivant, laissant le soin aux tribunaux de trancher cette difficulté.

La loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, à l’exception de ses articles 1 et 2, demeure le cadre juridique applicable en matière de contestation sur les conditions des funérailles.

Ce texte reste toutefois limité à la possibilité pour le de cujus d’exprimer sa volonté dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, sous seing privée ou par devant notaire. 

Il ne prévoit pas la situation dans laquelle le de cujus n’aurait pas exprimé une telle volonté sous forme écrite, alors que les membres de sa famille s’opposent sur l’organisation des funérailles et le choix du lieu de sépulture.

C’est précisément la situation ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 21 août 2025 par la Première chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 21 août 2025, n°25-17445)

Procédure

Il s’agissait en l’espèce d’une procédure de contestation des conditions des funérailles initiée par quatre des sept enfants de la défunte, visant à désigner leur oncle, frère de la défunte, comme personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles. Cet oncle souhaitait que la sépulture soit fixée en Centrafrique, pays natal du de cujus où elle était retournée vivre depuis janvier 2025 auprès des membres de sa famille résidant sur place.

Les trois autres enfants souhaitaient quant à eux que sa sépulture soit fixée en France métropolitaine, lieu de vie et de naissance de sa fille dont elle était le plus proche.

La défunte était née en Centrafrique où elle avait vécu une partie de sa vie avant de rejoindre la France métropolitaine. Ayant conservé des liens avec sa famille en Centrafrique, elle s’y rendait régulièrement pour de longs séjours. Ce n’est qu’en raison d’une hospitalisation en urgence qu’elle est retournée sur le territoire métropolitain avant d’y décéder le 4 juin 2025.

A défaut de volonté expresse du de cujus de son vivant, le Tribunal de proximité du Tribunal judiciaire de Paris, par jugement rendu le 18 juillet 2025, a désigné le frère de la défunte pour pourvoir aux funérailles de sa sœur, et lui a réservé le droit de régler les modalités des funérailles et notamment le droit de fixer le lieu et le mode de sépulture de sa sœur.

Les trois défendeurs interjetaient appel le même jour de cette décision devant le Premier Président de la Cour d’appel de Paris qui, selon ordonnance du 22 juillet 2025, l’a confirmée.

Le Premier Président de la Cour d’appel a considéré, pour ce faire, que le défunt avait conservé des liens personnels profonds avec son pays natal d’une part, à savoir la Centrafrique, et d’autre part que le frère de la défunte était à même d’associer les sept enfants aux funérailles.

Les défendeurs à l’instance se sont alors pourvus en cassation, faisant grief à l’arrêt attaqué de :
 
  • ne pas avoir recherché « quelle était la personne la mieux à même de connaître et d’exprimer la volonté de la défunte », privant sa décision de base légale au regard de l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 susvisée et de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.
 
  • ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses constatations, selon lesquelles une des filles du de cujus, défenderesse à l’instance, entretenait une relation privilégiée avec sa mère.  
La Cour de cassation, rappelant un principe déjà connu, mais cette fois-ci au visa de l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, a considéré qu’ « en l'absence de testament ou de déclaration faite en forme testamentaire, il appartient au juge saisi d'une contestation sur les modalités des funérailles, de rechercher, par tous moyens, quelles étaient les intentions du défunt et, à défaut, de désigner la personne la mieux qualifiée pour en décider ».

Après avoir rappelé le raisonnement souverain et à bon droit du Premier Président de la Cour d’appel, la Cour de cassation rejetait le pourvoi ainsi formé, considérant que les témoignages produits exprimaient le souhait de la défunte d’être inhumé en Centrafrique, et que son frère était la personne la plus à même de se voir confier l’organisation des funérailles en y associant ses sept enfants.

En l’absence de testament ou d’acte testamentaire : les intentions du défunt, et à défaut la personne la mieux qualifiée pour en décider

Il ne s’agit pas d’un principe nouveau (voir notamment Civ. 1ère, 4 juin 2007, n°06-13807 ; Civ. 1ère, 2 février 2010, n°10-11295). Toutefois, il est clairement rappelé au visa de l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, alors même que cet article ne prévoit pas le cas où le de cujus n’aurait pas exprimé sa volonté dans un acte.

Il en résulte vraisemblablement que la recherche des intentions du défunt devrait primer sur la recherche de la personne la mieux qualifiée pour décider de l’organisation des funérailles. Dit autrement, ce n’est qu’en cas d’impossibilité de connaître les intentions du défunt que « la personne la mieux qualifiée » devrait être recherchée.

La volonté du défunt peut être déduite de son mode de vie, de son historique familial, de son lien d’attachement avec un lieu. 

En l’espèce, la Cour fait référence à des témoignages exprimant la volonté de la défunte d’être inhumée en Centrafrique, au fait qu’elle y a vu naître six de ses sept enfants, qu’elle y a effectué de nombreux voyages tout au long de sa vie, au maintien d’une relation avec sa famille restée sur place, au fait qu’elle est retournée y vivre quelques mois avant son décès, et à la contribution financière de l’ensemble de sa famille pour le rapatriement de sa dépouille.

La Cour semble donc rechercher à la fois les intentions du défunt et la personne la mieux qualifiée pour faire respecter cette volonté, tout en rappelant le pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond et la possibilité de rapporter la preuve des intentions par tous moyens.

L’absence de définition légale de la personne la mieux qualifiée

Aucune disposition légale ou règlementaire ne définit la notion de « personne la mieux qualifiée ». La loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles n’y fait d’ailleurs même pas référence.

Cette notion est pourtant reprise par plusieurs dispositions du Code général des collectivités territoriales relatives aux funérailles (R. 2223-76 ; R. 2213-8-1 ; R. 2213-13 ; R. 2213-34-1 ; L. 2223-18-1 ; L. 2223-18-2 ; L. 2223-18-3 ; L. 2223-33 ; L. 2223-42-1), ainsi que par l’article R. 1261-10 du Code de la santé publique.

Ainsi, par suite de l’inquiétude de professionnels crématistes, une réponse ministérielle, du Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, du 17 décembre 2009 publiée au journal officiel du Sénat, est venue préciser :

« « À défaut d'expression de ses dernières volontés, désignant nommément la personne chargée des obsèques, on entend par « personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles » toute personne qui, par le lien stable et permanent qui l'unissait à la personne défunte, peut être présumée la meilleure interprète des volontés du défunt. »

Cette réponse illustre le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, à défaut de critères légaux.

La spécificité procédurale

En application de l’article 1061-1 du Code de l’organisation judiciaire, le Tribunal judiciaire est compétent pour statuer en matière de contentieux lié à l’organisation des funérailles.

La décision rendue par la Cour de cassation n’élève pas de difficulté à cet égard, de sorte que doit être considérée comme désuet, bien qu’en vigueur, l’article 4 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles qui établit la compétence du juge de paix du lieu du décès, sauf appel devant le président du tribunal civil de l’arrondissement.

L’article 1061-1 susvisé instaure en outre une procédure spéciale, permettant un traitement rapide du litige : 
 
  • le tribunal doit statuer dans les vingt-quatre heures de sa saisine, 
  • le délai d’appel est de vingt-quatre heures, devant le premier président de la Cour d’appel qui doit statuer immédiatement, la procédure d’appel étant sans représentation obligatoire.
Enfin, l’article 1009 du Code de procédure civile, afférent à la procédure devant la Cour de cassation, prévoit la possibilité de réduire les délais de dépôt des mémoires et pièces, ordinairement de quatre mois, par le premier président ou son délégué, à la demande d’une des parties ou d’office, après avis du procureur général.

Une telle faculté a été utilisée par les parties dans l’affaire qui nous concerne, de sorte que le délai de communication des mémoires et pièces a été ramené à cinq jours à compter de la réception du mémoire du demandeur au pourvoi.

La rapidité de cette procédure, nécessaire au regard de la nature du litige, est susceptible de rendre difficile l’exercice des droits de la défense, en exigeant de recueillir des éléments de preuve dans un délai restreint, qui plus est dans un contexte de deuil.

La nécessité d’une règle claire

L’émergence de familles recomposées et l’importance d’éléments d’extranéité sont des facteurs probables de l’augmentation du nombre de recours en matière d’organisation des funérailles.

La détermination d’une règle claire et prévisible serait par conséquent souhaitable, afin de respecter pleinement les volontés du défunt et sa dignité, tout en évitant aux membres de sa famille, dans la douleur, d’avoir recours aux tribunaux.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Bastien AUZUECH
Avocat Associé
2A Avocats Aoust & Auzuech
RODEZ (12)
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